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05/04/2024 | FRANCE | N°471139

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 avril 2024, 471139


Vu la procédure suivante :



La société par actions simplifiée (SAS) GEII Rivoli Holding a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1905733 du 13 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA03245 du 7 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel form

par la société GEII Rivoli Holding contre ce jugement.



Par un pourvoi s...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) GEII Rivoli Holding a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1905733 du 13 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA03245 du 7 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société GEII Rivoli Holding contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février 2023, 9 mai 2023 et 9 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société GEII Rivoli Holding demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société GEII Rivoli Holding ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société GEII Rivoli Holding au titre des exercices clos en 2013 et 2014, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité, au-delà de ce qui résultait de l'application d'un taux de 2,79 % correspondant à la valeur mentionnée au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, des intérêts versés à sa société mère, à un taux de 5,08 %, en contrepartie de l'apport en compte courant que cette dernière lui avait consenti en vue de l'acquisition d'un immeuble, et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ces deux exercices. Par un jugement du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La société GEII Rivoli Holding se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit (...) pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (...) ". Aux termes du I de l'article 212 du même code : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles (...) dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (...) ".

3. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence.

4. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.

5. Pour apporter cette preuve, l'entreprise emprunteuse peut notamment s'appuyer sur les taux d'emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d'activité hétérogènes, dès lors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte, notamment, de leur secteur d'activité. L'entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la méthode mise en œuvre par le cabinet Fidal :

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour justifier que le taux de 5,08 % servi à sa société mère n'était pas supérieur à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société GEII Rivoli Holding a produit un premier rapport identifiant, d'une part, à partir de l'outil RiskCalc développé par l'agence Moody's, la note de risque qui aurait pu lui être attribuée, soit Baa1, et, d'autre part, un intervalle de taux établi par référence à ceux obtenus par quinze sociétés non financières, appartenant à des secteurs d'activité hétérogènes, notées A3 à Baa3.

7. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la note de risque de Baa1 avait été obtenue sans renseigner le secteur d'activité de la société requérante dans l'outil RiskCalc, la cour administrative d'appel a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, écarter pour ce motif cette méthode comme non probante dès lors qu'une telle circonstance conduisait à ne pas tenir compte de la situation économique particulière de la société GEII Rivoldi Holding.

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la méthode mise en œuvre par la société Sorgem Evaluation :

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier du bien-fondé du taux qu'elle avait retenu, la société a produit devant la cour une nouvelle évaluation fondée, s'agissant de l'appréciation de la notation financière qui aurait pu être la sienne, sur le calcul de deux ratios financiers, dont l'un, dit " loan to value " (LTV), rapporte le niveau d'endettement à la valeur des actifs immobiliers de la société et conduisait en l'espèce à estimer, par comparaison avec les ratios de sociétés foncières françaises et européennes cotées, que la notation financière qu'elle aurait pu obtenir n'aurait pas dépassé BBB. Pour justifier que le taux de 5,08 % servi à sa mère ne dépassait pas celui correspondant au taux de pleine concurrence, la société GEII Rivoli Holding a alors fait valoir, en se fondant sur des données relatives au marché obligataire issues de la base de données financières Standard et Poor's Capital IQ, qu'à la date à laquelle l'emprunt en litige avait été contracté, en ce qui concerne des opérations en euros, le taux d'intérêt de marché à 10 ans pour des sociétés non financières notées BBB s'élevait à 5,21 %.

9. En premier lieu, en écartant cette méthode, en tant qu'elle permettait de déterminer le niveau de risque de la société, au seul motif que le ratio LTV avait en l'espèce été calculé en tenant compte d'une dette financière correspondant exclusivement à l'emprunt dont il convenait d'apprécier le taux, la cour a commis une première erreur de droit.

