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18/07/2023 | FRANCE | N°465562

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 465562


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 2 mars 2022 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme D... A... et M. B... C..., candidats aux élections départementales dans le canton de Mérignac-2 (Gironde). Par un jugement n° 2201528 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que c'est à bon droit que le compte de campagne de Mme A... et M. C... a été rejet

é et les a déclarés inéligibles pour une durée de dix-huit mois. ...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 2 mars 2022 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme D... A... et M. B... C..., candidats aux élections départementales dans le canton de Mérignac-2 (Gironde). Par un jugement n° 2201528 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que c'est à bon droit que le compte de campagne de Mme A... et M. C... a été rejeté et les a déclarés inéligibles pour une durée de dix-huit mois.

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... et M. C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la CNCCFP ;

3°) à titre subsidiaire, de dire qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles et, à défaut, de réduire la durée de l'inéligibilité prononcée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que Mme A... et M. C... ont obtenu 1664 voix, soit 15,59 % des suffrages exprimés, lors du premier tour du scrutin organisé le 20 juin 2021 pour l'élection des conseillers départementaux dans le canton de Mérignac-2 (Gironde). Ils ont déposé leur compte de campagne le 18 août 2021. Par une décision du 2 mars 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne et saisi le juge de l'élection, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le 15 mars 2022. Mme A... et M. C... font appel du jugement du 8 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a confirmé le rejet de leur compte de campagne et les a déclarés inéligibles pour une durée de 18 mois.

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...) II. Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, (...). III. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés (...). Cette présentation n'est pas obligatoire : /1° Lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article ; / 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code, dans sa version issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. /Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans un délai de six mois à compter de l'expiration du délai fixé au II de l'article L. 52-12. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection ". Aux termes de l'article R. 25-2 du code électoral : " Sauf dispositions contraires, la computation des délais prévus au présent code est faite conformément aux dispositions des articles 640, 641 et 642 du code de procédure civile ".

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, le grief tiré de ce que la minute de l'arrêt ne comporterait pas l'ensemble des signatures requises en vertu de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.

4. En deuxième lieu, d'une part, il résulte des dispositions des articles L. 191, L. 210-1 et L. 221 du code électoral que le législateur a instauré un mode de scrutin majoritaire binominal à deux tours sans panachage ni vote préférentiel, afin d'assurer la parité au sein des conseils départementaux, et a retenu le principe de solidarité des candidats d'un même binôme. Cette solidarité conduit à ce que les membres d'un même binôme soient tous les deux déclarés inéligibles en cas de méconnaissance des règles relatives au financement des campagnes électorales. Par suite, elle impose que chaque membre soit mis en cause devant le juge de l'élection lorsque celui-ci se trouve saisi par la CNCCFP en application de l'article L. 52-15 du code électoral. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un avocat, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire.

5. Il résulte de l'instruction que les actes de procédure ont été adressés par le tribunal administratif de Bordeaux à l'avocat ayant indiqué produire en défense pour les deux candidats du binôme. Par suite, Mme A... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière faute pour le greffe du tribunal de leur avoir adressé individuellement les actes de procédure.

6. En troisième lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a jugé à bon droit que la circonstance, à la supposée avérée, que le greffe n'ait pas communiqué la saisine de la CNCCFP à l'ensemble des parties était sans incidence sur la régularité de cette saisine. Par suite les griefs tirés de ce qu'il aurait insuffisamment motivé son jugement ou commis une erreur de droit sur ce point ne peuvent qu'être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. En premier lieu, il résulte de dispositions citées au point 2 que la CNCCFP doit se prononcer sur le compte du candidat et, le cas échéant, saisir le juge de l'élection, dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle expire le délai fixé par l'article L.52-12 de ce code pour le dépôt des comptes de campagne. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. Pour les élections organisées en juin 2021 pour le renouvellement général des conseils départementaux cette date a été fixée par l'article 11 de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique au 17 septembre 2021 à 18 heures. Par suite, en jugeant que la saisine de la CNCCFP enregistrée le 15 mars 2022, soit avant l'expiration du délai de six mois qui expirait le 17 mars 2022, n'était pas tardive, le tribunal a suffisamment motivé son jugement et n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa version issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier certaines dispositions du droit électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / (...)/ 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit./ L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) ". En dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

9. Il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme A... et M. C... ont procédé au dépôt de leur compte de campagne sans satisfaire à la formalité substantielle de signature de celui-ci et, d'autre part, que ce compte a été présenté sans qu'y figure aucune dépense ni recette alors que des dépenses, notamment pour des travaux d'impression d'un montant de 340 euros, avaient été engagées et qu'enfin, ce compte n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 52-12 du code électoral. S'ils soutiennent qu'ils ont déposé un compte dans le délai prescrit et que les sommes concernées sont d'un montant modique, l'ensemble de ces irrégularités ne permet pas, en l'espèce, de considérer que ce manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales ne revêtirait pas un caractère délibéré. Par suite, Mme A... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé leur inéligibilité pour une durée de dix-huit mois.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A... et M. C... doit être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... et M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D... A..., à M. B... C..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2023 où siégeaient : M. Christian Fournier, conseiller d'Etat, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 18 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Christian Fournier

La rapporteure :

Signé : Mme Nicole da Costa

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 465562
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2023, n° 465562
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole da Costa
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465562.20230718
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