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30/12/2021 | FRANCE | N°450740

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 450740


Vu la procédure suivante :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Dugny (Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 2006221 du 17 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa protestation.

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)

de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. H... D... la somme...

Vu la procédure suivante :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Dugny (Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 2006221 du 17 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa protestation.

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. H... D... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;

- le décret n° 2020-742 du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Barbat, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. F... et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 à Dugny (Seine-Saint-Denis), en vue de l'élection des conseillers municipaux et du conseiller communautaire, la liste " Dugny pour tous " conduite par M. H... D... a obtenu, au second tour du scrutin 852 voix, soit 27,54 % des suffrages exprimés. Cette liste ayant obtenu la majorité relative des suffrages exprimés, vingt-et-un des trente-trois sièges que compte le conseil municipal de cette commune et le siège de conseiller communautaire lui ont été attribués. Quatre candidats de la liste " Au cœur de Dugny avec Faouzy F... ", menée par M. C... F... qui a obtenu 812 voix, soit 26,25 % des suffrages exprimés, ont été élus. Enfin, les listes " Renouveau pour Dugny " et " La force de l'expérience pour Dugny " conduites par M. I... G... et par M. A... K... ont recueilli respectivement 725 et 704 voix, soit 23,44 % et 22,76 % des suffrages exprimés et quatre de leurs candidats ont été élus. M. F... fait appel du jugement du 17 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa protestation dirigée contre ces opérations électorales.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute du jugement ne comporterait pas l'ensemble des signatures requises en vertu de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.

3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus de communiquer aux auteurs des protestations les mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée, non plus que les autres mémoires ultérieurement enregistrés, et qu'il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces défenses et mémoires ultérieurs au greffe du tribunal administratif. M. F... n'établit, ni même n'allègue, avoir été dans l'impossibilité de consulter le mémoire en défense produit par M. D.... Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité, au motif que le mémoire en défense lui aurait été communiqué tardivement en méconnaissance des principes du caractère contradictoire de la procédure et d'égalité des armes ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. F..., le jugement attaqué est suffisamment motivé.

Sur les procurations :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 73 du code électoral: " Chaque mandataire ne peut disposer de plus de deux procurations, dont une seule est établie en France. / Si ces limites ne sont pas respectées, la ou les procurations qui ont été dressées les premières sont seules valables ; la ou les autres sont nulles de plein droit ". Aux termes de l'article 1er de la loi 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires : " I. - Compte tenu des risques sanitaires liés à l'épidémie de covid-19, le présent article s'applique au second tour de l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, organisé en juin 2020. / Le présent article est applicable sur tout le territoire de la République. / II. - Chaque mandataire peut disposer de deux procurations, y compris lorsqu'elles sont établies en France. (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 22 juin 2020 citée ci-dessus que les mandataires pouvaient, à l'occasion du second tour de scrutin des élections municipales du 28 juin 2020, disposer de deux procurations, y compris celles établies en France. Il résulte de ces mêmes dispositions, éclairées par les travaux parlementaires dont elles sont issues, que le législateur a entendu prendre en compte, dans le nombre maximum de deux procurations par mandataire, celles qui avaient établies avant la publication de la loi, ce nombre devant être vérifié la veille ou le jour du scrutin par le maire. Par suite, le moyen tiré de ce que les deuxièmes procurations établies en France au profit d'un même mandataire avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 2020 seraient irrégulières ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 72 du code électoral dans sa rédaction applicable au litige : " Sur le territoire national, les procurations sont établies au moyen de l'un des formulaires administratifs prévus à cet effet, présenté par le mandant au juge du tribunal judiciaire de sa résidence ou de son lieu de travail, ou au juge qui en exerce les fonctions ou au directeur de greffe de ce tribunal, ou à tout officier ou agent de police judiciaire, autre que les maires et leurs adjoints, tout réserviste au titre de la réserve civile de la police nationale ou au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, ayant la qualité d'agent de police judiciaire, que ce juge aura désigné. A la demande de ce magistrat, le premier président de la cour d'appel peut désigner, en outre, d'autres magistrats ou d'autres directeurs des services de greffe judiciaires, en activité ou à la retraite. Les officiers et agents de police judiciaire compétents pour établir les procurations, ou les délégués des officiers de police judiciaire, se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d'infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux. Les demandes de procurations peuvent également être recueillies dans des lieux accueillant du public. Un arrêté du préfet définit ces lieux ainsi que les dates et les heures auxquelles les officiers et agents de police judiciaire ou les délégués des officiers de police judiciaire recueillent les demandes. (...) ". Aux termes de l'article R. 75 du même code : " Chaque procuration est établie sur un formulaire administratif, qui est tenu à disposition des autorités habilitées ou accessible en ligne. Elle est signée par le mandant. L'autorité à laquelle est présenté l'un des formulaires de procuration, après avoir porté mention de celle-ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur le formulaire ses noms et qualité et le revêt de son visa et de son cachet. Elle remet ensuite un récépissé au mandant et adresse en recommandé, ou par porteur contre accusé de réception, la procuration au maire de la commune sur la liste électorale de laquelle le mandant est inscrit ". Aux termes de l'article R. 76-1 du même code : " Au fur et à mesure de la réception des procurations, le maire inscrit sur un registre ouvert à cet effet les noms et prénoms du mandant et du mandataire, le nom et la qualité de l'autorité qui a dressé l'acte de procuration et la date de son établissement ainsi que la durée de validité de la procuration. Le registre est tenu à la disposition de tout électeur, y compris le jour du scrutin. Dans chaque bureau de vote, un extrait du registre comportant les mentions relatives aux électeurs du bureau est tenu à la disposition des électeurs le jour du scrutin. Le défaut de réception par le maire d'une procuration fait obstacle à ce que le mandataire participe au scrutin ".

