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12/04/2024 | FRANCE | N°458883

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 12 avril 2024, 458883


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire en réplique et cinq autres mémoires enregistrés le 26 novembre 2021, les 14 avril, 24 mai et 28 juin 2022 et les 2 novembre, 24 novembre et 26 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des industries du panneau contreplaqué (UIPC) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 septembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion portant extension d'un accord du 28 mai 2021 conclu dans le cad

re de la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement (n° 1411...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et cinq autres mémoires enregistrés le 26 novembre 2021, les 14 avril, 24 mai et 28 juin 2022 et les 2 novembre, 24 novembre et 26 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des industries du panneau contreplaqué (UIPC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 septembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion portant extension d'un accord du 28 mai 2021 conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement (n° 1411) et de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois (n° 2089) et relatif à la fusion des champs d'application respectifs des conventions collectives de la branche de la fabrication de l'ameublement et de la branche de l'industrie des panneaux à base de bois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'Union des industries du panneau contreplaqué et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l'Ameublement français et de l'Union des industries des panneaux de process ;

Considérant ce qui suit :

Sur le litige :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'Union des industries du panneau contreplaqué (UIPC) et l'Union des industries des panneaux de process (UIPP) ont été reconnues par l'arrêté de la ministre du travail du 3 octobre 2017 comme étant les deux organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le champ de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois (IDCC 2089) du 29 juin 1999, étendue par arrêté du 26 avril 2000, avec un poids respectif de 23,87% et 76,13%.

2. Ces deux organisations professionnelles ont signé le 18 mars 2020 un projet d'accord relatif à la scission du champ conventionnel de cette convention collective, en vue du rattachement des deux secteurs d'activité issus de cette scission - celui des activités de production et de fabrication du " secteur des panneaux dits contreplaqués " et celui des activités de production et de fabrication du " secteur des panneaux dits de process "- respectivement à la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois du 28 novembre 1955 (IDCC 158), étendue par arrêté du 28 mars 1956 et à la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement du 14 janvier 1986 (IDCC 1411), étendue par arrêté du 28 mai 1986. Aucune organisation syndicale représentative dans le champ de la convention collective ne l'a toutefois signé.

3. Le 1er décembre 2020, l'UIPC a déclaré dénoncer la convention collective de l'industrie des panneaux à base de bois.

4. Le 28 mai 2021, un accord relatif à la fusion des champs d'application respectifs des conventions collectives de la fabrication de l'ameublement et de l'industrie des panneaux à base de bois a été signé, d'une part, par l'ensemble des organisations syndicales et des organisations d'employeurs, reconnues représentatives dans le champ de la première de ces conventions collectives, d'autre part, par l'ensemble des organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ de la seconde de ces conventions et, s'agissant des organisations d'employeurs qui y sont reconnues représentatives, seulement par l'UIPP.

5. L'UIPC, après avoir tenté, en vain, de s'opposer à l'extension de cet accord de fusion, demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 septembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui procède à cette extension.

Sur la légalité de l'arrêté d'extension du 17 septembre 2021 :

S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de négociation de l'accord collectif :

6. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 2261-19 du code du travail : " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. / Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré. " Il en résulte que, pour qu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, puissent être étendus, les représentants de l'ensemble des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré doivent avoir été invités à la négociation collective.

7. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'UIPC a été invitée en temps utile à la négociation collective ayant conduit à l'adoption de l'accord étendu par l'arrêté attaqué, peu important à cet égard qu'elle ait demandé, la veille au soir, le report de la première réunion à laquelle elle a été conviée et qu'elle ne s'y soit pas présentée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaîtrait l'article L. 2261-19 du code du travail, au motif que l'UIPC n'aurait pas été invitée à la négociation de l'accord qu'il étend, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

S'agissant des moyens relatifs au champ de l'accord de fusion du 28 mai 2021 et à la légalité de l'arrêté attaqué en tant qu'il n'exclut pas du champ de l'extension les activités de fabrication de panneaux contreplaqués :