10. En deuxième lieu, pour écarter le taux résultant de la mise en œuvre de cette méthode, la cour s'est fondée sur ce que la société GEII Rivoli Holding, en comparant sa situation à celle de sociétés immobilières plus importantes qu'elle et déjà présentes sur le marché obligataire, ne justifiait pas qu'un emprunt obligataire aurait constitué, pour elle, une alternative réaliste à un prêt intragroupe. En écartant pour ce motif toute possibilité de comparaison fondée sur les taux pratiqués sur le marché obligataire, alors que la taille d'une société n'est pas à elle seule de nature à faire obstacle à l'accès à ce marché et que le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l'hypothèse alternative d'un emprunt obligataire ne s'apprécie qu'au regard des caractéristiques propres de cette société et de l'opération, les taux constatés sur ce marché devant le cas échéant être ajustés pour tenir compte des spécificités de la société en cause, la cour a commis une deuxième erreur de droit.

11. En dernier lieu, pour écarter le taux résultant de la mise en œuvre de cette méthode, la cour s'est également fondée sur ce qu'il ne lui avait été fourni aucun comparable précisément identifié dont elle aurait été en mesure d'apprécier la pertinence. En statuant ainsi, alors que le taux de pleine concurrence avancé par la société GEII Rivoli Holding comme correspondant à son niveau de risque reposait sur l'exploitation de courbes de taux établies sur la base de l'ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, dans la base de données financières Standard et Poor's Capital IQ, et qu'il n'était pas argué que le recensement des transactions figurant dans cette base n'était pas fiable, la cour a commis une dernière erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société GEII Rivoli Holding est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société GEII Rivoli Holding la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée GEII Rivoli Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Nathalie Escaut, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 5 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Alianore Descours

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471139
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - CHARGES FINANCIÈRES - DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS DES SOMMES PRÊTÉES À UNE ENTREPRISE AVEC LAQUELLE L'EMPRUNTEUSE ENTRETIENT DES LIENS DE DÉPENDANCE – ETABLISSEMENT DU TAUX D'INTÉRÊT LIMITE DE PLEINE CONCURRENCE (I DE L'ART - 212 DU CGI) [RJ1] – FACULTÉ DE TENIR COMPTE DU RENDEMENT D’ÉMISSIONS OBLIGATAIRES ÉMISES PAR DES ENTREPRISES COMPARABLES [RJ2] – DÉTERMINATION DU COMPARABLE PERTINENT – 1) FACULTÉ DE SE PRÉVALOIR DES TAUX CONSENTIS À DES SOCIÉTÉS PLUS IMPORTANTES DU MÊME SECTEUR - DÉJÀ PRÉSENTES SUR LE MARCHÉ OBLIGATAIRE – EXISTENCE – CONDITION – AJUSTEMENT - LE CAS ÉCHÉANT - DU TAUX CONSTATÉ AUX SPÉCIFICITÉS DE L’EMPRUNTEUSE – 2) FACULTÉ D’INVOQUER UN TAUX ISSU DE L’EXPLOITATION DE COURBES DE TAUX ÉTABLIES SUR LA BASE D’UN ENSEMBLE DE TRANSACTIONS – EXISTENCE – CONDITION.

