La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2022 | FRANCE | N°446020

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 mai 2022, 446020


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 263 087,95 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 10 mars 2004 mettant fin à sa scolarité en école de police. Par un jugement n° 1511054 du 6 juin 2018, le tribunal administratif a condamné l'État à lui verser la somme de 155 000 euros.

Par un arrêt n°18LY03150 du 1er octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'intérieur et appel incid

ent de M. A..., annulé l'article 1er de ce jugement en tant qu'il condamne l'...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 263 087,95 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 10 mars 2004 mettant fin à sa scolarité en école de police. Par un jugement n° 1511054 du 6 juin 2018, le tribunal administratif a condamné l'État à lui verser la somme de 155 000 euros.

Par un arrêt n°18LY03150 du 1er octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'intérieur et appel incident de M. A..., annulé l'article 1er de ce jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser une indemnité de 140 000 euros au titre de son préjudice financier et rejeté l'appel incident de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 novembre 2020 et 28 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'intérieur et de faire droit à son appel incident.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., élève gardien de la paix, a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude totale et définitive à un emploi dans les services actifs de la police nationale par un arrêté du 10 mars 2004 du ministre de l'intérieur. Par un jugement du 2 septembre 2010, le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. A..., annulé cet arrêté pour vice de procédure. Après avoir déclaré apte physiquement aux fonctions, M. A... a été réintégré comme élève gardien de la paix, puis nommé gardien de la paix stagiaire le 1er janvier 2014 et titularisé le 1er janvier 2015. Par un jugement du 6 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'État à lui verser une indemnité en réparation d'une part, pour un montant de 140 000 euros, du préjudice financier résultant de son éviction illégale et, d'autre part, pour un montant de 15 000 euros, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ayant résulté du retard pris dans sa réintégration. Par l'arrêt du 1er octobre 2020 contre lequel M. A... se pourvoit, la cour administrative d'appel de Lyon a toutefois, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à M. A... une indemnité au titre de son préjudice financier et, d'autre part, rejeté l'appel incident par lequel M. A... demandait la majoration du montant alloué au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il fait droit à l'appel de l'Etat quant à la réparation du préjudice financier :

2. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative intervenue au terme d'une procédure irrégulière, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure qui entachait la décision administrative illégale.

3. Il résulte des termes de son arrêt que, pour exclure l'indemnisation de tout préjudice financier né de l'illégalité, pour vice de forme, du licenciement de M. A... prononcé en 2004, la cour a jugé que l'administration aurait pris la même décision de licenciement si M. A... avait, ainsi qu'il aurait dû l'être, été mis à même de solliciter au préalable la communication de son dossier médical. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la plupart des avis médicaux présents dans ce dossier médical ne concluaient pas au caractère définitif de l'inaptitude et envisageaient la possibilité que l'incapacité soit temporaire, sous réserve d'une prise en charge appropriée. Par suite, en jugeant que l'impossibilité pour l'intéressé d'accéder à ces avis médicaux et de présenter ses observations était sans lien direct avec le préjudice né de la décision de licenciement, alors que cette irrégularité avait fait obstacle à ce que M. A... puisse faire état, le cas échéant, des mesures envisagées pour surmonter les troubles psychologiques temporaires dont il souffrait, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'appel incident de M. A..., relatif au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence :

4. En évaluant à 15 000 euros le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... à raison du retard pris dans sa réintégration, la cour, qui a tenu compte de l'ensemble des troubles subis par l'intéressé jusqu'à la date de son arrêt, s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi soulevés à l'appui des conclusions relatives à la réparation du préjudice financier, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant seulement qu'il annule le jugement du 6 juin 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il condamne l'Etat à verser à M. A... la somme de 140 000 euros au titre de son préjudice financier.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 1er octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Lyon en tant que celui-ci condamne l'Etat à verser à M. A... la somme de 140 000 euros.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : l'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 31 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Rousselle

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 446020
Date de la décision : 31/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2022, n° 446020
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:446020.20220531
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award