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13/03/2019 | FRANCE | N°417604

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 13 mars 2019, 417604


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 26 novembre 2015 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Rhône lui a réclamé un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 3 850 euros pour la période du 1er décembre 2014 au 31 octobre 2015 et la décision de rejet de son recours administratif du 13 avril 2016 et, d'autre part, d'enjoindre à la métropole de Lyon de lui reverser les sommes indûment retenues. Par un jugement n° 1606377 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif a fa

it droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire co...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 26 novembre 2015 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Rhône lui a réclamé un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 3 850 euros pour la période du 1er décembre 2014 au 31 octobre 2015 et la décision de rejet de son recours administratif du 13 avril 2016 et, d'autre part, d'enjoindre à la métropole de Lyon de lui reverser les sommes indûment retenues. Par un jugement n° 1606377 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la métropole de Lyon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sandrine Vérité, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la métropole de Lyon, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A...B..., bénéficiaire du revenu de solidarité active, a épousé le 18 janvier 2014 M. C...B..., ressortissant tunisien, qui l'a rejointe sur le territoire français le 18 février 2016. Par une décision du 26 novembre 2015, confirmée le 27 janvier 2016 par le président de la métropole de Lyon sur recours administratif préalable, la caisse d'allocations familiales du Rhône a prononcé la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 3 850 euros pour la période du 1er décembre 2014 au 31 octobre 2015, résultant de la prise en compte des revenus de son époux, qui résidait et travaillait pendant cette période en Tunisie. La métropole de Lyon se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 novembre 2017 par lequel, à la demande de MmeB..., le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et enjoint à la métropole de lui rembourser les sommes éventuellement retenues pour le recouvrement de l'indu en litige.

2. Aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015 : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. / Le revenu garanti est calculé, pour chaque foyer, en faisant la somme : / 1° D'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer ; / 2° D'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge. / Le revenu de solidarité active est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du revenu garanti (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 262-3 du même code : " L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active (...) ". En vertu de l'article L. 262-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, le droit au revenu de solidarité active dit " socle ", permettant de porter les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 de ce code, " est subordonné à la condition que le foyer fasse valoir ses droits : / 1° Aux créances d'aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 203, 212, 214, 255, 342 et 371-2 du code civil ainsi qu'à la prestation compensatoire due au titre de l'article 270 du même code ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 262-12 du code de l'action sociale et des familles : " Le foyer peut demander à être dispensé de satisfaire aux obligations mentionnées aux deuxième à dernier alinéas de l'article L. 262-10. Le président du conseil départemental statue sur cette demande compte tenu de la situation du débiteur défaillant et après que le demandeur, assisté le cas échéant de la personne de son choix, a été mis en mesure de faire connaître ses observations. Il peut mettre fin au versement du revenu de solidarité active ou le réduire d'un montant au plus égal à celui de la créance alimentaire, lorsqu'elle est fixée, ou à celui de l'allocation de soutien familial ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des ressources du foyer doit en principe être pris en compte pour le calcul de l'allocation de revenu de solidarité active. Toutefois, les revenus du conjoint du bénéficiaire du revenu de solidarité active n'ont à être pris en compte qu'à hauteur des sommes qu'il verse à ce dernier ou des prestations en nature qu'il lui sert, au titre, notamment, de ses obligations alimentaires lorsque les époux, entre lesquels a cessé toute communauté de vie, tant matérielle qu'affective, étant ainsi séparés de fait, ils ne constituent plus un foyer au sens des articles L. 262-2 et L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles ou lorsque, du fait de sa résidence à l'étranger, le conjoint du bénéficiaire ne peut être pris en compte pour le calcul du revenu garanti. Dans le cas où aucune somme ne lui est versée ou aucune prestation en nature ne lui est servie, il appartient au bénéficiaire du revenu de solidarité active de faire valoir ses droits aux créances d'aliments, dans les conditions prévues aux articles R. 262-46 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

4. En premier lieu, il résulte des motifs du jugement attaqué que, pour juger que M. et Mme B...étaient séparés de fait entre le 1er décembre 2014 et le 31 octobre 2015, le tribunal administratif s'est fondé sur la seule circonstance que M. B...résidait et travaillait exclusivement en Tunisie au cours de cette période. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'une telle circonstance, qui n'impliquait pas à elle seule la cessation de toute communauté de vie entre eux, ne pouvait suffire à caractériser une séparation de fait des époux. Si la métropole de Lyon est, par suite, fondée à soutenir que le tribunal a, ce faisant, commis une erreur de droit, il résulte toutefois également de ce qui a été dit au point précédent que la résidence à l'étranger de M.B..., retenue par le tribunal et non contestée, n'aurait pas conduit à prendre en compte les ressources de ce dernier dans des conditions différentes. Ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant le tribunal, doit être substitué au motif retenu par le jugement attaqué, dont il justifie légalement le dispositif, sans que la métropole de Lyon puisse davantage, dans ces conditions, utilement soutenir qu'en se fondant sur la séparation de fait des époux, le tribunal aurait irrégulièrement soulevé d'office un moyen.

5. En deuxième lieu, en estimant qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'époux de la requérante, dont les revenus s'élevaient à 350 euros par mois, participait aux charges du mariage, le tribunal a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

6. En dernier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 262-10, L. 262-11 et L. 262-12 du code de l'action sociale et des familles que, sauf si le foyer en est dispensé par le président du conseil départemental, le droit au revenu de solidarité active est subordonné à la condition qu'il fasse valoir ses droits, notamment, aux créances d'aliments qui lui sont dues, y compris au titre des obligations entre époux, et que lorsque les démarches nécessaires à cette fin sont engagées, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active, qui assiste le demandeur dans ces démarches, sert ce revenu à titre d'avance en étant subrogé, pour le compte du département, dans les droits du foyer à l'égard de ses débiteurs. Toutefois, il résulte également de ces dispositions et de celles des articles R. 262-46 à R. 262-49 du même code que si le bénéficiaire du revenu de solidarité active n'a pas fait valoir ses droits à des créances d'aliments ou n'a pas demandé à être dispensé de cette obligation, le président du conseil départemental peut seulement, dans les conditions prévues par ces articles, mettre fin au versement de l'allocation ou en réduire le montant, mais non décider de récupérer à l'encontre du bénéficiaire, pour ce motif, des allocations déjà versées. Par suite, cette seule circonstance, en l'absence de fraude ou de fausse déclaration, étant sans incidence sur la récupération d'indu en litige, la métropole de Lyon n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si Mme B...avait fait valoir ses droits à créances d'aliments.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la métropole de Lyon n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon qu'elle attaque.

8. Mme B...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Piwnica, Molinié renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la métropole de Lyon une somme de 2 000 euros à verser à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que la somme que la métropole de Lyon demande à ce titre soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la métropole de Lyon est rejeté.

Article 2 : La métropole de Lyon versera à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de MmeB..., sous réserve que cette société renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 2 000 euros en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la métropole de Lyon et à Mme A...B....

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 417604
Date de la décision : 13/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2019, n° 417604
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sandrine Vérité
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417604.20190313
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