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06/02/2024 | FRANCE | N°473328

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06 février 2024, 473328


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 avril et 10 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Sud Education demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service n°DGRH-I2022-001640 du 4 juillet 2022 du directeur général des ressources humaines des ministères de l'éducation, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche relative au recrutement et à la gestion des vacataires de

l'enseignement supérieur ;



2°) d'enjoindre au directeur général des res...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 avril et 10 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Sud Education demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service n°DGRH-I2022-001640 du 4 juillet 2022 du directeur général des ressources humaines des ministères de l'éducation, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche relative au recrutement et à la gestion des vacataires de l'enseignement supérieur ;

2°) d'enjoindre au directeur général des ressources humaines des ministères de l'éducation, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche d'informer les destinataires de la note de son annulation et de leur adresser une nouvelle note préconisant des mesures de gestion des vacataires en adéquation avec la règle de la mensualisation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;

- le décret n° 83-1175 du 23 décembre 1983 ;

- le décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Federation Sud Education ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, en vertu de l'article 1er du décret du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi de vacataires pour l'enseignement supérieur, les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre de l'éducation nationale peuvent faire appel pour des fonctions d'enseignement, dans les disciplines autres que médicales et odontologiques, à des chargés d'enseignement vacataires et, dans toutes les disciplines, à des agents temporaires vacataires. Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les chargés d'enseignement vacataires sont des personnalités choisies en raison de leur compétence dans les domaines scientifique, culturel ou professionnel, qui exercent, en dehors de leur activité de chargé d'enseignement, une activité professionnelle principale (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les agents temporaires vacataires doivent être inscrits en vue de la préparation d'un diplôme du troisième cycle de l'enseignement supérieur. / Les personnes, âgés de moins de soixante-sept ans, bénéficiant d'une pension de retraite, d'une allocation de préretraite ou d'un congé de fin d'activité, à la condition d'avoir exercé au moment de la cessation de leurs fonctions une activité professionnelle principale extérieure à l'établissement, peuvent être recrutées en qualité d'agents temporaires vacataires dans les disciplines dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et lorsqu'elles n'assurent que des vacations occasionnelles dans toutes les disciplines ". L'article 4 de ce décret dispose que : " (...) Les vacations attribuées pour chaque engagement en application du présent décret ne peuvent excéder l'année universitaire. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Les chargés d'enseignement vacataires peuvent assurer des cours, des travaux dirigés ou des travaux pratiques (...) / Les agents temporaires vacataires peuvent assurer des travaux dirigés ou des travaux pratiques (...) ". Aux termes de son article 6 : " Les personnels régis par le présent décret sont rémunérés à la vacation selon les taux réglementaires en vigueur. " En outre, aux termes de l'article 3 du décret du 23 décembre 1983 relatif aux indemnités pour enseignements complémentaires institués dans les établissements publics à caractère scientifique et culturel et les autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale: " Dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale, des personnalités extérieures recrutées en tant que vacataires dans les conditions du décret n° 87-889 du 29 octobre 1987, ainsi que des personnels titulaires extérieurs à l'établissement, peuvent, sur le budget de l'établissement, bénéficier d'un contrat en vue de dispenser un enseignement sous forme de cours ou de travaux dirigés, pendant une durée maximum de trois ans (...) ".

2. D'autre part, l'article 11 de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a inséré, au sein de l'article L. 952-1 du code de l'éducation, un alinéa, entré en vigueur le 1er septembre 2022, aux termes duquel : " La rémunération des chargés d'enseignement et des agents temporaires vacataires est versée mensuellement ".

3. Par une note de service du 4 juillet 2022, prise en vue de l'application, à compter du 1er septembre 2022, de ces dispositions de l'article L. 952-1 du code de l'éducation, le directeur général des ressources humaines des ministères de l'éducation, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche a adressé aux présidents d'université et aux directeurs d'établissement d'enseignement et de recherche des " recommandations pour parvenir à l'objectif de mensualisation " des personnels vacataires de l'enseignement supérieur recrutés sur le fondement du décret du 20 octobre 1987. La note précise dans son introduction que ses recommandations sont issues d'un groupe de travail composé de représentants de l'administration centrale et de certains établissements visant à comprendre l'origine de délais de paiement pouvant aller jusqu'à plusieurs mois ainsi que d'une enquête menée auprès de certains établissements visant objectiver les difficultés qu'ils rencontrent. La première partie de la note a pour objet de " cibler les publics concernés ", sa deuxième partie formule des préconisations pour simplifier les règles de gestion de la population de vacataires ainsi ciblée, et sa troisième partie encourage le recours à la dématérialisation des processus de recrutement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

4. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

5. La note litigieuse a pour objet, ainsi qu'il a été dit, d'adresser des recommandations aux présidents d'université et aux directeurs d'établissement d'enseignement et de recherche en vue de mettre en œuvre la disposition législative prévoyant le versement mensuel de la rémunération des chargés d'enseignement et des agents temporaires vacataires. Eu égard aux effets notables qu'elle est susceptible d'emporter sur la situation de ces agents, cette note peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, contrairement à ce que soutient la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Dans une première partie intitulée " 1. Publics concernés ", et dont l'objet, ainsi qu'il a été dit, est de cibler les personnels auxquels s'appliquent les préconisations formulées par la suite en vue de la mise en œuvre de l'obligation de verser mensuellement la rémunération des vacataires de l'enseignement supérieur, la note contestée relève que " seuls 10 % de ces vacataires perçoivent une rémunération annuelle de plus de 4000 euros, la majorité d'entre eux n'étant employés que pour des missions très ponctuelles ", et que " une majorité de vacataires est salariée ou retraitée et perçoit donc une rémunération par ailleurs ", ce dont elle déduit que " la problématique de la mensualisation du paiement des vacations ne se pose que pour une minorité d'agents ", qu'elle demande " d'identifier au moment du recrutement et ce, afin d'adapter les règles de gestion qui s'appliquent à cette population et parvenir à la mensualisation des heures effectuées ".

7. Il résulte de cette première partie comme de la formulation du reste de la note litigieuse que son auteur a entendu réserver le versement mensuel de leur rémunération à une partie seulement des personnels vacataires de l'enseignement supérieur, méconnaissant ainsi le sens et restreignant la portée de l'article L. 952-1 du code de l'éducation tel que résultant de la loi du 24 décembre 2020. Par suite, la Fédération Sud Education est fondée à demander l'annulation de la note qu'elle attaque.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

9. S'il est loisible à une autorité publique de prendre des circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif visant à faire connaître l'interprétation qu'elle retient de l'état du droit, elle n'est jamais tenue de le faire. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante et tendant à ce que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche informe les destinataires de la note de son annulation et leur adresse une nouvelle note ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La note de service n° DGRH-I2022-001640 du 4 juillet 2022 du directeur général des ressources humaines des ministères de l'éducation, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération Sud Education est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Sud Education et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473328
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 fév. 2024, n° 473328
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473328.20240206
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