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03/10/2023 | FRANCE | N°466701

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 03 octobre 2023, 466701


Vu la procédure suivante :

M. A... C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 30 avril 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié.

Par une décision n° 21024225 du 15 juin 2022, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et lui a maintenu le bénéfice du statut de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieu

x du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;
...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 30 avril 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié.

Par une décision n° 21024225 du 15 juin 2022, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et lui a maintenu le bénéfice du statut de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. C... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés apatrides (OFPRA) du 13 mai 2004. Par une première décision du 17 novembre 2015, l'Office a mis fin à cette protection. Par une décision du 22 janvier 2018, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu l'intéressé dans sa qualité de réfugié. Par une seconde décision du 30 avril 2021, l'OFPRA a à nouveau mis fin à la protection dont bénéficie M. B.... Par une décision du 15 juin 2022, contre laquelle l'Office se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu l'intéressé dans sa qualité de réfugié.

2. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne (...) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait (...) de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". Aux termes de la section C de l'article 1er de la même convention : " Cette convention cessera, dans les cas ci-après d'être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus : / 1° Si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; / (...) ". Aux termes de la section F de ce même article : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : / (...) / c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ". Aux termes de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFPRA met fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié notamment " lorsque la personne concernée relève de l'une des clauses de cessation prévues à la section C de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951 " ou lorsque " Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections (...) F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ".

3. Il appartient à la Cour nationale du droit d'asile, qui est saisie d'un recours de plein contentieux, de se prononcer elle-même sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire d'après l'ensemble des circonstances de fait et de droit qui ressortent du dossier soumis à son examen et des débats à l'audience. Lorsque lui est déférée une décision par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, en application des dispositions combinées de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du C de l'article 1er de la convention de Genève, mis fin au statut de réfugié dont bénéficiait un étranger, et qu'elle juge infondé le motif pour lequel le directeur général de l'Office a décidé de mettre fin à cette protection, il appartient à la Cour de se prononcer sur le droit au maintien de la qualité de réfugié en examinant, au vu du dossier et des débats à l'audience, si l'intéressé relève d'une autre des clauses de cessation énoncées au paragraphe C de l'article 1er de la convention de Genève ou de l'une des situations visées à l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour retirer à M. B... la qualité de réfugié, l'OFPRA a estimé qu'il devait être regardé comme s'étant volontairement réclamé, à nouveau, de la protection du pays dont il a la nationalité. Pour faire droit à la requête de l'intéressé et lui rétablir la qualité de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir regardé comme non fondé le motif de cessation retenu par la décision de l'OFPRA, a estimé qu'il n'existait pas de raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité pourrait lui être imputée personnellement dans des crimes ou agissements susceptibles d'entrer dans le champ de l'exclusion prévue au c) du F de l'article 1er de la convention de Genève. En statuant ainsi, alors que M. B... a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour des faits qualifiés d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme et financement d'une entreprise terroriste, pour avoir apporté un soutien logistique et financier à des candidats depuis la France au jihad et à des combattants jihadistes en Syrie entre 2012 et le 8 février 2014, et qu'étaient produits des courriers du parquet national antiterroriste et du service national des enquêtes administratives de sécurité étayant les faits reprochés à l'intéressé, la Cour, qui n'était pas tenue par les motifs de sa précédente décision du 22 janvier 2018 maintenant la qualité de réfugié à l'intéressé, a entaché sa décision d'inexacte qualification juridique des faits, quand bien même l'instruction par l'autorité judiciaire était encore en cours.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 15 juin 2022 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatride et à M. A... C... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 14 septembre 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 3 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Xavier


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 466701
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2023, n° 466701
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466701.20231003
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