8. Aux termes de l'article L. 2261-33 du code du travail, qui s'insère dans la section 8, relative à la restructuration des branches professionnelles, du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie de la partie législative du code du travail : " En cas de fusion des champs d'application de plusieurs conventions collectives en application du I de l'article L. 2261-32 ou en cas de conclusion d'un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le regroupement, lorsqu'elles régissent des situations équivalentes, sont remplacées par des stipulations communes, dans un délai de cinq ans à compter de la date d'effet de la fusion ou du regroupement. Pendant ce délai, la branche issue du regroupement ou de la fusion peut maintenir plusieurs conventions collectives. "

9. Selon l'article 1er de la convention collective de l'industrie des panneaux à base de bois du 29 juin 1999, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 1 du 11 mai 2016, étendu par l'arrêté du 19 décembre 2017 : " La présente convention règle sur l'ensemble du territoire français, y compris les DROM, les rapports de travail entre employeurs et salariés des deux sexes, quel que soit leur emploi, des entreprises dont l'activité principale relève, dans le cadre de la catégorie 16. 21Z (anciennement 202Z) de la nomenclature des activités française, des catégories suivantes : / a) Fabrication de panneaux de contreplaqués multiplis en bois, de toutes épaisseurs, bruts ou poncés ; / b) Fabrication de panneaux de particules de bois ou autres matières ligneuses, bruts ou poncés ; / c) Fabrication de panneaux de fibres de bois ou autres matières ligneuses, comprimés ou non, durs ou demi-durs, bruts ou poncés ; / d) Fabrication de : / - panneaux à âme épaisse en bois, lattés, lamellés ou panneautés, plaqués de bois ; / - panneaux de particules replaqués de bois ; / - panneaux à âme en placages, particules ou fibres de bois, surfacés ou mélaminés ; / - panneaux stratifiés, peints, prépeints, laqués, enduits, imprimés, plastifiés, etc. / A l'exception de : / - fabrication d'articles en contreplaqués galbés ou moulés (selon nature) ; / - fabrication de bois déroulés ou tranchés pour placages ; : - fabrication d'éléments en bois dits " densifiés " en blocs, planches, lames ou profilés. (...) ".

10. Aux termes de l'article 1er de l'accord de fusion du 28 mai 2021 : " Le présent accord constitue un accord dit " de champ " conclu en application de l'article L. 2261-33 du code du travail. / Il a pour objet de fusionner en un seul champ conventionnel le champ des conventions collectives suivantes : / - IDCC 1411 : convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement du 14 janvier 1986 ; / - IDCC 2089 : convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois du 29 juin 1999 ".

11. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le nouveau champ conventionnel ainsi défini inclut l'ensemble des activités mentionnées à l'article 1er de la convention collective de l'industrie des panneaux à base de bois du 29 juin 1999, dans sa rédaction précitée, c'est-à-dire y compris en tant qu'il concerne les activités de fabrication des panneaux contreplaqués. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué du 17 septembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion procède à l'extension de l'accord du 28 mai 2021 sans réserve ni exclusion.

12. L'UIPC fait valoir, à l'appui de sa requête, que l'accord collectif du 28 mai 2021 est illégal pour ne pas avoir exclu du champ de la fusion conventionnelle à laquelle il procède les activités de fabrication des panneaux contreplaqués et que, par suite, l'arrêté attaqué, qui n'a pas davantage exclu ces activités, est entaché d'illégalité. A ce titre, elle soutient, d'une part, que, compte tenu du périmètre d'activités retenu par cet accord, il existe un risque de recoupement du champ délimité par cet accord étendu par l'arrêté attaqué, avec celui de la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois (IDCC 158), dès lors qu'elle projette d'adhérer à cette dernière convention. Elle fait valoir, d'autre part, qu'elle a procédé le 1er décembre 2020 à la dénonciation de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois, ce qui a eu pour effet de soustraire les activités de fabrication des panneaux contreplaqués, pour lesquelles elle était la seule organisation professionnelle signataire de la convention, du champ de cette convention collective, de sorte que l'accord du 28 mai 2021, qui les a néanmoins incluses, est illégal et que l'arrêté attaqué qui procède à l'extension de cet accord sans davantage les exclure est entaché d'illégalité.

