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05/11/2021 | FRANCE | N°434036

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 05 novembre 2021, 434036


Vu la procédure suivante :

La société Laboratoires Gilbert a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire, en droits et intérêts de retard, de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados). Par un jugement n° 1601437 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT03645 du 28 juin 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société

Laboratoires Gilbert contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire co...

Vu la procédure suivante :

La société Laboratoires Gilbert a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire, en droits et intérêts de retard, de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados). Par un jugement n° 1601437 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT03645 du 28 juin 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Laboratoires Gilbert contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2019 et le 15 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Laboratoires Gilbert demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté économique européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 ;

- le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 ;

- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 ;

- la communication de la Commission européenne 2009/C83/01 du 7 avril 2009, relative au cadre temporaire pour les aides d'Etat destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 ;

- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;

- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Laboratoires Gilbert ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Laboratoires Gilbert, qui exerce une activité de fabrication de produits pharmaceutiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge une cotisation supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009, à raison du dépassement du plafond des aides dites " de minimis " régies par le règlement n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Caen du 5 octobre 2017 rejetant sa demande en décharge de cette cotisation.

2. D'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. " Aux termes de l'article 88 du même traité, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché intérieur (...), elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...). / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, (...) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale (...) ". Aux termes du 2 de l'article 2 du règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis : " Le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 100.000 euros sur une période de trois ans. Ce plafond s'applique quels que soient la forme et l'objectif des aides ". Aux termes du 2 de l'article 2 du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis, applicable du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013 : " Le montant brut total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux (...). La période à prendre en considération est déterminée en se référant aux exercices fiscaux utilisés par l'entreprise dans l'Etat membre concerné. " La communication de la Commission européenne 2009/C83/01 du 7 avril 2009, prise sur le fondement de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 107, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, porte, sous certaines conditions, ce seuil à 500 000 euros pour les aides accordées après le 17 décembre 2008 et jusqu'au 31 décembre 2010.

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 1465 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur antérieurement à la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 : " Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procèdent sur leur territoire, soit à des décentralisations, extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités. Cette délibération ne peut avoir pour effet de reporter de plus de cinq ans l'application du régime d'imposition de droit commun. Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 1995, l'exonération s'applique dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire et dans les territoires ruraux de développement prioritaire définis par décret ". Le X de l'article 87 de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 a, notamment, substitué à la dernière phrase de cet alinéa la phrase suivante : " Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au 31 décembre 2013, les exonérations s'appliquent dans les zones d'aide à finalité régionale. " et complété cet article par deux nouveaux alinéas ainsi rédigés : " Ces dispositions s'appliquent dans les conditions et limites prévues par le règlement (CE) n° 1628/2006 de la Commission, du 24 octobre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale./ Lorsque l'entreprise ne remplit pas les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article 1465 B et que l'opération est réalisée dans une zone d'aide à finalité régionale limitée aux petites et moyennes entreprises, l'exonération s'applique dans les conditions et limites prévues par le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis. " Aux termes du 3° du même X, ces deux alinéas s'appliquent aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2007. Puis l'article 45 de la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a, notamment, substitué à ces alinéas deux alinéas ainsi rédigés : " Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2007, le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1628 / 2006 de la Commission du 24 octobre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale. / Lorsque l'entreprise ne satisfait pas aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article 1465 B et que l'opération est réalisée à compter du 1er janvier 2007 dans une zone d'aide à finalité régionale limitée aux petites et moyennes entreprises, le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998 / 2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. " Enfin, l'article 114 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, applicable aux avantages octroyés à compter du 1er janvier 2009, substitue au premier des deux alinéas la rédaction suivante : " Le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect de l'article 13 du règlement (CE) n° 800 / 2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie). "

4. En premier lieu, en faisant application des dispositions de l'article 1465 du code général des impôts dans leur version issue de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, qui conditionnent le bénéfice de l'exonération qu'elles prévoient au respect du règlement n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis, alors que ces dispositions, qui concernent les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2007, n'étaient pas applicables au litige qui porte, selon les motifs mêmes de l'arrêt, sur des opérations d'extension de locaux réalisées en 2003, la cour a commis une erreur de droit. Toutefois, même en l'absence de mention dans la loi interne, l'administration fiscale restait tenue, dans le cadre de son pouvoir de rectification, d'assurer le respect du plafond des aides de minimis résultant des règles du droit de l'Union européenne directement applicables au litige. Ce motif, qui répond au moyen soulevé devant la cour administrative d'appel et dont l'examen n'implique aucune appréciation supplémentaire des circonstances de fait de l'espèce, doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.

5. En deuxième lieu, la cour a jugé que la société Laboratoires Gilbert n'était pas fondée à invoquer, à défaut de satisfaire les conditions définies par le règlement de minimis, les termes du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie), dès lors qu'elle n'établissait ni même ne soutenait satisfaire aux conditions prévues par ce règlement. La requérante ne conteste pas utilement ces motifs en soutenant que les dispositions du règlement, dont elle se prévalait devant la cour, n'étaient pas applicables au litige.

6. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la requérante ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement au soutien de son pourvoi les dispositions de l'article 1465 du code général des impôts applicables aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2007, lesquelles n'étaient pas applicables au litige, en ce qu'elles n'imposeraient le respect des conditions prévues par le règlement de minimis que dans l'hypothèse où l'opération est réalisée dans une zone d'aide à finalité régionale limitée aux petites et moyennes entreprises par une entreprise ne répondant pas à cette définition.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laboratoires Gilbert n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Laboratoires Gilbert est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Laboratoires Gilbert et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la Section du contentieux, présidant ; M. J... I..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre; Mme A... M..., M. F... H..., Mme K... C..., M. L... D..., M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. N... B...

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Agnoux

La secrétaire :

Signé : Mme E... G...


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 434036
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2021, n° 434036
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434036.20211105
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