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16/05/2018 | FRANCE | N°409916

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 16 mai 2018, 409916


Vu la procédure suivante :

La société Roc de la Pêche a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui payer une indemnité totale de 313 745 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, en réparation des préjudices subis du fait de la décision du 12 décembre 2009 du préfet de la Savoie refusant le raccordement au réseau public de la microcentrale qu'elle exploite ainsi qu'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un

jugement n° 104668 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Gre...

Vu la procédure suivante :

La société Roc de la Pêche a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui payer une indemnité totale de 313 745 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, en réparation des préjudices subis du fait de la décision du 12 décembre 2009 du préfet de la Savoie refusant le raccordement au réseau public de la microcentrale qu'elle exploite ainsi qu'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 104668 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à payer à la SNC Roc de la Pêche une indemnité de 38 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011 et capitalisation des intérêts échus au 16 octobre 2014 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 15LY00263 du 21 février 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a réformé ce jugement et ramené la somme de 38 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à la société Roc de la Pêche à 3 000 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 20 avril et le 20 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Roc de la Pêche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

- le décret n° 2009-447 du 21 avril 2009 pris pour l'adaptation de la délimitation et de la réglementation du parc national de la Vanoise aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Logak, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Roc de La Pêche ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 avril 2018, présentée par le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de la Savoie a autorisé, par un arrêté du 1er juin 1994, la société Sumatel, aux droits de laquelle est venue la société SNC Roc de la Pêche, à disposer de l'énergie du ruisseau du Génépy, sur la commune de Pralognan, pour l'installation d'une microcentrale électrique destinée à alimenter en électricité un refuge en altitude. Par un jugement du 5 octobre 2010, devenue définitif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 12 novembre 2009 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé le raccordement de la microcentrale exploitée par la société SNC Roc de la Pêche au réseau public de distribution d'électricité. Ce même tribunal a, par un jugement du 18 novembre 2014, condamné l'Etat à réparer les conséquences de l'illégalité de la décision du préfet de la Savoie du 12 novembre 2009, en versant à la société SNC Roc de la Pêche une indemnité de 35 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011 et capitalisation des intérêts échus au 16 octobre 2014 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur appel du ministre chargé de l'environnement et de l'énergie, par un arrêt du 21 février 2017 contre lequel la société SNC Roc de la Pêche se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a réformé ce jugement et ramené l'indemnisation du préjudice subi par la société à la somme de 3 000 euros.

2. Aux termes de l'article 14 du décret du 21 avril 2009 pris pour l'adaptation de la délimitation et de la réglementation du parc national de la Vanoise aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux : " Les activités hydroélectriques existantes à la date de publication du présent décret et régulièrement exercées sont autorisées. / Les modifications de capacité ou de modalités d'usage des eaux des installations existantes ainsi que la création de nouvelles installations sont soumises à l'avis conforme du conseil d'administration. / (...). " Aux termes de l'article 8 de l'arrêté du préfet de la Savoie du 1er juin 1994 déjà cité, autorisant l'usage de l'eau par la microcentrale électrique en cause : " Tout projet de cession totale ou partielle de la présente autorisation, toute demande de changement de permissionnaire doivent être notifiés au Préfet, qui, dans les deux mois de cette notification, devra en donner acte ou signifier son refus motivé. / Le permissionnaire doit, s'il change l'objet principal de l'utilisation de l'énergie en aviser le Préfet. " Il résulte de ces dispositions que le préfet, informé d'un changement de l'objet principal de l'utilisation de l'énergie par le permissionnaire, ne doit prendre une décision soumise à l'avis conforme du conseil d'administration du parc national de la Vanoise que si ce changement implique des modifications de capacité ou de modalités d'usage des eaux des installations existantes.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en raison du raccordement au réseau général d'électricité du refuge que la microcentrale exploitée par la SNC Roc de la Pêche alimentait en énergie provenant du ruisseau du Génépy, cette société a souhaité pouvoir injecter l'énergie électrique produite par la microcentrale dans le réseau public de distribution d'électricité. Ce changement d'objet de l'utilisation de l'énergie étant sans effet sur les modalités d'usage des eaux de la microcentrale, son autorisation n'avait pas à être soumise à l'approbation du conseil d'administration du parc naturel de la Vanoise. Par suite, en relevant que le préjudice invoqué, résultant des pertes de revenus tirés de la production d'électricité en 2010 par la microcentrale exploitée par la société SNC Roc de la Pêche, avait pour seule cause l'avis défavorable du conseil d'administration du parc de la Vanoise, pris sur le fondement de l'article 14 du décret du 21 avril 2009, et non la décision du préfet de la Savoie du 12 novembre 2009, qui se serait ainsi borné à en tirer les conséquences nécessaires, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la société SNC Roc de la Pêche au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 21 février 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la société SNC Roc de la Pêche au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Roc de la Pêche et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 409916
Date de la décision : 16/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2018, n° 409916
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Logak
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409916.20180516
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