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19/11/2018 | FRANCE | N°408203

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 19 novembre 2018, 408203


Vu la procédure suivante :

L'institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (INRSTEA) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la société Icade promotion, la société Hauvette-Champenois et associés, la société Atelier 4, la société Batiserf-ingénierie, le bureau d'études LouisF..., M. A... G..., M. D...C..., la société Antonangelli, la société SNEI, la société SVB Servibat, la société Sadira, la société Carreau plus, la société Entreprise Chauvet et la société Bureau de coordination

Gayaud à lui payer la somme de 791 920 euros, ultérieurement portée à 811 469,35...

Vu la procédure suivante :

L'institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (INRSTEA) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la société Icade promotion, la société Hauvette-Champenois et associés, la société Atelier 4, la société Batiserf-ingénierie, le bureau d'études LouisF..., M. A... G..., M. D...C..., la société Antonangelli, la société SNEI, la société SVB Servibat, la société Sadira, la société Carreau plus, la société Entreprise Chauvet et la société Bureau de coordination Gayaud à lui payer la somme de 791 920 euros, ultérieurement portée à 811 469,35 euros. Par un jugement n° 1201911 du 29 juillet 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a mis hors de cause plusieurs de ces sociétés, a condamné la société Atelier 4 à verser à l'INRSTEA la somme de 275 929,20 euros avec intérêts et capitalisation, et a condamné la société Icade Promotion à garantir la société Atelier 4 à hauteur de 30 %.

Par un arrêt n°s 14LY03040, 14LY03048 du 20 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société Icade Promotion et de la société Atelier 4, annulé les articles 2, 3 et 5 du jugement du 29 juillet 2014 du tribunal administratif de Clermont Ferrand et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 18 mai 2017 et 12 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'INRSTEA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Icade Promotion et de la société Atelier 4 la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Batiserf ingenierie, à la SCP Boulloche, avocat de la société Atelier 4, de la société Hauvette-Champenois et de la société MichelC..., à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société SNEI et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Bureau veritas construction.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, devenu l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (INRSTEA) a entrepris, durant l'année 1994, la réalisation d'un ensemble immobilier comportant quatre bâtiments à usage de bureaux et de laboratoires sur le campus des Cézeaux, situé sur le territoire de la commune d'Aubière ; que, par un acte d'engagement en date du 17 février 1995, la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée au groupement constitué de la société Hauvette-Champenois et associés, architecte, de la société Atelier 4, architecte, de la société Batiserf-ingénierie, bureau d'études techniques structures, du bureau d'études LouisF..., en charge des fluides, de M.G..., paysagiste et de M. D...C..., économiste du bâtiment, ayant pour mandataire la société Hauvette-Champenois et associés ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserves, avec effet au 14 janvier 1998 ; que des désordres sont apparus après la mise en service des bâtiments, à partir de 2000 ; que l'INRSTEA a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ainsi que d'autres participants à l'opération de construction à lui verser la somme de 811 469,35 euros TTC assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ; que, par un jugement du 29 juillet 2014, le tribunal de Clermont-Ferrand a retenu la responsabilité de la société Atelier 4, au titre de son manquement à son devoir de conseil, pour ne pas avoir attiré l'attention du maître d'ouvrage sur certaines défectuosités ; que, par l'arrêt attaqué du 20 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la condamnation de la société Atelier 4 prononcée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et rejeté la demande de l'INRSTEA ;

Sur le pourvoi :

2. Considérant qu'il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves ; qu'à défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte ; qu'il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat;

3. Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que le décompte du marché de maîtrise d'oeuvre conclu, le 17 février 1995, entre l'INRSTEA et le groupement ayant pour mandataire la société Hauvette-Champenois et associés et composé notamment de la société Atelier 4 a été signé par le maître de l'ouvrage sans aucune réserve et était, par conséquent, devenu définitif ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que l'INRSTEA ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises chargées de la maîtrise d'oeuvre, et notamment de la société Atelier 4, y compris en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux, dès lors que le décompte du marché de maîtrise d'oeuvre, qui ne contenait aucune réserve relative à la façon dont le groupement s'était acquitté de cette obligation, était devenu définitif, et alors même que les désordres au titre desquels la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre était recherchée n'étaient apparus que postérieurement à l'établissement du décompte du marché de maîtrise d'oeuvre ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'INRSTEA n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des sociétés Atelier 4 et Icade Promotion qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'INRSTEA la somme de 3 000 euros chacune à verser aux sociétés Batiserf Ingénierie et Atelier 4 au titre des mêmes dispositions; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'INRSTEA les sommes demandées au même titre par les sociétés SNEI et Bureau veritas construction.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture est rejeté.

Article 2 : L'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture versera aux sociétés Batiserf Ingénierie et Atelier 4 une somme de 3 000 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés SNEI et Bureau Véritas Construction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, à la société Atelier 4, représentant unique pour l'ensemble des requérants, ainsi qu'à la société Batiserf Ingenierie, à la société SNEI et à la société Bureau veritas construction.

Copie en sera adressée à la société Icade Promotion, à la société Bureau de Coordination Gayaud et Cie, à la société Sadira, à la société Carreau Plus, à la société Antonangelli et son mandataire judiciaire la MJ Synergie, à M. A...G..., à la société SVB Servibat et a son mandataire liquidateur MeE..., à l'entreprise Chauvet et à M. B...F....


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408203
Date de la décision : 19/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT - RÈGLEMENT DES MARCHÉS - DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF - EFFETS DU CARACTÈRE DÉFINITIF - IMPOSSIBILITÉ POUR LE MAÎTRE D'OUVRAGE D'OBTENIR L'INDEMNISATION D'UN PRÉJUDICE SUR LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DU CONSTRUCTEUR - EXISTENCE [RJ1] - Y COMPRIS LORSQUE CE PRÉJUDICE RÉSULTE DE DÉSORDRES APPARUS POSTÉRIEUREMENT À L'ÉTABLISSEMENT DU DÉCOMPTE - POSSIBILITÉ POUR LE MAÎTRE D'OUVRAGE DE RECHERCHER LA RESPONSABILITÉ DU CONSTRUCTEUR AU TITRE DE LA GARANTIE DÉCENNALE ET DE LA GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT - LORSQUE CELLE-CI EST PRÉVUE AU CONTRAT - EXISTENCE - SI LES CONDITIONS EN SONT RÉUNIES.

39-05-02-01-02 Il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves.... ...A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte.... ...Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE - EFFETS DU CARACTÈRE DÉFINITIF DU DÉCOMPTE GÉNÉRAL - IMPOSSIBILITÉ POUR LE MAÎTRE D'OUVRAGE D'OBTENIR L'INDEMNISATION D'UN PRÉJUDICE SUR LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DU CONSTRUCTEUR - EXISTENCE [RJ1] - Y COMPRIS LORSQUE CE PRÉJUDICE RÉSULTE DE DÉSORDRES APPARUS POSTÉRIEUREMENT À L'ÉTABLISSEMENT DU DÉCOMPTE - POSSIBILITÉ POUR LE MAÎTRE D'OUVRAGE DE RECHERCHER LA RESPONSABILITÉ DU CONSTRUCTEUR AU TITRE DE LA GARANTIE DÉCENNALE ET DE LA GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT - LORSQUE CELLE-CI EST PRÉVUE AU CONTRAT - EXISTENCE - SI LES CONDITIONS EN SONT RÉUNIES.

39-06-01-02 Il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves.... ...A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte.... ...Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 6 novembre 2013, Région Auvergne, n° 361837, T. p. 697.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2018, n° 408203
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP ODENT, POULET ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408203.20181119
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