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27/12/2023 | FRANCE | N°462505

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 décembre 2023, 462505


Vu la procédure suivante :



Mme J... E..., veuve A..., Mme G... A..., Mme H... A... et l'EARL Fanfan ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a accordé à Mme I... B... l'autorisation d'exploiter une superficie totale de 263,868 hectares de terres situées sur les communes de Péronne, Barleux, Flaucourt, Biaches, Mesnil-Bruntel, Eterpigny, Doingt-Flamicourt et Villers-Carbonnel. Par un jugement n° 1802443 du 24 mars 2022, le tribunal adminis

tratif a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 21DA0084...

Vu la procédure suivante :

Mme J... E..., veuve A..., Mme G... A..., Mme H... A... et l'EARL Fanfan ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a accordé à Mme I... B... l'autorisation d'exploiter une superficie totale de 263,868 hectares de terres situées sur les communes de Péronne, Barleux, Flaucourt, Biaches, Mesnil-Bruntel, Eterpigny, Doingt-Flamicourt et Villers-Carbonnel. Par un jugement n° 1802443 du 24 mars 2022, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21DA00843 du 18 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre ce jugement par Mme E... et autres.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 20 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de Mme B... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme E... et autres, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... E... et ses filles, Mmes G... A... et H... A..., sont propriétaires en indivision de terres d'une superficie de 263,868 hectares situées sur les communes de Péronne, Barleux, Flaucourt, Biaches, Mesnil-Bruntel, Eterpigny, Doingt-Flamicourt et Villers-Carbonnel (Somme). Ces terres étaient précédemment exploitées par l'EARL Fanfan, dont M. F... A..., fils et frères des propriétaires, était le seul associé exploitant, sa mère, Mme E..., veuve A..., étant associée non exploitante. A la suite du décès de M. A..., sa veuve, Mme B..., a demandé au préfet de la région Hauts-de-France l'autorisation d'exploiter ces terres. M. D... C... a également présenté une demande d'autorisation d'exploiter portant sur une partie des terres en cause, pour une superficie de 25,8153 hectares. Par arrêté du 5 décembre 2017, le préfet de la région Hauts-de-France a accordé l'autorisation demandée à Mme B.... Par jugement du 18 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de Mme E..., de Mme G... A..., de Mme H... A... et de l'EARL Fanfan, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Par un arrêt du 18 janvier 2022, contre lequel Mme E... et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur appel dirigé contre ce jugement.

2. Aux termes du second alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 applicable à la décision litigieuse, l'autorité administrative " vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " Aux termes du I de l'article L. 331-2 : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / (...) / 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole: / a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire; / b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant; / c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2; / (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 29 juin 2016 portant schéma directeur des exploitations agricoles en Picardie : " Définitions- (...) / Agriculteur à titre principal : agriculteur qui retire au moins 50% de son revenu professionnel global de ses activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du [code rural et de la pêche maritime] ". Aux termes de l'article 3 de ce même arrêté : " Ordre de priorités - Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité (...) / 1° (...) reprise à titre principal de l'exploitation par le conjoint collaborateur à titre principal, en cas de départ à la retraite de l'exploitant ou en cas de décès du chef d'exploitation et afin de maintenir l'entité économique. / (...) / 7° Autre situation ".

5. Pour contester que l'opération en litige puisse relever du rang de priorité 1° défini par ces dernières dispositions, Mme E... et autres ont soutenu qu'il n'était pas établi que Mme B... ait présenté la qualité de conjointe collaboratrice à titre principal avant cette opération. En s'abstenant de répondre à cette argumentation, la cour administrative d'appel a insuffisamment motivé son arrêt.

6. Mme E... et autres ont également soutenu que l'opération projetée ne relevait pas du rang de priorité 1° défini dans les dispositions citées ci-dessus, dès lors qu'il n'était pas établi qu'elle permette à Mme B... de retirer au moins 50% de son revenu professionnel global de ses activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. En jugeant que l'opération en litige permettrait à Mme B... de procéder à une reprise à titre principal au sens de l'article 3 du schéma directeur des exploitations agricoles en Picardie sans rechercher si ce critère relatif à la répartition de ses revenus était rempli, et alors au surplus qu'il ne ressortait pas de ces pièces qu'il le soit, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

7. Il y a lieu, par suite, d'annuler son arrêt, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros chacune, à verser à Mme E..., à Mme H... A... et à Mme G... A..., et de mettre à la charge de Mme B... la somme de 500 euros chacune, à verser à Mme E..., à Mme H... A... et à Mme G... A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat et de Mme B... les sommes demandées à ce titre par l'EARL Fanfan. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B... soit mise à la charge de Mme E... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 18 janvier 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 500 euros chacune à Mme E..., à Mme H... A... et à Mme G... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme B... versera la somme de 500 euros chacune à Mme E..., à Mme H... A... et à Mme G... A..., au titre du même article. Le surplus des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme J... E..., veuve A..., première requérante dénommée, à Mme I... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462505
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2023, n° 462505
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462505.20231227
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