8. Si M. F... soutient que six procurations comportaient des erreurs au regard des horaires qu'elles mentionnaient, il ne résulte pas des dispositions citées au point 6 que la mention de l'heure d'établissement d'une procuration serait prescrite sous peine d'irrégularité de celle-ci. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Montreuil aurait jugé à tort que ces erreurs matérielles, omissions involontaires ou commodités d'écritures n'étaient pas constitutives d'irrégularités et en outre n'avaient pas été commises dans un but frauduleux ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte du troisième alinéa de l'article R. 72 du code électoral, dans sa rédaction applicable au litige, que les demandes de procurations peuvent être recueillies dans des lieux accueillant du public et qu'un arrêté du préfet définit ces lieux ainsi que les dates et les heures auxquelles les officiers et agents de police judiciaire ou les délégués des officiers de police judiciaire recueillent ces demandes.

10. Il résulte de l'instruction que la commune de Dugny et le commissariat de la Courneuve ont organisé des permanences les 12, 17 et 19 juin 2020 au sein des locaux de la police municipale de Dugny. Il est constant que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas pris d'arrêté organisant ces permanences en application de l'article R. 72 du code électoral. Par conséquent, les permanences qui se sont tenues les 12, 17 et 19 juin 2020 au sein des locaux de la police municipale de Dugny n'étaient pas conformes aux conditions posées par le troisième alinéa de l'article R. 72 du code électoral.

11. Toutefois, le choix du poste de police municipale, comme lieu de recueil des procurations, n'a avantagé aucun des candidats par rapport aux autres et les procurations recueillies dans le cadre de la permanence l'ont été par des officiers et agents de police judiciaire habilités ou leurs délégués. Si M. F... fait valoir que M. B... E..., agent de police ayant recueilli des procurations lors des permanences réalisées au sein de la police municipale, aurait entretenu des liens avec M. D... et ses colistiers, cette seule circonstance, à la supposer établie, ne permet pas de démontrer que la liste conduite par M. D... aurait été favorisée à l'occasion de l'établissement des procurations les 12, 17 et 19 juin 2020. Il s'ensuit que l'absence de l'arrêté préfectoral n'a pas eu pour effet de rendre irrégulières les procurations établies les 12, 17 et 19 juin 2020 dans le cadre des permanences tenues au sein des locaux de la police municipale de Dugny.

12. En quatrième lieu, la circonstance que deux procurations ont été établies en dehors des jours ou des heures d'ouverture des permanences tenues au sein des locaux de la police municipale ne saurait à elle seule établir leur irrégularité dès lors qu'elles ont pu être établies par les officiers et agents habilités ou leurs délégués au domicile des mandants.

Sur le déroulement de la campagne électorale :

13. Si M. F... fait valoir qu'un agent communal a publié sur le réseau social Facebook un message l'accusant d'avoir dégradé son véhicule et ainsi susceptible de porter atteinte à sa réputation, il ne résulte pas de l'instruction que ce message aurait connu une diffusion significative ni qu'il aurait pu altérer la sincérité du scrutin.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Dugny.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D... sur le même fondement.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... F..., à M. H... D..., à M. I... G... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Philippe Barbat, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 30 décembre 2021.

Le Président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Philippe Barbat

La secrétaire :

Signé : Mme J... L...


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 450740
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2021, n° 450740
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Barbat
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450740.20211230
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