En ce qui concerne les pouvoirs du ministre du travail en matière d'extension :

13. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, répondant aux conditions particulières déterminées par la sous-section 2, peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. " Aux termes de l'article L. 2261-25 du même code : " Le ministre chargé du travail peut exclure de l'extension, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales. Il peut également refuser, pour des motifs d'intérêt général, notamment pour atteinte excessive à la libre concurrence ou au regard des objectifs de la politique de l'emploi, l'extension d'un accord collectif. / Il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de la convention ou de l'accord sans en modifier l'économie, mais ne répondant pas à la situation de la branche ou des branches dans le champ d'application considéré. / (...) ".

14. Saisi d'une demande tendant à ce qu'il étende un accord collectif, le ministre du travail doit s'assurer, conformément aux dispositions de l'article L. 2261-25 du code du travail, que cet accord ne comporte pas de clauses qui seraient contraires aux textes législatifs et réglementaires ou qui ne répondraient pas à la situation de la branche ou des branches dans le champ d'application de l'accord. Dans le cas où l'accord satisfait à ces exigences, le ministre n'est pas pour autant tenu de procéder à l'extension qui lui est demandée. Le premier alinéa de l'article L. 2261-25 du code du travail lui attribue à cet égard un pouvoir d'appréciation lui permettant de refuser cette extension, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, pour des motifs d'intérêt général.

15. En outre, si l'article L. 2261-32 du code du travail conditionne l'exercice par le ministre du travail de son pouvoir de fusion de branches professionnelles à l'existence de conditions sociales et économiques analogues entre les branches concernées, l'extension, sur le fondement des articles L. 2261-15 et L. 2261-25 du code du travail, d'un accord collectif ayant pour objet le rapprochement de branches professionnelles n'est pas subordonnée au respect d'une telle condition. Il appartient au ministre chargé du travail, saisi d'une demande d'extension d'un tel accord, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si des motifs d'intérêt général sont de nature à s'opposer à l'extension, alors même que la restructuration des branches répond, en principe et par elle-même, à des considérations d'intérêt général.

En ce qui concerne le risque de recoupement entre le champ défini par l'accord étendu par l'arrêté attaqué et celui de la convention collective IDCC 158 :

16. La requérante, en se prévalant de la seule circonstance qu'elle envisage d'adhérer à la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois, n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est illégal en raison de ce que son champ recoupe celui de cette convention collective.

En ce qui concerne la licéité de l'accord du 28 mai 2021 en ce qu'il n'exclut pas de son champ les activités de fabrication des panneaux contreplaqués :

17. Aux termes de de l'article L. 132-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, soit à la date du 1er juillet 1999, lequel a été ultérieurement abrogé par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) et remplacé par les dispositions, depuis lors modifiées, qui figurent à l'article L. 2222-4 du nouveau code : " La convention ou l'accord collectif de travail est conclu pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée. A défaut de stipulations contraires, la convention ou l'accord à durée déterminée qui arrive à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée. / Quand la convention ou l'accord est conclu pour une durée déterminée, celle-ci ne peut être supérieure à cinq ans ".

18. Aux termes de l'article 5 de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois : " La présente convention est conclue pour une période de 1 an à dater du 1er juillet 1999 ". Aux termes de son article 9 : " Toute demande de dénonciation par l'une des parties signataires devra être portée à la connaissance des autres parties par lettre recommandée avec accusé de réception et conformément à l'article L. 132-8 du code du travail ", les dispositions de cet article du code du travail étant désormais reprises, en substance, à l'article L. 2261-11 du code du travail.

