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20/12/2023 | FRANCE | N°457698

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 20 décembre 2023, 457698


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 20 octobre 2021 et les 13 juillet et 25 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2021-1095 du 18 août 2021 portant création d'une prime d'équipement informatique allouée aux personnels enseignants ou exerçant des fonct

ions d'enseignement relevant du ministère chargé de l'agriculture, en tant qu'il exclut ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 20 octobre 2021 et les 13 juillet et 25 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2021-1095 du 18 août 2021 portant création d'une prime d'équipement informatique allouée aux personnels enseignants ou exerçant des fonctions d'enseignement relevant du ministère chargé de l'agriculture, en tant qu'il exclut les professeurs de la discipline de documentation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU) soutient que le Premier ministre a méconnu le principe d'égalité entre fonctionnaires d'un même corps en excluant les professeurs de la discipline de documentation du bénéfice de la prime annuelle d'équipement informatique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.

La requête a été communiquée au Premier ministre et à la ministre de la transformation et de la fonction publiques qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une mesure supplémentaire d'instruction, le président de la 3ème chambre de la section du contentieux a demandé au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de communiquer, en ce qui concerne les enseignants de la discipline de documentation, les informations relative, d'une part, à la moyenne du temps de service total, celle des heures de présence en centre de documentation et d'information (CDI) et celle des heures de présence devant une classe, d'autre part, à la proportion de ces enseignants dont les heures de présence devant une classe excèdent les heures de présence en CDI, et, enfin, à la durée maximale des heures de présence de ces enseignants devant une classe.

Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a répondu à cette mesure supplémentaire d'instruction.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 23 octobre 2023, le SNETAP-FSU a contesté les informations communiquées par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en réponse à la mesure supplémentaire d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 71-618 du 16 juillet 1971 ;

- le décret n° 2020-1524 du 5 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 13 juillet 2016 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation au sein de l'enseignement agricole ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 novembre 2023, présentée par le SNETAP-FSU ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 août 2021 portant création d'une prime d'équipement informatique allouée aux personnels enseignants ou exerçant des fonctions d'enseignement relevant du ministre chargé de l'agriculture : " Une prime d'équipement informatique est attribuée aux enseignants stagiaires et titulaires relevant du ministère chargé de l'agriculture qui exercent des missions d'enseignement, à l'exception des professeurs de la discipline de documentation. (...) ". Le SNETAP-FSU demande l'annulation de ce décret en tant qu'il exclut du bénéfice de cette prime les professeurs de la discipline de documentation.

2. L'égalité de traitement à laquelle ont droit les fonctionnaires d'un même corps ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, en particulier en instituant des régimes indemnitaires tenant compte de fonctions, de responsabilités ou de sujétions particulières, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit. Ainsi, la circonstance que des fonctionnaires appartiennent à un même corps ne s'oppose pas à ce que le régime indemnitaire qui leur est applicable puisse différer, en raison de différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions.

3. Aux termes l'article 1er du décret 16 juillet 1971 fixant les obligations de service hebdomadaire des personnels d'enseignement et des personnels d'éducation physique et sportive des établissements publics d'enseignement et de formation professionnelle agricoles : " Les obligations hebdomadaires de service d'enseignement que sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, les membres du personnel enseignant des établissements publics d'enseignement et de formation professionnelle agricoles pour l'ensemble de l'année scolaire sont les suivantes : / a) Professeur agrégé : quinze heures ; / b) Professeur certifié et adjoint d'enseignement : dix-huit heures ". Aux termes de l'article 1er bis du même décret : " Les membres du personnel enseignant peuvent être chargés, avec leur accord, de fonctions de documentation et d'information. / Ces personnels sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, un maximum de service hebdomadaire de trente-six heures ". Aux termes de l'article 1er ter du même décret : " Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article 1er bis ci-dessus peuvent être, le cas échéant, tenus de fournir un service d'enseignement. / Chaque heure d'enseignement n'est décomptée dans le maximum de service fixé à l'article 1er bis ci-dessus qu'après avoir été affectée d'un coefficient de pondération égal au rapport entre ce même maximum de service hebdomadaire et l'obligation de service hebdomadaire à laquelle l'intéressé est tenu en application des dispositions statutaires applicables à son corps d'origine. / Lorsque les membres du personnel enseignant affectés à des fonctions de documentation et d'information assurent au moins six heures d'enseignement dans des classes ouvrant droit au bénéfice de l'heure de première chaire prévue à l'article 3 ci-dessous, le maximum de service fixé à l'article 1er bis ci-dessus est abaissé d'un nombre d'heures égal au rapport mentionné à l'alinéa précédent ". L'annexe de l'arrêté du 13 juillet 2016 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation au sein de l'enseignement agricole précise que : " (...) Les professeurs documentalistes exercent leur activité dans l'établissement au sein d'une équipe pédagogique et éducative dont ils sont membres à part entière. Ils interviennent dans des actions de formation inscrites dans les référentiels, et à ce titre maîtrisent les connaissances et compétences relatives à leur domaine. Ils assurent la responsabilité et la gestion du centre de documentation et d'information (CDI), lieu de formation, de lecture, de culture et d'accès à l'information. Ils contribuent à la formation de tous les apprenants en matière d'éducation aux médias et à l'information (...) ".

4. En application des dispositions citées au point précédent, les professeurs qui exercent dans la discipline de documentation assurent la responsabilité, l'organisation et la gestion du centre de documentation et d'information de l'établissement. D'une part, il n'est pas contesté que ces professeurs disposent pour les besoins de leur service, à la différence des autres enseignants appartenant aux mêmes corps, d'un poste informatique fixe au centre de documentation et d'information. D'autre part, si ces enseignants peuvent également être tenus, en application de ces mêmes dispositions, d'assurer, pour une part de leur activité, les enseignements dans le domaine de l'information-documentation inscrits dans les référentiels des diplômes délivrés par les établissements d'enseignement agricole, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments fournis par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, que le temps moyen de présence devant une classe des professeurs-documentalistes ne représente qu'une part minoritaire de leur service hebdomadaire prévu à l'article 1er bis du décret du 16 juillet 1971 et que, si pour quelques professeurs-documentalistes, cette proportion peut dépasser la moitié de ce service, ils conservent néanmoins l'accès au poste informatique dont ils disposent au centre de documentation et d'information. Dès lors, eu égard aux conditions d'exercice de leurs fonctions, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe d'égalité en excluant les professeurs de la discipline de documentation du bénéfice de la prime annuelle d'équipement informatique instituée par le décret attaqué, compte tenu de l'objet de cette prime, quand bien même ces fonctionnaires appartiennent aux mêmes corps que les autres enseignants de l'enseignement agricole. A cet égard, est sans incidence la circonstance que les enseignants en technologies informatique et multimédia bénéficient de cette prime alors qu'ils auraient également accès à un parc informatique dans le cadre de leurs fonctions.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation du syndicat requérant doivent être rejetées.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire, à la Première ministre, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 20 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Nicole da Costa

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 457698
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2023, n° 457698
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole da Costa
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457698.20231220
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