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23/11/2023 | FRANCE | N°23LY00207

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 novembre 2023, 23LY00207


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2204170 du 13 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un m

émoire complémentaire, enregistrés le 18 janvier 2023 et le 14 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Couderc, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204170 du 13 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 janvier 2023 et le 14 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Couderc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 17 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salariée ", dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... soutient que :

- le jugement est irrégulier par omission de statuer ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit dès lors qu'elle a demandé un titre de séjour pour des motifs professionnels alors que le préfet, qui a exercé son pouvoir de régularisation, ne vise pas les articles L. 421-1 et L. 435-1 ;

- il est entaché d'insuffisance de motivation s'agissant de la demande de titre de séjour en tant que salariée ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas tenu compte de ses moyens d'existence et de son insertion sociale au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît cet article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice spontané par le préfet de son pouvoir de régularisation ;

- il méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 7 décembre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 27 septembre 1969, de nationalité haïtienne, est entrée régulièrement en France le 3 octobre 2018. Elle a obtenu un titre de séjour, au titre de la vie privée et familiale avec son partenaire de pacte civil de solidarité de nationalité française, valable jusqu'au 17 mai 2021, dont elle a sollicité, le 28 juin 2021, le renouvellement. Elle relève appel du jugement du 13 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 mai 2022 du préfet du Rhône portant refus de renouveler son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif de Lyon, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de la demande, a répondu, de manière suffisamment motivée, aux moyens tirés de l'erreur de fait dans l'examen du refus de titre de séjour en tant que salariée et du défaut d'examen au titre de la vie privée et familiale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre de séjour :

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui était titulaire du titre de séjour " vie privée et familiale " a formé une demande de renouvellement de son titre de séjour pour motifs professionnel et familial. Par suite, le préfet n'était pas saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que salariée mais d'une demande de renouvellement de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre de la vie privée et familiale, autorisant, sur ce fondement, le titulaire du titre de séjour à travailler. Dès lors qu'elle n'avait pas demandé un titre de séjour comme salariée, le préfet n'avait pas à y répondre et l'ensemble des moyens relatifs au refus d'un titre de séjour salarié sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté comme inopérant.

5. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... se prévaut de ses liens avec son compagnon dont elle a accompagné la maladie, des perspectives d'insertion professionnelle de son fils présent en France et de ce qu'elle travaillait de manière stable à la date de la décision attaquée. Il résulte, cependant des pièces du dossier, dont le préfet a fait une appréciation suffisante, que le ressortissant français avec lequel Mme A... avait conclu un pacte civil de solidarité est décédé peu de temps après. Son fils, titulaire d'un titre de séjour en tant qu'étudiant à la date de l'arrêté attaqué, est majeur et vit de manière autonome. Par ailleurs, le contrat à durée indéterminée signé le 1er mars 2022 pour un emploi d'adjoint déclarant en douane n'était pas au fondement de la demande de titre qu'elle avait déposé et ne lui ouvrait pas droit, par lui-même, à un changement de statut qu'elle n'avait pas sollicité. Par suite, elle était dépourvue, nonobstant les qualités professionnelles reconnus par son employeur, d'une insertion sociale et de moyens d'existence suffisamment stables en France alors qu'elle conserve, compte tenu de ses qualifications, des capacités de réinsertion professionnelle en Haïti, où réside une partie de sa famille. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. Il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code des étrangers et du droit d'asile. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.

8. Aux termes de l'article L 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

9. Le préfet du Rhône, qui n'avait pas à viser formellement le fondement pour lequel il écartait la régularisation du droit au séjour de l'intéressée, a considéré que Mme A... ne réunissait pas les conditions d'une régularisation en tant que salariée. Nonobstant le parcours professionnel méritoire de l'intéressée, elle n'est entrée en France que depuis quatre ans à la date du refus de titre de séjour où elle a travaillé en intérim avant de n'être embauchée, par contrat à durée indéterminée, qu'un mois avant la date du refus, sous l'empire d'un titre de séjour " vie privée et familiale " en tant que partenaire d'un ressortissant français, situation, qu'elle ne satisfait plus.

10. Pour les motifs qui ont été exposés au point précédent, d'une part, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation et, d'autre part, Mme A... ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires impliquant que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français

11 Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

12. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

13. Il résulte des dispositions précitées que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elles prévoient des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. En l'espèce, Mme A... n'établit pas, ni même n'allègue avoir, notamment par la production d'éléments médicaux suffisamment circonstanciés, informé le préfet de la nature et de la gravité de ses pathologies qui, selon lui, auraient dû conduire cette autorité à solliciter l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Mme A... souffre de cicatrices chéloïdiennes qui sont prises en charge médicalement mais il n'est pas allégué, ni démontré, que l'absence de traitement, à la supposée avérée en Haïti, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement litigieuse méconnaîtrait l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination :

14. La décision de refus de titre de séjour et obligeant Mme A... à quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... A... au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00207
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;23ly00207 ?
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