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23/11/2023 | FRANCE | N°21TL01590

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 23 novembre 2023, 21TL01590


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Jennifer a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° PC 66213 19 F0002 du 27 février 2019 du maire de Toulouges portant refus de permis de construire, ensemble la décision du 25 juin 2019 portant rejet de son recours gracieux.



La même société a également demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° PC 66213 19 F0032 du 9 septembre 2019 du maire de Toulouges portan

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Jennifer a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° PC 66213 19 F0002 du 27 février 2019 du maire de Toulouges portant refus de permis de construire, ensemble la décision du 25 juin 2019 portant rejet de son recours gracieux.

La même société a également demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° PC 66213 19 F0032 du 9 septembre 2019 du maire de Toulouges portant refus de permis de construire, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 21 octobre 2019.

Par un jugement nos 1904279, 2000416 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté chacune des demandes de la société Jennifer.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le numéro 21MA01590, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le numéro 21TL01590, la société Jennifer, représentée par la SELARL Nese, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire de Toulouges du 27 février 2019 et du 9 septembre 2019 et les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouges la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés en litige sont entachés d'une insuffisante motivation en fait et reproduisent " servilement " l'avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales ;

- l'arrêté du 25 février 2019 est entaché d'erreur d'appréciation au regard de la situation du projet, de sa nature et de ses caractéristiques ;

- l'arrêté du 9 septembre 2019 est entaché d'erreur d'appréciation pour appliquer le " porter à connaissance " du 11 juillet 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales, qui constitue un document informatif sans valeur juridique ;

- ces arrêtés font une application erronée des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré 21 mars 2022, la commune de Toulouges représentée par Me Pons-Serradeil, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société appelante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été fixée au 25 octobre 2022 par une ordonnance en date du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique ;

- les observations de Me Nese, représentant la société appelante ;

- et les observations de Me Nivet, représentant la commune intimée.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Jennifer est propriétaire sur le territoire de la commune de Toulouges (Pyrénées-Orientales), au lieu dit " A... B... ", d'un ensemble de parcelles comportant un bâtiment immobilier implanté sur la parcelle cadastrée section AH n° 9. Cette société a déposé le 16 janvier 2019 un dossier de demande de permis de construire portant sur un bâtiment existant d'environ 102 m². Suivant l'avis défavorable émis le 25 janvier 2019 par la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales, le maire de la commune a pris le 25 février 2019, un arrêté n° PC 66213 19 F 0002, notifié le 1er mars 2019, refusant l'autorisation de construire. Le recours gracieux formé par la société Jennifer a été rejeté par une décision du 25 juin 2019. Le 16 juillet 2019, la société Jennifer a déposé un nouveau dossier de demande de permis de construire. Le maire a pris le 9 septembre 2019, à la suite d'un nouvel avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer émis le 2 août 2019, un arrêté portant refus de la demande. Le recours gracieux formé à l'encontre de ce refus le 21 octobre 2019 a été implicitement rejeté. La société Jennifer interjette appel du jugement susvisé en date du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes d'annulation de ces arrêtés et des décisions implicites portant rejet des recours gracieux formés à leur encontre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...) ".

3. Les arrêtés attaqués qui visent notamment les textes dont il est fait application, mentionnent avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le maire pour refuser de délivrer chacun des permis de construire sollicités. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions contestées doit être écarté. Par ailleurs, si les arrêtés en litige font référence aux avis défavorables émis par la direction départementale des territoires et de la mer les 25 janvier et 2 août 2019, ils n'en reprennent que les extraits relatifs à l'exposition à un aléa fort d'inondation. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire se serait cru lié par les avis rendus par ce service de l'Etat à l'occasion de l'instruction de chacune des demandes de permis de construire.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les risques d'inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que : " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique (...) ".

5. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, élaboré par l'Etat conformément aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il appartient toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction mentionné dans la première demande de permis de construire consiste en la régularisation d'une maison d'habitation existante, de plain-pied avec un niveau de plancher positionné à la cote TN+0,80 m. La seconde demande de permis de construire prévoit, en outre, la création d'une extension de 20 m² d'emprise au sol avec un plancher positionné à la cote TN+1,20 m et qui sera pourvu d'un étage pouvant servir de zone de refuge Il ressort également des pièces du dossier, notamment des avis susmentionnés de la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales, que le terrain d'assiette du projet est situé en zone urbanisée, zone U2 du plan local d'urbanisme de la commune de Toulouges, et dans la zone du lit majeur de la rivière la Basse et que, selon l'étude d'inondabilité du bassin Basse-Catelnou réalisée en 2006, la parcelle objet de la demande est inondable pour la crue de référence avec des hauteurs de submersion comprises entre 0,50 mètre et 1,00 mètre et des vitesses inférieures à 0,50 m/s, l'aléa d'inondation étant considéré comme très fort.

