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18/01/2024 | FRANCE | N°469374

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 18 janvier 2024, 469374


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2022 et 14 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP-UNSA) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, née du silence gardé sur sa demande du 30 septembre 2022 tendant à l'abrogation, d'une part, de l'article R. 914-7

7 du code de l'éducation, en tant qu'il ne garantit pas l'information adéquate et le dr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2022 et 14 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP-UNSA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, née du silence gardé sur sa demande du 30 septembre 2022 tendant à l'abrogation, d'une part, de l'article R. 914-77 du code de l'éducation, en tant qu'il ne garantit pas l'information adéquate et le droit à un recours effectif des maîtres contractuels des établissements d'enseignement privé sous contrat dans le cadre de leur procédure d'affectation, d'autre part, de la circulaire ministérielle n° 2007-078 du 29 mars 2007, en tant qu'elle écarte l'application par la commission consultative mixte compétente de l'ordre de priorité prévu par l'article R. 914-77 du code de l'éducation ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de modifier en conséquence l'article R. 914-77 du code de l'éducation ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de prendre dans les meilleurs délais toute mesure, notamment par voie de circulaire, afin que les circulaires du 28 novembre 2005 et du 29 mars 2007 dont il excipe de l'abrogation ne soient plus appliquées par ses services ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP-UNSA);

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 décembre 2023, présentée par le syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP-UNSA) ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 914-77 du code de l'éducation : " L'autorité académique soumet les candidatures, accompagnées de l'avis des chefs d'établissement ou, à défaut d'avis, de la justification qu'ils ont été informés des candidatures par les intéressés, à la commission consultative mixte compétente. Lorsque l'avis sur les candidatures est donné dans le cadre d'un accord sur l'emploi auquel l'établissement adhère, le chef d'établissement en informe la commission consultative mixte. / Sont présentées par ordre de priorité les candidatures : 1° Des maîtres titulaires d'un contrat définitif dont le service a été supprimé ou réduit à la suite de la résiliation totale ou partielle d'un contrat d'association ; 2° Des maîtres titulaires d'un contrat définitif candidats à une mutation ; 3° Des maîtres lauréats d'un concours externe de recrutement de l'enseignement privé ayant satisfait aux obligations de leur année de stage ; 4° Des maîtres lauréats d'un concours interne de recrutement de l'enseignement privé ayant satisfait aux obligations de leur année de stage ; 5° Des maîtres qui ont été admis définitivement à une échelle de rémunération à la suite d'une mesure de résorption de l'emploi précaire ; 6° Des maîtres titulaires d'un contrat définitif recrutés en application du 3° de l'article R. 914-15-1. / Au vu de l'avis émis par la commission consultative mixte, l'autorité académique notifie à chacun des chefs d'établissement la ou les candidatures qu'elle se propose de retenir pour pourvoir à chacun des services vacants dans l'établissement. En cas de pluralité de candidatures, celles-ci sont classées par l'autorité académique par ordre de priorité conformément aux alinéas précédents et, pour les candidatures de même ordre de priorité, par ordre d'ancienneté. / Le chef d'établissement dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître à l'autorité académique son accord ou son refus. / A défaut de réponse dans ce délai, le chef d'établissement est réputé avoir donné son accord à la candidature qui lui est soumise ou, s'il a été saisi de plusieurs candidatures pour le même service, à la première de ces candidatures. / La décision par laquelle le chef d'établissement fait connaître à l'autorité académique son refus de la ou des candidatures qui lui ont été soumises est motivée. Si le chef d'établissement refuse sans motif légitime la ou les candidatures qui lui ont été soumises, il ne peut être procédé à la nomination de maîtres délégués dans la discipline concernée au sein de l'établissement. / Les maîtres mentionnés aux 3°, 4° et 5° qui, sans motif légitime, ne se portent candidats à aucun service ou qui refusent le service qui leur est proposé perdent le bénéfice de leur admission définitive à l'échelle de rémunération à laquelle ils ont été admis ".

