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27/02/2024 | FRANCE | N°476228

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 27 février 2024, 476228


Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale des magistrats administratifs demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-485 du 21 juin 2023 relatif à l'échelonnement des grades et emplois et au reclassement indiciaire des membres du Conseil d'Etat et portant diverses dispositions modifiant le code de justice administrative, en tant qu'il insère, après l'article R. 731-2 du code de justice administrative, un article R. 731-2-1.





Vu les autres pièce

s du dossier ;



Vu :



- la Constitution, no...

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale des magistrats administratifs demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-485 du 21 juin 2023 relatif à l'échelonnement des grades et emplois et au reclassement indiciaire des membres du Conseil d'Etat et portant diverses dispositions modifiant le code de justice administrative, en tant qu'il insère, après l'article R. 731-2 du code de justice administrative, un article R. 731-2-1.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'Union syndicale des magistrats administratifs demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 14 du décret n° 2023-485 du 21 juin 2023 relatif à l'échelonnement des grades et emplois et au reclassement indiciaire des membres du Conseil d'Etat et portant diverses dispositions modifiant le code de justice administrative en tant qu'il a inséré, après l'article R. 731-2 du code de justice administrative, un article R. 731-2-1 aux termes duquel " Le président de la formation de jugement peut à titre exceptionnel pour un motif légitime autoriser une partie, un témoin, un expert ou toute autre personne convoquée à l'audience et qui en a fait expressément la demande à être entendu par un moyen de communication audiovisuelle au cours de l'audience ou de l'audition. / Les modalités d'application du présent article, notamment les conditions de sécurité et de confidentialité des échanges, sont fixées par arrêté du vice-président du Conseil d'État. ".

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer " les règles concernant : / - les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; (...) ", les dispositions de la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution ou d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle.

3. Les dispositions contestées, qui ne permettent pas qu'il soit dérogé au principe de la publicité des audiences, ont pour seul objet de permettre au président d'une formation de jugement d'autoriser à titre exceptionnel une partie, un témoin, un expert ou toute personne en ayant expressément fait la demande et justifiant d'un motif légitime faisant obstacle à sa présence physique à l'audience publique, à participer à cette dernière par un moyen de communication audiovisuelle, n'affectent pas les garanties accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et ne mettent pas davantage en cause les autres matières réservées au législateur par la Constitution. En outre, elles ne dérogent à aucune disposition législative. Il suit de là que la Première ministre était compétente pour édicter lesdites dispositions et que l'Union syndicale des magistrats administratifs n'est pas fondée à soutenir qu'elles seraient entachées d'incompétence.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que si les membres du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel n'ont été informés que le 11 juin 2023 qu'ils seraient appelés à rendre un avis, lors de leur séance du 13 juin, sur les dispositions attaquées du décret du 21 juin 2023, l'ordre du jour de cette séance leur ayant été communiqué le 8 juin 2023 ne mentionnant pas le projet de décret dans lequel elles figuraient, ces dispositions leur avaient été transmises dès le 8 juin à titre d'information. Il n'est par ailleurs pas contesté que les dispositions litigieuses ont fait, lors de la séance du 13 juin du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'objet d'un débat nourri, conduisant à ce que la rédaction des dispositions litigieuses soit amendée, à l'issue duquel elles ont recueilli un avis favorable. Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel n'a donc pas, en l'espèce, été empêché de se prononcer en connaissance de cause sur les dispositions qui lui étaient soumises, de sorte que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure de consultation de ce conseil a été, du fait du délai d'envoi de l'ordre du jour modifié, entachée d'irrégularité.

Sur la légalité interne :

5. Les dispositions contestées prévoient que la faculté d'une partie, un témoin, un expert ou toute personne en ayant expressément fait la demande de participer à une audience publique par un moyen de communication audiovisuelle est subordonnée à l'autorisation préalable du président de la formation de jugement, laquelle ne peut être donnée qu'à titre exceptionnel pour un motif légitime. Elles n'ont, ainsi qu'il a été dit au point 3, ni pour objet ni pour effet de permettre que l'audience ne se tienne pas publiquement. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions, alors même qu'ainsi qu'elle le fait valoir, elles n'énoncent pas les contentieux concernés, ni les motifs légitimes susceptibles d'être retenus, ni ne prévoient l'accord préalable des autres parties, méconnaîtraient le droit à un procès équitable garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier en ce qu'il inclut le principe de publicité des audiences.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'Union syndicale des magistrats administratifs n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions contestées du décret du 21 juin 2023.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Union syndicale des magistrats administratifs est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale des magistrats administratifs, au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 476228
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2024, n° 476228
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Anne Lévêque
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476228.20240227
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