19. Aux termes de l'article L. 2261-11 du code du travail : " Lorsque la dénonciation est le fait d'une partie seulement des signataires employeurs ou des signataires salariés, elle ne fait pas obstacle au maintien en vigueur de la convention ou de l'accord entre les autres parties signataires. / Dans ce cas, les dispositions de la convention ou de l'accord continuent de produire effet à l'égard des auteurs de la dénonciation jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure. " Aux termes de l'article L. 2261-12 de ce code : " Lorsque la dénonciation d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel émane d'une organisation seule signataire, soit pour la partie employeurs, soit pour la partie salariés, concernant un secteur territorial ou professionnel inclus dans le champ d'application du texte dénoncé, ce champ d'application est modifié en conséquence ".

20. Les dispositions de cet article L. 2261-12, qui reprennent en substance celles de l'ancien article L. 132-14 du code du travail issu de la loi n° 82-957 du 14 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail, n'ont fait l'objet d'aucune abrogation expresse. En outre, elles ne sont pas inconciliables avec les dispositions résultant des lois n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale et n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui ont procédé à une réforme de la représentativité des organisations syndicales et patronales, reposant, pour l'essentiel, sur le critère de l'audience des organisations syndicales et professionnelles appréciée sur l'ensemble du périmètre d'une convention collective, et non secteur professionnel par secteur professionnel. Elles ne peuvent, dès lors et contrairement à ce que soutient le ministre chargé du travail, être regardées comme ayant été implicitement abrogées par l'intervention de ces lois.

21. Au cas d'espèce, ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'accord du 28 mai 2021, en prononçant la fusion de la convention collective de l'industrie des panneaux à base de bois du 29 juin 1999 avec celle de la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement du 14 janvier 1986, a entendu inclure dans son champ les activités de fabrication des panneaux contreplaqués visées à l'article 1er de la première de ces conventions.

22. La question de savoir s'il est, en cela, entaché d'illicéité, ainsi que le soutient la requérante, dépend, pour autant que la dénonciation de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois à laquelle la requérante a procédé le 1er décembre 2020 soit valide, de la portée de cette dénonciation, au regard des dispositions de l'article L. 2261-12 du code du travail, et, le cas échéant, de ses effets dans le temps, en particulier, à la date de signature de l'accord litigieux.

23. L'appréciation du bien-fondé du moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité en ce qu'il étend un accord illicite, l'accord du 28 mai 2021, signé après la dénonciation, en date du 1er décembre 2020, de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois par l'UIPC, ne pouvant inclure dans son champ les activités de fabrication des panneaux contreplaqués, soulève ainsi une question qui ne peut être résolue au vu d'une jurisprudence établie et qui soulève une difficulté sérieuse qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher.

24. Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. "

25. Par suite, eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer sur la requête de l'UIPC tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 septembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion portant extension d'un accord du 28 mai 2021 jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la question préjudicielle de la légalité de l'accord du 28 mai 2021 en ce que signé après la dénonciation, en date du 1er décembre 2020, de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois par l'UIPC, il inclut dans son champ les activités de fabrication des panneaux contreplaqués.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'Union des industries du panneau contreplaqué dirigée contre l'arrêté du 17 septembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion portant extension d'un accord du 28 mai 2021 conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement (n° 1411) et de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois (n° 2089) et relatif à la fusion des champs d'application respectifs des conventions collectives de la branche de la fabrication de l'ameublement et de la branche de l'industrie des panneaux à base de bois jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la question de la légalité de l'accord du 28 mai 2021 en ce que, signé après la dénonciation, en date du 1er décembre 2020, de la convention collective nationale de l'industrie des panneaux à base de bois par l'UIPC, il inclut dans son champ les activités de fabrication des panneaux contreplaqués.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des industries du panneau contreplaqué, à l'Union des industries des panneaux de process, à l'Ameublement français, à la Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, à la Fédération nationale des salariés de la construction-bois-ameublement (FNSCBA-CGT), au Syndicat du personnel d'encadrement de la filière Bois-Papier (CFE-CGC-FIBOPA), à la Fédération générale Force Ouvrière Construction (FO Construction), à la Fédération BATI-MAT-TP (CFTC), à l'Union nationale de l'artisanat des métiers de l'ameublement (UNAMA), à la ministre du travail, de la santé, et des solidarités et au président du tribunal judiciaire de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, Mme Célia Verot, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 12 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Fraval

