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22/12/2022 | FRANCE | N°455173

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 22 décembre 2022, 455173


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 novembre 2017 par laquelle le centre hospitalier (CH) de Vichy a rejeté son recours gracieux, les décisions prises à son encontre depuis le mois de janvier 2017, notamment la décision implicite de la rétrograder du poste de directrice du système d'information au poste d'ingénieur hospitalier et les décisions portant délégation de signature, afin de la rétablir dans le poste qu'elle occupait en décembre 2016 et de condamner le

CH à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice s...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 novembre 2017 par laquelle le centre hospitalier (CH) de Vichy a rejeté son recours gracieux, les décisions prises à son encontre depuis le mois de janvier 2017, notamment la décision implicite de la rétrograder du poste de directrice du système d'information au poste d'ingénieur hospitalier et les décisions portant délégation de signature, afin de la rétablir dans le poste qu'elle occupait en décembre 2016 et de condamner le CH à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement no 1800117 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif a annulé les décisions attaquées, a condamné le CH de Vichy à lui verser la somme de 10 000 euros et a enjoint à ce dernier de lui attribuer le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un arrêt n°19LY00305 du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du CH de Vichy, annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 6 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°91-868 du 5 septembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Jérôme Ortscheidt, avocat de Mme B... et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier Jacques La Carin.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B..., ingénieur hospitalier, occupant, depuis septembre 2014, au centre hospitalier (CH) Jacques Lacarin de Vichy, le poste de " directrice du système d'information ", estimant être victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, a contesté diverses mesures prises par cet établissement. A la suite d'une ordonnance du 20 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, rendue sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, confirmée en appel par une ordonnance du 2 février 2018 du juge des référés du Conseil d'Etat, il a été a enjoint au CH de Vichy, d'une part, de cesser tout acte assimilable à du harcèlement moral en direction de Mme B... et, d'autre part, de la remettre dans les 48 heures, dans ses fonctions de " directrice fonctionnelle " des systèmes d'information avec l'ensemble des droits et obligations qui en découlent. Par un jugement du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé diverses décisions du CH de Vichy, l'a condamné à verser une somme de 10 000 euros au titre des préjudices subis par Mme B... et lui a enjoint de lui attribuer le bénéfice de la protection fonctionnelle. Saisie d'un appel du CH et d'un appel incident de Mme B..., la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 3 juin 2021, contre lequel Mme B... se pourvoit en cassation, annulé ce jugement et rejeté sa demande.

2. En premier lieu, en jugeant, d'une part, que le tribunal administratif avait à tort, par son jugement attaqué, annulé les " décisions prises à [l'] encontre [de Mme B...] depuis le mois de janvier 2017 " alors que cette juridiction se trouvait saisie, sur ce point, de conclusions qui, faute d'identifier les décisions attaquées, ne répondaient pas aux exigences de l'article R. 412-1 du code de justice administrative en vertu duquel la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué, et étaient dès lors irrecevables, la cour, qui a, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, statué au fond sur celles des décisions qui étaient explicitement désignées, n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, dénaturé les écritures de Mme B.... En jugeant, d'autre part, que le tribunal avait également à tort annulé une " décision implicite de la rétrograder " au grade d'ingénieur hospitalier alors que, n'ayant jamais été titulaire du grade de directrice, elle avait conservé son grade d'ingénieur hospitalier et l'exercice de ses fonctions de " directrice du système informatique ", la cour n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la cour a, tout d'abord, tenu compte des faits présentés par Mme B... comme étant susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre. Elle ainsi retenu que l'intéressée faisait valoir que la réorganisation de la direction de l'établissement et du service informatique qui s'est traduite par la création d'une direction du système d'information distincte de la direction des affaires financières et du contrôle de gestion au sein de laquelle elle était jusqu'alors intégrée, combinée avec l'arrivée d'une directrice avec laquelle elle avait eu un différend dans son précédent poste au centre hospitalier de Jonzac, l'ayant conduite à demander sa mutation, ont eu pour effet de provoquer une perte sensible de ses responsabilités, son éviction des organes de direction ou de pilotage de l'établissement, la réduction de ses missions au sein de son service, la cessation en particulier de sa participation au pilotage du projet " dossier patient ", la perte de ses délégations, son absence d'inscription au tableau des gardes à seule fin de la priver des indemnités mensuelles allouées à ce titre et enfin une invitation non dissimulée à quitter l'établissement. La cour a ensuite tenu compte des éléments produits par l'administration pour démontrer que les agissements en cause étaient, en l'espèce, justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Elle a en particulier retenu que la mutation de Mme B... du CH de Jonzac s'inscrivait dans un projet et résultait d'une demande antérieure à la prise de fonctions de la directrice avec laquelle Mme B... avait eu un différend dans son précédent poste, que les modifications d'organisation et de fonctionnement du CH de Vichy ne la visaient pas personnellement, mais correspondaient, d'une part, à la fin d'une période au cours de laquelle le départ durable de trois directeurs adjoints avait nécessairement mais temporairement conduit à un accroissement de ses responsabilités sous la forme notamment d'une participation aux organes de direction ou de pilotage et d'une inscription au tableau des gardes jusque-là réservée aux agents du grade de directeur, et, d'autre part, procédaient de la mise en place d'un projet de groupement hospitalier de territoire justifiant notamment une mutualisation des services informatiques. La cour a aussi relevé, au vu des éléments produits, que Mme B..., qui n'avait jamais figuré sur l'organigramme du CH, avait conservé la direction de son service et l'essentiel de ses pouvoirs de gestion ainsi que des délégations qui lui avaient été renouvelées et ne justifiait pas de l'existence des pressions destinées à la faire partir. En estimant ainsi au vu de ces différents éléments, par un arrêt dont la motivation circonstanciée n'est pas entachée d'insuffisance, que les agissements de harcèlement dénoncés n'étaient pas établis, la cour administrative d'appel n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de qualification juridique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 juin 2021.

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CH Jacques Lacarin de Vichy qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande le CH Jacques Lacarin de Vichy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat. M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Rousselle

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 455173
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 455173
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SARL JEROME ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455173.20221222
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