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22/10/2021 | FRANCE | N°450205

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 octobre 2021, 450205


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Orange a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres exécutoires n° 6130 du 12 décembre 2014 et nos 8123 et 8126 du 11 décembre 2015, émis par la commune de Montpellier, et d'être déchargée en conséquence du paiement des sommes correspondantes. Par un jugement n° 1603853 du 31 mai 2018, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18MA03226 du 24 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Montpellier et Montpellier Mé

diterranée Métropole contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Orange a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres exécutoires n° 6130 du 12 décembre 2014 et nos 8123 et 8126 du 11 décembre 2015, émis par la commune de Montpellier, et d'être déchargée en conséquence du paiement des sommes correspondantes. Par un jugement n° 1603853 du 31 mai 2018, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18MA03226 du 24 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Montpellier et Montpellier Méditerranée Métropole contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 février et 26 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Montpellier et Montpellier Méditerranée Métropole demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier et de rejeter la demande de la société Orange ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier et de la Montpellier Mediterranée Metropole et à la SAS cabinet Boulloche, avocat de la société Orange SA ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Orange, opérateur de communications électroniques, est titulaire d'une permission de voirie sur le territoire de la commune de Montpellier pour les câbles, équipements et autres ouvrages implantés en surface ou en sous-sol du domaine public routier. Par une délibération n° 32 du 20 décembre 2005, le conseil municipal de la commune de Montpellier a décidé d'instituer une redevance due au titre des occupations temporaires du domaine public communal. Par trois délibérations n° 2012/640 du 17 décembre 2012, n° 2013/616 du 16 décembre 2013 et n° 2014/569 du 17 décembre 2014, le conseil municipal de la commune de Montpellier a fixé un tarif de 0,55 puis de 0,56 euros par m² et par jour pour les années 2013, 2014 et 2015. Sur le fondement de ces délibérations, la commune de Montpellier a émis, à l'encontre de la société Orange des titres exécutoires n° 6130 du 12 décembre 2014, n° 8123 et n° 8126 du 11 décembre 2015, pour des chantiers de travaux que la société a réalisés sur le domaine public communal. La société Orange a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler ces titres exécutoires et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement du 31 mai 2018, ce tribunal a fait droit à cette demande. Par un arrêt du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Montpellier et par Montpellier Méditerranée Métropole, qui dispose de la compétence en matière de voirie depuis 2016, contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 113 3 du code de la voirie routière : " (...) les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (...) peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre ". L'article L. 113 4 du même code prévoit que : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ".

3. Aux termes de l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques : " Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier (...). / (...) / L'occupation du domaine public routier (...) peut donner lieu au versement de redevances aux conditions prévues [à l'article] L. 47 ". Aux termes de cet article L. 47 dans sa rédaction applicable au litige : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115 1 du code de la voirie routière. / L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie. / (...) / La permission de voirie ne peut contenir des dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle donne lieu à versement de redevances dues à la collectivité publique concernée pour l'occupation de son domaine public dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs. / L'autorité mentionnée au troisième alinéa se prononce dans un délai de deux mois sur les demandes de permission de voirie. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci- dessus ". Aux termes de l'article R. 20 45 du même code : " La permission de voirie prévue au premier alinéa de l'article L. 47 est délivrée : / (...) / - par l'exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du domaine dans les autres cas ". Selon l'article R. 20 51 du même code : " Le montant des redevances tient compte de la durée de l'occupation, de la valeur locative de l'emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu'en tire le permissionnaire. / Le gestionnaire du domaine public peut fixer un montant de redevance inférieur pour les fourreaux non occupés par rapport à celui fixé pour les fourreaux occupés. / Le produit des redevances est versé au gestionnaire ou au concessionnaire du domaine occupé, dans les conditions fixées par la permission de voirie ". L'article R. 20 52 de ce code dispose enfin que : " Le montant annuel des redevances, déterminé, dans chaque cas, conformément à l'article R. 20 51, en fonction de la durée de l'occupation, des avantages qu'en tire le permissionnaire et de la valeur locative de l'emplacement occupé, ne peut excéder : / I. Sur le domaine public routier : / 1° Dans le cas d'une utilisation du sol ou du sous- sol, par kilomètre et par artère : 300 euros pour les autoroutes ; 30 euros pour le reste de la voirie routière ; / 2° Dans les autres cas, par kilomètre et par artère : / 40 euros ; / 3° S'agissant des installations autres que les stations radioélectriques : 20 euros par mètre carré au sol. L'emprise des supports des artères mentionnées aux 1° et 2° ne donne toutefois pas lieu à redevance. / (...) ".

4. En l'absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente, sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1, L 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, pour délivrer les permissions d'occupation temporaire de ce domaine et fixer le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation, en tenant compte des avantages de toute nature que le titulaire de l'autorisation est susceptible de retirer de cette occupation.

5. Pour juger que le conseil municipal de la commune de Montpellier n'était pas compétent pour fixer le tarif de la redevance due par les opérateurs de communications électroniques en contrepartie de l'occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux que ces opérateurs ont réalisés, que ces exploitants devaient dès lors être exclus du champ d'application des délibérations du 20 décembre 2005, 17 décembre 2012 et du 17 décembre 2014 par lesquelles ce conseil municipal a fixé le montant de cette redevance et, par voie de conséquence, que la commune de Montpellier ne pouvait légalement émettre les titres exécutoires en litige pour le recouvrement de cette même redevance sur le fondement de ces délibérations entachées, sur ce point, d'illégalité, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée, d'une part, sur les dispositions de l'article L. 113-4 du code de la voirie routière citées au point 2 qui prévoient que les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de communications électroniques sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques et, d'autre part, sur ce que l'article L. 47 de ce code cité au point 3 mentionne les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux, sans faire de distinction entre les occupations permanentes et provisoires, et renvoie à un décret le soin de déterminer, notamment, le montant maximum de la redevance due en contrepartie de l'occupation du domaine public routier, pour en déduire l'existence d'une réglementation tarifaire particulière qui excluait que la commune puisse légalement faire usage de la compétence générale qu'elle tire de sa qualité de gestionnaire du domaine public.

6. Toutefois, d'une part, il ressort des articles L. 45-9 et L. 47 du code des postes et communications électroniques précités qu'ils ont pour objet de réglementer respectivement le droit de passage et la permission de voirie nécessaires à l'implantation des ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques et aux travaux correspondants qui doivent être effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière, et de prévoir le principe du paiement d'une redevance due au titre de l'occupation permanente du domaine public routier par ces ouvrages, tandis que, d'autre part, les articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du même code, auxquels renvoie l'article L. 47, ne font référence qu'à ce même droit de passage et, à ce titre, ne mentionnent que les artères et les fourreaux, occupés ou non.

7. Par suite, en l'absence de dispositions particulières applicables à l'occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, la cour administrative d'appel de Marseille, en statuant comme elle l'a fait, a méconnu le champ d'application des dispositions citées au point 3 et commis ainsi une erreur de droit. Dès lors, son arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société Orange versera une somme totale de 3 000 euros à la commune de Montpellier et à Montpellier Méditerranée Métropole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montpellier, à Montpellier Méditerranée Métropole et à la société anonyme Orange.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 septembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat et M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 22 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Hervé Cassagnabère

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 450205
Date de la décision : 22/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2021, n° 450205
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SAS CABINET BOULLOCHE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450205.20211022
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