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22/10/2021 | FRANCE | N°443040

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 octobre 2021, 443040


Vu la procédure suivante :

M. A... et l'entreprise unipersonnelle (EURL) MCV ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin au bail consenti à M. A... portant sur un bâtiment situé 71 rue des Sapeurs à Saint-Martin-de-Londres et, d'autre part, de juger que la commune de Saint-Martin-de-Londres a commis une faute de nature à engager sa responsabilité " en laissant croire à M. A..., gérant de l'entreprise MCV, que le bail était de nature commer

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Vu la procédure suivante :

M. A... et l'entreprise unipersonnelle (EURL) MCV ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin au bail consenti à M. A... portant sur un bâtiment situé 71 rue des Sapeurs à Saint-Martin-de-Londres et, d'autre part, de juger que la commune de Saint-Martin-de-Londres a commis une faute de nature à engager sa responsabilité " en laissant croire à M. A..., gérant de l'entreprise MCV, que le bail était de nature commerciale ". Par un jugement n° 1605711 du 9 avril 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18MA02642 du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A... et de l'entreprise MCV, annulé ce jugement et, statuant par voie de l'évocation, a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 19 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Martin-de-Londres demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. A... et de l'entreprise MCV la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le pourvoi a été communiqué à M. A... et à l'entreprise MCV qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la commune de Saint Martin de Londres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le département de l'Hérault a, par une délibération du 19 mai 1981, décidé d'acquérir un terrain situé sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Londres en vue d'y édifier un hangar destiné à abriter les véhicules et le matériel de forestiers-sapeurs. Cette acquisition a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique par arrêté du 25 juin 1981. L'usage du bâtiment par les forestiers-sapeurs ayant cessé, le hangar et le terrain attenant ont été cédés, après délibération de la commission permanente du département en date du 9 novembre 1998, à la commune de Saint-Martin-de-Londres, selon un acte authentique établi les 9 et 10 décembre 1998. Le 31 août 2011, la commune a donné en location ce hangar à M. A..., artisan menuisier et gérant de l'EURL MCV selon un bail signé le 31 août 2011 pour la période allant du 1er octobre 2011 au 1er décembre 2012, renouvelable par tacite reconduction, et auquel le maire de Saint-Martin-de-Londres a décidé de mettre fin par une décision du 7 décembre 2015. Par un jugement du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... et de l'EURL MCV tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à ce qu'il déclare qu'en laissant croire à M. A... que le bail était de nature commerciale, la commune de Saint-Martin-de-Londres avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dont la partie législative est issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 3111 du même code: " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. ". Aux termes de l'article L. 2141-1 du même code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ".

3. Avant l'entrée en vigueur de la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, intervenue, en vertu des dispositions précitées, le 1er juillet 2006, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition qu'il ait été affecté à un service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 qui exige, pour qu'un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.

4. La cour administrative d'appel, par l'arrêt attaqué, a relevé qu'à la suite de l'acquisition de la parcelle et du hangar en litige en 1981 par le département de l'Hérault, ceux-ci avaient été affectés à la prévention et la lutte contre les feux de forêts, qui constitue une mission relevant d'un service public complémentaire à celui des pompiers, et que le hangar avait fait l'objet d'un aménagement spécial à cette fin, ce dont elle a déduit que les biens en cause faisaient alors partie du domaine public départemental. En jugeant que ces biens immobiliers avaient cessé par la suite d'appartenir au domaine public au seul motif qu'ils avaient été désaffectés et cédés à la commune de Saint-Martin de Londres par un acte notarié des 9 et 10 décembre 1998 mentionnant leur appartenance au domaine privé départemental et qu'il était également fait mention de leur appartenance à ce même domaine privé dans le rapport du président à la commission permanente du conseil général de l'Hérault du 9 novembre 1998 préalable à la cession, de sorte que la parcelle et le hangar avaient selon elle nécessairement fait l'objet d'une mesure de déclassement, sans rechercher si une décision expresse de déclassement était intervenue, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. La commune de Saint-Martin-de-Londres est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. A... et de l'entreprise MCV au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 19 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions formées par la commune de Saint-Martin-de-Londres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Martin-de-Londres, à M. A... et à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée MCV.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 septembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat et M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 22 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Hervé Cassagnabère

La secrétaire :

Signé : Mme C... B...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 443040
Date de la décision : 22/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2021, n° 443040
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:443040.20211022
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