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21/11/2018 | FRANCE | N°407366

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 21 novembre 2018, 407366


Vu la procédure suivante :

Le président du conseil régional de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon a porté plainte contre M. A...B...devant la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon. Par une décision du 16 juin 2016, la chambre régionale de discipline a prononcé contre lui une peine de cinq ans d'interdiction temporaire d'exercer, assortie d'un sursis de deux ans.

Par une décision du 8 décembre 2016, le Haut conseil du commissariat aux comptes a rejeté comme irrecevable l'app

el formé par M. B...contre cette décision, au motif que les dispositions ...

Vu la procédure suivante :

Le président du conseil régional de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon a porté plainte contre M. A...B...devant la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon. Par une décision du 16 juin 2016, la chambre régionale de discipline a prononcé contre lui une peine de cinq ans d'interdiction temporaire d'exercer, assortie d'un sursis de deux ans.

Par une décision du 8 décembre 2016, le Haut conseil du commissariat aux comptes a rejeté comme irrecevable l'appel formé par M. B...contre cette décision, au motif que les dispositions de l'article L. 824-14 du code du commerce, dans leur rédaction applicable au litige, prévoient que les sanctions prononcées par les chambres régionales de discipline font l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier et 2 mai 2017 et le 31 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 16 juin 2016 de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer la sanction prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M.B..., à la SCP Bénabent, avocat de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du Haut conseil du commissariat aux comptes.

Vu la note en délibéré enregistrée le 26 octobre 2018 présentée pour la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon.

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

1. Il résulte des dispositions de l'ordonnance du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes, qui a réorganisé la discipline des commissaires aux comptes, notamment en remplaçant les chambres régionales de discipline et le Haut conseil, instances juridictionnelles jusqu'alors compétentes respectivement en première instance et en appel pour prononcer les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux commissaires aux comptes, par des commissions régionales de discipline ou le Haut conseil statuant en formation restreinte, instances administratives désormais compétentes pour prononcer ces sanctions sous le contrôle du Conseil d'Etat, statuant comme juge de pleine juridiction. Il résulte des termes mêmes des dispositions issues de cette ordonnance, d'une part, que les nouvelles commissions régionales qu'elles instituent sont compétentes pour se prononcer sur les procédures de discipline pendantes devant les chambres régionales de discipline au 17 juin 2016 et, d'autre part, que le Haut conseil n'est compétent pour se prononcer sur les appels formés contre les décisions des chambres régionales que pour ceux formés devant lui avant le 17 juin 2016. Il résulte de ce qui précède que la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon était compétente pour prendre, le 16 juin 2016, la sanction contestée mais que, en revanche, le Haut conseil n'était plus compétent pour connaître de l'appel formé contre elle par M.B..., présenté après le 17 juin 2016. Si l'article L. 824-14 du code de commerce, dans sa formulation issue de l'ordonnance du 17 mars 2016, prévoit que la personne sanctionnée peut contester la sanction qui lui a été infligée par la commission régionale de discipline ou par le Haut conseil en formant un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat, cette voie de recours n'est pas ouverte contre les sanctions infligées, avant le 17 juin 2016, par les chambres régionales de discipline. Le Conseil d'Etat demeure toutefois compétent pour connaître du recours en cassation présenté par M. B...contre la sanction qui lui a été infligée, le 16 juin 2016, par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon.

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 822-43 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, relatif à la procédure devant la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes : " Le magistrat chargé du ministère public dépose des conclusions écrites et peut présenter des observations orales ; le commissaire aux comptes peut présenter des observations écrites et orales et se faire assister d'un commissaire aux comptes et d'un avocat ou représenter par un avocat. " Il résulte de ces dispositions que, devant la chambre régionale de discipline, le magistrat chargé du ministère public a la qualité de partie à l'instance. Sauf à méconnaître le principe du contradictoire, cette qualité lui impose de communiquer, avant l'audience, au commissaire aux comptes poursuivi, pour que celui-ci puisse y répondre, les conclusions qu'il sera amené à prononcer devant la chambre régionale de discipline.

3 Il ressort des pièces de la procédure devant la chambre régionale de discipline, que l'avocat général n'a pas déposé d'observations écrites avant l'audience du 18 mai 2016 à l'issue de laquelle la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon a prononcé à l'encontre de M. B...la sanction litigieuse. Si la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon fait valoir que ces conclusions ont été seulement orales et soutient que le principe du contradictoire doit être regardé comme ayant été respecté dès lors que M. B...a eu la faculté d'y répondre, et si le Haut conseil du commissariat aux comptes fait valoir que M. B...a reçu dans le délai de quinze jours prescrit par l'article R. 822-40 du code de commerce une citation comportant l'indication précise des griefs qui lui étaient adressés et qu'il a été mis à même d'y répondre, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ces circonstances ne sont pas de nature à corriger l'irrégularité de la procédure suivie au cours de l'audience. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision du 16 juin 2016 de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon.

4. Les dispositions de l'ordonnance du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes qui ont, ainsi que cela a été dit au point 1, réorganisé la discipline des commissaires aux comptes, notamment en remplaçant les chambres régionales de discipline des commissaires aux comptes et le Haut conseil du commissariat aux comptes, instances juridictionnelles jusqu'alors compétentes en première instance et en appel, par des commissions régionales de discipline ou le Haut conseil statuant en formation restreinte, instances désormais compétentes pour prononcer les sanctions, font obstacle à ce que le Conseil d'Etat, après cassation de la décision attaquée, procède au renvoi de l'affaire. Il appartiendra, le cas échéant, aux instances désormais compétentes de reprendre la procédure disciplinaire visant M. B...en faisant application des nouvelles dispositions issues de l'ordonnance du 17 mars 2016.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 16 juin 2016 de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Besançon est annulée.

Article 2 : La compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon versera une somme de 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la compagnie régionale des commissaires aux comptes de Besançon et au Haut conseil du commissariat aux comptes.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 407366
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2018, n° 407366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP BENABENT ; SCP OHL, VEXLIARD ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407366.20181121
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