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10/11/2021 | FRANCE | N°448105

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 10 novembre 2021, 448105


Vu la procédure suivante :

Mme E... I..., épouse G..., M. D... G..., Mme C... G... et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à leur verser la somme globale de 58 000 euros en réparation de leur préjudice moral résultant du décès de M. H... G..., à titre subsidiaire, de condamner l'Etat ou le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à leur verser la somme globale de 58 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du décès de M. H... G.... Par un jug

ement n° 1603173 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon...

Vu la procédure suivante :

Mme E... I..., épouse G..., M. D... G..., Mme C... G... et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner solidairement l'Etat et le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à leur verser la somme globale de 58 000 euros en réparation de leur préjudice moral résultant du décès de M. H... G..., à titre subsidiaire, de condamner l'Etat ou le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à leur verser la somme globale de 58 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du décès de M. H... G.... Par un jugement n° 1603173 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18LY04574 du 22 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme G... et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2020 et 23 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme G... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. et Mme G... et autres, et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. G..., né le 23 janvier 1976, a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Corbas à compter du 12 mars 2011, puis incarcéré dans ce même établissement à la suite de sa condamnation par un arrêt de la cour d'assises du Rhône du 24 janvier 2014 à une peine de 15 ans de réclusion criminelle pour meurtre. Il a été transféré au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse le 18 juin 2014. Le 23 janvier 2015 au matin, son codétenu l'a découvert pendu dans la cellule, et malgré la mise en œuvre de manœuvres de réanimation et l'intervention des services de secours, le décès de M. G... a été constaté. Ses parents, Mme I..., épouse G..., et M. G..., et ses sœurs, Mmes Hammani, ont, après le rejet de leur demande préalable, demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat et le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse à leur verser la somme globale de 58 000 euros en réparation de leur préjudice moral résultant du décès de M. G.... Par un jugement du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Par un arrêt du 22 octobre 2018, contre lequel les consorts G... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel contre ce jugement.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments des requérants, a suffisamment exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, dont dépend l'unité médicale du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, n'avait pas commis de faute en lien avec le suicide de M. G.... Le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'insuffisance de motivation ne peut donc qu'être écarté.

Sur la responsabilité de l'Etat :

3. La responsabilité de l'État en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l'intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. G... a présenté, pendant sa détention puis au début de son incarcération à la maison d'arrêt de Lyon Corbas, après sa condamnation, des signes de dépression justifiant un traitement médical à base de psychotropes, un suivi psychiatrique et une surveillance spécifique et qu'il a effectué une tentative de suicide par pendaison le 12 août 2011, il avait été ensuite mis fin à ce traitement et M. G... ne faisait plus l'objet, depuis plusieurs années avant son transfert au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, d'aucune mesure particulière relative à une fragilité psychologique connue, son comportement au cours de ces années de détention ne présentant plus aucun signe d'inadaptation au milieu carcéral ni de tendance suicidaire. Dès lors, la cour administrative d'appel de Lyon a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui étaient soumises, considérer que le suicide de M. G... présentait un caractère imprévisible et en déduire, sans commettre d'erreur de qualification juridique des faits, que l'administration pénitentiaire n'avait pas commis de fautes dans l'évaluation et la prévention du risque suicidaire de M. G..., alors même que la maison d'arrêt de Lyon-Corbas n'avait pas informé le centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse de sa tentative de suicide en 2011.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse :

5. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 368 du code de procédure pénale : " Les missions de diagnostic et de soins en milieu pénitentiaire et la coordination des actions de prévention et d'éducation pour la santé sont assurées par une équipe hospitalière placée sous l'autorité médicale d'un praticien hospitalier, dans le cadre d'une unité de consultations et de soins ambulatoires, conformément aux dispositions des articles R. 6112 14 à R. 6112 25 du code de la santé publique. / En application de l'article R. 6122 14 du code de la santé publique, le directeur général de l'agence régionale de santé désigne, pour chaque établissement pénitentiaire de la région, l'établissement public de santé situé à proximité de l'établissement pénitentiaire, qui est chargé de mettre en œuvre les missions décrites au premier alinéa du présent article. / (...) ". Selon l'article D. 375 du même code : " Le dossier médical du détenu est conservé sous la responsabilité de l'établissement de santé visé au deuxième alinéa de l'article D. 368 et à l'article D. 372. / Quand le dossier est établi par l'établissement de santé, il est soumis aux dispositions des articles R. 1112-2 et suivants du code de la santé publique. / Seul le personnel soignant peut avoir accès au dossier médical. / En cas de transfèrement ou d'extraction vers un établissement hospitalier, les informations médicales contenues dans le dossier sont transmises au médecin destinataire dans des conditions matérielles garantissant leur inviolabilité ".

6. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier de l'entretien de M. G... avec un infirmier lors de son arrivée au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, le 18 juin 2014, de sa consultation avec un médecin généraliste le 9 juillet 2014 et du suivi par un psychiatre et par un psychologue dont il a bénéficié, qu'aucun élément dépressif grave ou idée suicidaire persistante n'a été décelé. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la cour administrative d'appel de Lyon aurait commis une erreur de droit ou inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en estimant que le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse n'a pas commis de faute en ne délivrant pas aux autorités pénitentiaires les renseignements nécessaires à l'orientation et la surveillance du détenu qu'aurait justifié, selon les requérants, son état de santé et en ne prenant pas en compte un état suicidaire connu.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : : Le pourvoi de M. et Mme G... et autres est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée Mme E... I..., épouse G..., première requérante dénommée, au garde des sceaux, ministre de la justice et au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2021 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, Conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

Le rapporteur :

Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :

Signé : Mme F... A...


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 448105
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2021, n° 448105
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP SPINOSI ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448105.20211110
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