La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°488813

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 11 avril 2024, 488813


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 octobre et 8 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur sa demande d'abrogation, formée le 31 juillet 2023, du paragraphe n° 160 des commentaires administratifs publiés le 1er août 2018 so

us la référence BOI-IR-PAS-50-10-20-10 ;



2°) d'enjoindre au ministre de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 octobre et 8 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur sa demande d'abrogation, formée le 31 juillet 2023, du paragraphe n° 160 des commentaires administratifs publiés le 1er août 2018 sous la référence BOI-IR-PAS-50-10-20-10 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger ce paragraphe ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de sa demande d'abrogation du paragraphe n° 160 des commentaires administratifs publiés le 1er août 2018 sous la référence BOI-IR-PAS-50-10-20-10, selon lequel : " Une gratification mentionnée dans le contrat de travail n'est pas considérée comme surérogatoire dès lors qu'elle remplit deux critères cumulatifs : / - les conditions de son versement, comprenant ses modalités de calcul, en 2018, sont déterminées dans le contrat de travail ; / - le montant versé en 2018 ne va pas au-delà de ce qui est prévu lorsque les conditions du versement sont respectées. / Il convient d'assimiler aux gratifications prévues dans le contrat de travail, celles prévues dans un avenant au contrat de travail, un mandat social, une convention ou un accord collectif sous réserve que ceux-ci aient été conclus avant le 1er janvier 2018, ainsi que par une disposition législative ou réglementaire relative au statut général des fonctionnaires, au statut des magistrats ou relative au personnel militaire ou par les usages de l'entreprise en vigueur. Il s'agit de primes contractuelles qui s'imposent à l'employeur. (...) ".

2. Aux termes de l'article 204 A du code général des impôts : " 1. Les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères ou dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus fonciers, à l'exception des revenus mentionnés à l'article 204 D, donnent lieu, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition ou de leur réalisation, à un prélèvement. (...) ". Le II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 précise que : " II. - A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. / B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. Le montant obtenu est diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales afférents aux revenus mentionnés au 1 du même article 204 A. / C. - Sont pris en compte au numérateur du rapport prévu au B du présent II, pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A, les montants nets imposables suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères, à l'exception : (...) 13° Des gratifications surérogatoires, qui s'entendent des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu'ils prévoient, quelle que soit la dénomination retenue ; (...) ". Il résulte de leurs termes mêmes que si ces dispositions font obstacle, pour le calcul du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, à la prise en compte des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu'ils prévoient, elles n'exigent pas pour autant que les gratifications éligibles procèdent uniquement des stipulations d'un contrat de travail.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d''tat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. ". En vertu des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, prises pour l'application de ces dispositions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel doit être saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Mme A... soutient que le 13° du C du II de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017, s'il devait être interprété comme interdisant la prise en compte, pour le calcul du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, des gratifications qui ne sont pas mentionnées dans un contrat de travail, porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

5. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, si ces dispositions font obstacle, pour le calcul du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, à la prise en compte des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu'ils prévoient, elles n'exigent pas pour autant que les gratifications éligibles procèdent uniquement des stipulations d'un contrat de travail.

6. Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne peut pas être regardée comme revêtant un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur la requête :

7. La requérante soutient que le paragraphe n° 160 du BOI-IR-PAS-50-10-20-10 qu'elle critique exclut la prise en compte, pour le calcul du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, des gratifications qui ne seraient pas prévues au contrat de travail. Toutefois, ce paragraphe ne saurait être lu indépendamment des paragraphes n° 150 à 220 au sein desquels il s'insère, et notamment du paragraphe n° 150, qui indique que " l'analyse du caractère surérogatoire ou non d'une gratification s'effectue au cas par cas ". Ainsi, si ce même paragraphe propose " en pratique, pour faciliter (l') analyse, ... de distinguer les gratifications prévues dans le contrat de travail de celles qui ne le sont pas ", d'une part, le paragraphe n° 160 assimile à des gratifications prévues dans le contrat de travail celles prévues par un avenant à ce dernier, un mandat social, une convention ou un accord collectif, ainsi que celles prévues par une disposition législative ou réglementaire ou les usages de l'entreprise en vigueur, d'autre part, le paragraphe n° 190 indique que des gratifications qui ne sont pas mentionnées dans le contrat de travail ou dont les conditions de versement ou les modalités de calcul n'y sont pas déterminées peuvent néanmoins être dépourvues de caractère surérogatoire. Il en résulte que les commentaires administratifs attaqués n'indiquent pas que des gratifications qui ne seraient pas mentionnées dans un contrat de travail devraient nécessairement être regardées comme surérogatoires au sens du 13° du C du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le paragraphe n° 160 ajoute à la loi qu'il commente et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision rejetant sa demande tenant à son abrogation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la requête présentée par Mme A... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A....

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 mars 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 11 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Xavier


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 488813
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 avr. 2024, n° 488813
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488813.20240411
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award