19-04-02-01-04-081 Le taux que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s’entend, pour l’application du 3° du 1 de l'article 39 et du I de l’article 212 du code général des impôts (CGI), du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence....L’entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d’apporter cette preuve par tout moyen....Pour apporter cette preuve, l’entreprise emprunteuse peut notamment s’appuyer sur les taux d’emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d’activités hétérogènes, dès lors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte, notamment, de leur secteur d’activité. L’entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d’emprunts obligataires, cotés ou non, émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe....1) Cour ayant écarté le taux proposé par une société emprunteuse, résultant d’une comparaison avec le rendement d’emprunts obligataires, au motif que cette société ne justifiait pas qu’un emprunt obligataire aurait constitué une alternative réaliste à un prêt intragroupe dès lors que les comparables fournis étaient des sociétés immobilières plus importantes et déjà présentes, elles, sur le marché obligataire....En écartant toute possibilité de comparaison fondée sur les taux pratiqués sur le marché obligataire pour ce motif, alors que la différence de taille n’est pas à elle seule de nature à faire obstacle à l’accès au marché obligataire et que le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire, ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération à financer, et sans rechercher si des ajustements des taux constatés sur ce marché pouvaient permettre de tenir compte des spécificités de la société, cette cour commet une erreur de droit....2) Le taux de pleine concurrence avancé par une société comme correspondant à son niveau de risque, reposant sur l’exploitation de courbes de taux établies sur la base de l’ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, issues de données relatives au marché obligataire d’une base de données financières, est susceptible de constituer un comparable pertinent, même en l’absence de référence aux taux consentis à une entreprise précisément identifiée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - RELATIONS ENTRE SOCIÉTÉS D'UN MÊME GROUPE - DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS DES SOMMES PRÊTÉES À UNE ENTREPRISE AVEC LAQUELLE L'EMPRUNTEUSE ENTRETIENT DES LIENS DE DÉPENDANCE – ETABLISSEMENT DU TAUX D'INTÉRÊT LIMITE DE PLEINE CONCURRENCE (I DE L'ART - 212 DU CGI) [RJ1] – FACULTÉ DE TENIR COMPTE DU RENDEMENT D’ÉMISSIONS OBLIGATAIRES ÉMISES PAR DES ENTREPRISES COMPARABLES [RJ2] – DÉTERMINATION DU COMPARABLE PERTINENT – 1) FACULTÉ DE SE PRÉVALOIR DES TAUX CONSENTIS À DES SOCIÉTÉS PLUS IMPORTANTES DU MÊME SECTEUR - DÉJÀ PRÉSENTES SUR LE MARCHÉ OBLIGATAIRE – EXISTENCE – CONDITION – AJUSTEMENT - LE CAS ÉCHÉANT - DU TAUX CONSTATÉ AUX SPÉCIFICITÉS DE L’EMPRUNTEUSE – 2) FACULTÉ D’INVOQUER UN TAUX ISSU DE L’EXPLOITATION DE COURBES DE TAUX ÉTABLIES SUR LA BASE D’UN ENSEMBLE DE TRANSACTIONS – EXISTENCE – CONDITION.

19-04-02-01-04-083 Le taux que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s’entend, pour l’application du 3° du 1 de l'article 39 et du I de l’article 212 du code général des impôts (CGI), du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence....L’entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d’apporter cette preuve par tout moyen....Pour apporter cette preuve, l’entreprise emprunteuse peut notamment s’appuyer sur les taux d’emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d’activités hétérogènes, dès lors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte, notamment, de leur secteur d’activité. L’entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d’emprunts obligataires, cotés ou non, émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe....1) Cour ayant écarté le taux proposé par une société emprunteuse, résultant d’une comparaison avec le rendement d’emprunts obligataires, au motif que cette société ne justifiait pas qu’un emprunt obligataire aurait constitué une alternative réaliste à un prêt intragroupe dès lors que les comparables fournis étaient des sociétés immobilières plus importantes et déjà présentes, elles, sur le marché obligataire....En écartant toute possibilité de comparaison fondée sur les taux pratiqués sur le marché obligataire pour ce motif, alors que la différence de taille n’est pas à elle seule de nature à faire obstacle à l’accès au marché obligataire et que le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire, ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération à financer, et sans rechercher si des ajustements des taux constatés sur ce marché pouvaient permettre de tenir compte des spécificités de la société, cette cour commet une erreur de droit....2) Le taux de pleine concurrence avancé par une société comme correspondant à son niveau de risque, reposant sur l’exploitation de courbes de taux établies sur la base de l’ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, issues de données relatives au marché obligataire d’une base de données financières, est susceptible de constituer un comparable pertinent, même en l’absence de référence aux taux consentis à une entreprise précisément identifiée.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2024, n° 471139
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alianore Descours
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471139.20240405
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