En ce qui concerne l'arrêté du 27 février 2019 :

7. Pour prendre le premier arrêté de refus de permis de construire en date du 27 février 2019, le maire de Toulouges, après avoir visé l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, s'est fondé, en relevant que la commune n'était pas entièrement inondable, sur la circonstance que le terrain d'assiette du projet était exposé à un aléa fort (hauteur d'eau comprise entre 0,50 mètre et 1,00 mètre pour la crue de référence), qu'il convenait d'assurer la sécurité des personnes, la préservation des biens et le champ d'expansion des crues.

8. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que le risque d'inondation du terrain d'assiette en litige est avéré et qu'un niveau de plancher situé à TN +0,80 m n'est pas de nature à garantir la mise hors d'eau de la maison d'habitation de plain-pied, s'agissant d'inondation de type torrentielle, soit une montée brusque des eaux, avec un débit important et un charriage de matériaux pouvant être conséquent. Si l'appelante soutient que ladite parcelle n'a jamais subi la moindre inondation depuis qu'elle en est propriétaire, soit un retour d'expérience de plus de trente années, elle ne produit aucun élément scientifiquement étayé de nature à remettre en cause l'étude d'inondabilité et l'existence d'un risque d'inondation qualifié d'aléa très fort. Enfin, la circonstance que le projet litigieux serait entouré de maisons d'habitation ou que des projets d'aménagements publics ont été programmés sur le secteur, est sans incidence sur l'appréciation du risque pour le terrain dont s'agit.

9. Dans ces conditions, en refusant par l'arrêté n° PC 66213 19 F0002 du 27 février 2019 de délivrer à la société requérante le permis de construire sollicité, le maire de Toulouges n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'arrêté du 9 septembre 2019 :

10. Pour édicter le second arrêté de refus de permis de construire du 9 septembre 2019, le maire, en se fondant sur les mêmes dispositions du code de l'urbanisme, a précisé que, dans la zone d'inondation d'aléa très fort, le principe est l'interdiction de toute construction nouvelle en visant le porter à connaissance des aléas d'inondations transmis aux communes par le préfet des Pyrénées-Orientales le 11 juillet 2019 et en faisant référence à l'article 4.3.3 du document d'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

11. D'une part, le risque d'inondation est au nombre de ceux qui peuvent fonder un refus de permis de construire. Pour apprécier la réalité d'un tel risque, l'autorité administrative peut s'appuyer sur tous les éléments d'information dont elle dispose à la date à laquelle elle statue, et notamment sur les documents préparatoires à l'élaboration ou à la révision d'un plan de prévention des risques d'inondation, quand bien même celui-ci ne serait pas opposable à cette date. Il suit de là que contrairement à ce que soutient l'appelante, alors même que le plan de prévention des risques inondation sur le secteur de la plaine du Roussillon n'était pas, dans sa version révisée, entré en vigueur à la date du refus attaqué, le maire de Toulouges pouvait légalement se fonder sur le " porter à connaissance " adressé par le préfet des Pyrénées-Orientales en date du 11 juillet 2019 afin d'apprécier dans quelle mesure le projet de construction litigieux était susceptible de présenter un risque pour la sécurité publique.

12. D'autre part, ce porter à connaissance se borne à préconiser d'interdire les constructions nouvelles dans les zones d'aléa très fort pour tout projets et travaux nouveaux, ainsi que le relève également la direction départementale des territoires et de la mer dans son avis du 2 août 2019. Contrairement à ce que soutient la société appelante, au regard de la situation du terrain d'assiette dans une zone d'aléa très fort et de la nature du projet, qui prévoit la régularisation de la maison existante ainsi qu'une construction d'une extension comportant un niveau de plancher situé à TN +1,20 m, en dépit de la création d'un refuge à l'étage, le projet en litige est soumis à un risque d'inondation de nature à occasionner notamment des dommages aux habitants de la construction projetée et à leurs biens. Dans ces conditions, le maire de Toulouges n'a pas commis d'erreur d'appréciation en opposant un refus à la demande de permis de construire de la pétitionnaire. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune intimée qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Jennifer la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Toulouges sur le même fondement.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de la société Jennifer est rejetée.

Article 2 : La société Jennifer versera la somme de 1 500 euros à la commune de Toulouges au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Jennifer, à la commune de Toulouges et au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL01590 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01590
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BECQUE - DAHAN - PONS-SERRADEIL - CALVET - REY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;21tl01590 ?
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