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27/03/2024 | FRANCE | N°464109

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 27 mars 2024, 464109


Vu la procédure suivante :



Par deux requêtes, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n°1 de l'unité départementale de l'Isère a autorisé la société Bayer SAS à le licencier pour motif disciplinaire ainsi que la décision implicite du 24 août 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait formé contre cette décision et, d'autre part, d'annuler la décisio

n du 28 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision impl...

Vu la procédure suivante :

Par deux requêtes, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n°1 de l'unité départementale de l'Isère a autorisé la société Bayer SAS à le licencier pour motif disciplinaire ainsi que la décision implicite du 24 août 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait formé contre cette décision et, d'autre part, d'annuler la décision du 28 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2019 et autorisé son licenciement pour motif disciplinaire. Par un jugement n°1908148 - 1909721 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2019 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. C... et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2019 de la ministre du travail.

Par un arrêt du 17 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mai et 17 août 2022 et le 6 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Bayer SAS la somme de 4 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C... et à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Bayer SAS ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 25 février 2019, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n°1 de l'unité départementale de l'Isère a autorisé le licenciement de M. C..., salarié protégé, pour motif disciplinaire, lequel avait été sollicité par son employeur, la société Bayer SAS. La ministre du travail a, par une décision implicite du 24 août 2019, rejeté le recours hiérarchique qu'il avait formé contre cette décision. Par une décision du 28 octobre 2019, la ministre du travail a retiré sa décision implicite rejetant ce recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 25 février 2019 et autorisé le licenciement de M. C... pour motif disciplinaire. Par un jugement du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a, sur demande de M. C..., prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2019 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. C... et a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2019 de la ministre du travail. Par un arrêt du 17 mars 2022, contre lequel M. C... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Pour juger que M. C... avait commis des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé, d'une part, que l'attitude agressive qui avait été la sienne, lors d'une réunion des délégués du personnel qui s'était tenue le 3 décembre 2018, à l'égard du responsable des ressources humaines du site était établie, malgré ses dénégations, par le témoignage de personnes participant à cette réunion et corroborée par des courriels dont il était l'auteur critiquant la même personne, d'autre part, qu'il était entré sans badge sur un site classé dans la nomenclature la plus élevée des risques industriels, au mépris des règles de sécurité. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, d'une part, que les propos tenus par M. C... étaient intervenus alors qu'un conflit social dans lequel il jouait un rôle actif s'était déclenché dans l'entreprise à la fin de l'année 2018 et que les courriels litigieux, dont la diffusion avait été limitée, ne présentaient pas de caractère injurieux, d'autre part, qu'un seul manquement à l'obligation de sécurité, demeuré sans incidence et auquel l'intéressé a rapidement mis un terme, lui était reproché, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. C... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 17 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Bayer SAS une somme de 1 500 euros chacun à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 17 mars 2022 de la cour administrative de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : La société Bayer SAS et l'Etat verseront chacun la somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Bayer SAS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée M. A... C..., à la société Bayer SAS et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 février 2024 où siégeaient : M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 27 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Alban de Nervaux

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 464109
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2024, n° 464109
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:464109.20240327
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