Le secrétaire :

Signé : M. Christophe Bouba

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Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 458883
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DISPARITION DE L'ACTE - ABROGATION - DÉNONCIATION D’UNE CONVENTION DE BRANCHE OU D’UN ACCORD PROFESSIONNEL OU INTERPROFESSIONNEL – ABROGATION IMPLICITE DE L’ARTICLE L - 2261-12 DU CODE DU TRAVAIL – ABSENCE.

01-09-02 L’article L. 2261-12 du code du travail, qui reprend en substance l’ancien article L. 132-14 du même code issu de la loi n° 82-957 du 14 novembre 1982, n'a fait l'objet d'aucune abrogation expresse. En outre, il n’est pas inconciliable avec les dispositions résultant des lois n° 2008-789 du 20 août 2008, n° 2014-288 du 5 mars 2014 et n° 2016-1988 du 8 août 2016 qui ont procédé à une réforme de la représentativité des organisations syndicales et patronales, reposant, pour l’essentiel, sur le critère de l’audience des organisations syndicales et professionnelles appréciée sur l’ensemble du périmètre d’une convention collective, et non secteur professionnel par secteur professionnel. Cet article ne peut dès lors être regardé comme ayant été implicitement abrogé par l'intervention de ces lois.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - DÉNONCIATION D’UNE CONVENTION DE BRANCHE OU D’UN ACCORD PROFESSIONNEL OU INTERPROFESSIONNEL – ABROGATION IMPLICITE DE L’ARTICLE L - 2261-12 DU CODE DU TRAVAIL – ABSENCE.

66-02 L’article L. 2261-12 du code du travail, qui reprend en substance l’ancien article L. 132-14 du même code issu de la loi n° 82-957 du 14 novembre 1982, n'a fait l'objet d'aucune abrogation expresse. En outre, il n’est pas inconciliable avec les dispositions résultant des lois n° 2008-789 du 20 août 2008, n° 2014-288 du 5 mars 2014 et n° 2016-1988 du 8 août 2016 qui ont procédé à une réforme de la représentativité des organisations syndicales et patronales, reposant, pour l’essentiel, sur le critère de l’audience des organisations syndicales et professionnelles appréciée sur l’ensemble du périmètre d’une convention collective, et non secteur professionnel par secteur professionnel. Cet article ne peut dès lors être regardé comme ayant été implicitement abrogé par l'intervention de ces lois.

TRAVAIL ET EMPLOI - INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL - DÉNONCIATION D’UNE CONVENTION DE BRANCHE OU D’UN ACCORD PROFESSIONNEL OU INTERPROFESSIONNEL PAR UNE PARTIE DES SIGNATAIRES – ABROGATION IMPLICITE DE L’ARTICLE L - 2261-12 DU CODE DU TRAVAIL – ABSENCE.

66-04 L’article L. 2261-12 du code du travail, qui reprend en substance l’ancien article L. 132-14 du même code issu de la loi n° 82-957 du 14 novembre 1982, n'a fait l'objet d'aucune abrogation expresse. En outre, il n’est pas inconciliable avec les dispositions résultant des lois n° 2008-789 du 20 août 2008, n° 2014-288 du 5 mars 2014 et n° 2016-1988 du 8 août 2016 qui ont procédé à une réforme de la représentativité des organisations syndicales et patronales, reposant, pour l’essentiel, sur le critère de l’audience des organisations syndicales et professionnelles appréciée sur l’ensemble du périmètre d’une convention collective, et non secteur professionnel par secteur professionnel. Cet article ne peut dès lors être regardé comme ayant été implicitement abrogé par l'intervention de ces lois.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2024, n° 458883
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Fraval
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:458883.20240412
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