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06/06/2023 | FRANCE | N°464768

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 06 juin 2023, 464768


Vu la procédure suivante :

M. B... C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile.

Par une décision n° 21041931 du 8 avril 2022, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision attaquée et a renvoyé la demande d'asile de M. A... à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 8 septembre 2022 au secrétariat

du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apat...

Vu la procédure suivante :

M. B... C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile.

Par une décision n° 21041931 du 8 avril 2022, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision attaquée et a renvoyé la demande d'asile de M. A... à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 8 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 30 juin 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de faire droit à la demande de M. A..., de nationalité malienne, tendant à ce que lui soit reconnu le statut de réfugié ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision du 8 avril 2022, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et a renvoyé à l'Office l'examen de la demande de M. A....

2. D'une part, l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'Office convoque le demandeur à un entretien personnel par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle de cette convocation. Il peut s'en dispenser s'il apparait que : 1° L'Office s'apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé interdisent de procéder à l'entretien ". Aux termes de l'article L. 532-2 du même code : " Saisie d'un recours contre une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce ". Aux termes de son article L. 532-3 : " La Cour nationale du droit d'asile ne peut annuler une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle. (...) ".

3. D'autre part, l'article R. 531-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur une demande d'asile " est notifiée à l'intéressé par un procédé électronique dont les caractéristiques techniques garantissent une identification fiable de l'expéditeur et du destinataire ainsi que l'intégrité et la confidentialité des données transmises. (...)/ La décision est réputée notifiée à l'intéressé à la date de sa première consultation. Cette date est consignée dans un accusé de réception adressé au directeur général de l'office ainsi qu'à l'autorité administrative par ce même procédé. A défaut de consultation de la décision par l'intéressé, la décision est réputée avoir été notifiée à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition. / Le demandeur est informé lors de l'enregistrement de sa demande que la décision du directeur général de l'office lui sera notifiée au moyen du procédé électronique prévu au deuxième alinéa. Il est également informé : 1° Des caractéristiques essentielles de ce procédé électronique ; 2° Des modalités de mise à disposition et de consultation de la décision notifiée ; 3° Des modalités selon lesquelles il s'identifie pour prendre connaissance de la décision ; 4° Du délai au terme duquel, faute de consultation de la décision, celle-ci est réputée lui avoir été notifiée. / Toutefois, la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception lorsque le demandeur établit qu'il n'est pas en mesure d'accéder au procédé électronique (...). L'office peut également ne pas recourir à ce procédé notamment pour des motifs liés à la situation personnelle du demandeur ou à sa vulnérabilité ". Aux termes de l'article R. 531-11 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel en application de l'article L. 531-12 dans les conditions prévues à l'article R.531-17 ". L'article 1er de l'arrêté du 29 avril 2021 relatif aux caractéristiques techniques du procédé électronique mentionné à l'article R. 531-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Il est créé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides un procédé électronique dénommé espace personnel numérique sécurisé utilisant le réseau internet ". Son article 6 prévoit que : " La date et l'heure de mise à disposition d'un document par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans l'espace personnel numérique sécurisé de l'usager sont garanties par un procédé d'horodatage électronique qualifié et établies par la délivrance d'un " accusé de mise à disposition ". L'usager est avisé de la mise à disposition d'un document par une information appropriée sur son espace personnel numérique sécurisé. Un message d'information relatif à cette mise à disposition est en outre envoyé à l'adresse électronique et/ou au numéro de téléphone mobile que, le cas échéant, il a communiqué lors de l'introduction de sa demande d'asile ou sur son espace personnel numérique sécurisé. La date et l'heure de la première consultation d'un document par son destinataire, ou de l'absence de première consultation dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition, sont établies par la délivrance d'un " accusé de réception ".

4. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite du dépôt d'une demande d'asile par M. A..., l'OFPRA a mis à sa disposition, le 11 mai 2021, dans l'espace personnel numérique sécurisé auquel l'intéressé s'était préalablement connecté, la convocation, le 8 juin suivant, à l'entretien prévu par les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'office a ensuite reçu un accusé de réception l'informant que cette convocation n'avait pas été consultée par M A... dans le délai imparti de 15 jours à compter de sa mise à disposition et que ce document était réputé avoir été notifié.

5. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 531-17 et R. 531-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 3, qu'un procédé électronique a été mis en place pour la notification aux demandeurs d'asile non seulement de la décision de l'OFPRA statuant sur leur demande d'asile mais aussi pour la notification de leur convocation à l'entretien exigé par les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 531-12 du même code. Il est notamment prévu qu'en l'absence de consultation par le demandeur d'asile de la convocation mise à sa disposition par l'OFPRA par l'intermédiaire de l'espace numérique personnel sécurisé auquel l'intéressé se connecte lui-même conformément aux informations qui lui sont fournies, cette dernière est réputée avoir été notifiée à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition. Eu égard à l'ensemble des garanties dont est entourée l'utilisation de cet espace numérique personnel sécurisé, et contrairement à ce que soutient M. A... dans ses écritures en défense, en autorisant ainsi la mise en œuvre d'un procédé électronique pour la notification des convocations aux entretiens des demandeurs d'asile devant l'OFPRA, les dispositions combinées des articles R. 531-17 et R. 531-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent pas le principe de la réception personnelle par le demandeur d'asile de sa convocation posé par les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 531-12 du même code.

6. Il s'ensuit qu'en jugeant qu'aucune disposition ne prévoyait qu'à défaut de consultation de la convocation sur l'espace numérique personnel sécurisé, cette dernière était réputée avoir été régulièrement notifiée, la Cour nationale du droit d'asile a entaché sa décision d'une erreur de droit. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'OFPRA pouvait utilement se prévaloir en cassation de ce moyen qui est né de la décision attaquée. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise la charge de l'OFPRA qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 avril 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... C... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 5 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Arno Klarsfeld

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464768
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-02-07-03 - CONVOCATION DU DEMANDEUR – NOTIFICATION – RÉGULARITÉ – CONDITION TENANT À L’UTILISATION D’UN MOYEN GARANTISSANT SA RÉCEPTION PERSONNELLE (ART. L. 531-12 DU CESEDA) – RECOURS AU PROCÉDÉ ÉLECTRONIQUE PRÉVU AUX ARTICLES R. 531-17 ET R. 531-11– RESPECT – EXISTENCE.

095-02-07-03 Il résulte des articles R. 531-17 et R. 531-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qu’un procédé électronique a été mis en place pour la notification aux demandeurs d’asile non seulement de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statuant sur leur demande d’asile mais aussi pour la notification de leur convocation à l’entretien exigé par l’article L. 531-12 du même code. Il est notamment prévu qu’en l’absence de consultation par le demandeur d’asile de la convocation mise à sa disposition par l’OFPRA par l’intermédiaire de l’espace numérique personnel sécurisé auquel l’intéressé se connecte lui-même conformément aux informations qui lui sont fournies, cette dernière est réputée avoir été notifiée à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition. ...Eu égard à l’ensemble des garanties dont est entourée l’utilisation de cet espace numérique personnel sécurisé, en autorisant ainsi la mise en œuvre d’un procédé électronique pour la notification des convocations aux entretiens des demandeurs d’asile devant l’OFPRA, les articles R. 531-17 et R. 531-11 du CESEDA ne méconnaissent pas le principe de la réception personnelle par le demandeur d’asile de sa convocation posé par l’article L. 531-12 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2023, n° 464768
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464768.20230606
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