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01/03/2024 | FRANCE | N°472164

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 01 mars 2024, 472164


Vu la procédure suivante :





Par une ordonnance nos 232666, 232917 du 15 mars 2023, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme B... A....



Par cette requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 14 juin et 19 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

Mme A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance nos 232666, 232917 du 15 mars 2023, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme B... A....

Par cette requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 14 juin et 19 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel la présidente de l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis a prononcé à son encontre une mesure de suspension d'une durée de douze mois, sans privation de traitement ;

2°) de mettre à la charge de l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... A..., professeure des universités en psychologie clinique et psychopathologie à l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis, a exercé les fonctions de directrice de l'unité de formation et de recherche (UFR) " psychologie " de cette université de 2010 à 2015, et dirige depuis 2017, le laboratoire de psychopathologie et processus de changement de cette UFR. Au vu d'un rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche du mois de novembre 2022 portant sur des dysfonctionnements au sein de cette UFR, la présidente de l'université a, par une décision du 6 janvier 2023, dont Mme A... demande l'annulation pour excès de pouvoir, suspendu Mme A... de ses fonctions pour une durée de douze mois, sans privation de traitement.

2. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans privation de traitement ". La suspension d'un professeur des universités, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

3. En premier lieu, l'arrêté suspendant Mme A... de ses fonctions ayant pour objet, comme cela est dit au point précédent, de restaurer et de préserver, dans l'intérêt de l'ensemble des étudiants et du corps enseignant, la sérénité nécessaire au déroulement des cours et aux activités de recherche universitaire, il ne revêt pas le caractère d'une sanction ou d'une mesure prise en considération de la personne. La mesure litigieuse n'avait donc pas à être soumise à une procédure contradictoire préalable. Mme A... ne peut, dès lors, utilement soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure faute d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire, ni qu'il aurait été pris en méconnaissance des droits de la défense. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne les éléments de droit et de fait pour lesquels il suspend Mme A..., sans se limiter à viser le rapport précité. Par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé.

5. En troisième et dernier lieu, eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère grave et vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte. L'administration est en revanche tenue d'abroger la décision en cause si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la gravité et à la vraisemblance des faits à l'origine de la mesure n'est plus satisfaite.

6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de la mission conduite par l'inspection générale de l'éducation, de la jeunesse et de la recherche, que de nombreux témoignages imputaient à Mme A... un comportement violent et imprévisible, responsable d'une dégradation profonde du climat de travail affectant depuis des années le fonctionnement de l'UFR " psychologie ", les activités universitaires, et la santé de ses personnels, voire, dans certains cas, celle des étudiants. Ces faits, dont Mme A... ne contestait pas l'existence, mais dont elle minimisait la portée ou les conséquences, étaient, en l'état des informations portées à la connaissance de la présidente de l'université, suffisamment graves et vraisemblables pour justifier l'éloignement de l'intéressée à titre conservatoire. Par suite, la présidente de l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation en procédant à la suspension de Mme A... et en décidant que sa suspension durerait douze mois.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel la présidente de l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de douze mois.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., à l'université Paris VIII-Vincennes-Saint Denis, et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2023 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 1er mars 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Fischer-Hirtz

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 472164
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2024, n° 472164
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472164.20240301
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