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, selon les pratiques académiques, les enseignants dont la candidature n'a pas été retenue par l'autorité académique n'en sont pas systématiquement informés de manière expresse. Le syndicat requérant en déduit que les dispositions de l'article R. 914-77 précité méconnaissent le droit à un recours effectif garanti notamment par les dispositions de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ainsi que par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'un maître contractuel dont la candidature ne serait pas retenue ne serait pas mis en mesure, faute d'une telle information, d'exercer son droit à un recours effectif en temps utile avant la rentrée scolaire.

3. Toutefois, la circonstance tenant à un éventuel défaut de notification du refus d'une candidature ne fait par elle-même obstacle ni à l'exercice par le maître contractuel concerné d'un recours en excès de pouvoir contre la décision par laquelle l'autorité administrative, à l'issue de la procédure d'examen des candidatures, a rejeté sa demande de mutation, ni au recours aux procédures de référé prévues par le livre V du code de justice administrative, en particulier celle du référé-suspension, prévue par l'article L. 521-1 de ce code. Si le syndicat requérant soutient que ce recours pourrait ne pas aboutir avant la rentrée scolaire, cette circonstance n'est pas de nature à priver les maîtres concernés de leur droit à un recours effectif. Le moyen doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, dans sa version applicable au 1er mai 2009 : " Les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont tenues à la disposition du public sur un site internet relevant du Premier ministre. (...) Une circulaire ou une instruction qui ne figure pas sur le site mentionné au précédent alinéa n'est pas applicable. Les services ne peuvent en aucun cas s'en prévaloir à l'égard des administrés. / Cette publicité se fait sans préjudice des autres formes de publication éventuellement applicables à ces actes ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'article 1er prend effet à compter du 1er mai 2009. / Les circulaires et instructions déjà signées sont réputées abrogées si elles ne sont pas reprises sur le site mentionné à l'article 1er. / Les dispositions du précédent alinéa ne s'appliquent pas aux circulaires et instructions publiées avant le 1er mai 2009 dont la loi permet à un administré de se prévaloir ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la circulaire ministérielle du 29 mars 2007 sur le mouvement 2007 des maîtres ou documentalistes des établissements d'enseignement privés sous contrat, adressée aux recteurs d'académie, aux inspecteurs d'académie et aux directeurs des services départementaux de l'éducation nationale, n'avait pas été reprise, à la date du 1er mai 2009, sur le site internet créé en application des dispositions de l'article 1er du décret du 8 décembre 2008 citées ci-dessus. Par suite, cette circulaire doit, conformément à l'article 2 du même décret, et comme au demeurant l'indique le ministre en défense, être regardée comme abrogée à compter du 1er mai 2009. Dans ces conditions, la demande du syndicat requérant tendant à son abrogation, adressée au ministre le 30 septembre 2022, était dépourvue d'objet. Le syndicat requérant n'est donc pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de faire droit à cette demande le ministre aurait pris une décision illégale.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ". S'il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet est susceptible d'entacher cette décision d'illégalité, c'est à la condition toutefois qu'elle soit intervenue dans un cas où une décision expresse aurait dû être motivée.

7. Le refus opposé par le ministre à la demande du syndicat requérant présente le caractère d'une décision réglementaire. Ni les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui s'appliquent aux décisions individuelles, ni aucune autre disposition ni aucun principe n'imposaient qu'une telle décision soit motivée. Par suite, le syndicat requérant ne saurait, en tout état de cause, soutenir que cette décision serait illégale faute de réponse à sa demande de communication de ses motifs.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par conséquent, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP - UNSA) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SNEP - UNSA et à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympique

Délibéré à l'issue de la séance du 21 décembre 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 18 janvier 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Jau

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 469374
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jan. 2024, n° 469374
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Jau
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469374.20240118
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