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23/11/2023 | FRANCE | N°23LY00894

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 23 novembre 2023, 23LY00894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de la Nièvre lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n°2202271 du 24 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 mars et 2 mai 2023, M. A..., représenté par Me Vernet, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de la Nièvre lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n°2202271 du 24 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 mars et 2 mai 2023, M. A..., représenté par Me Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 20 mai 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ; elle méconnait l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires enregistrés les 4 avril et 4 mai 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., qui indique être d'une nationalité malienne, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 15 septembre 2018, selon ses déclarations. Il a été pris en charge le 7 décembre 2018 par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Nièvre, qui ont sollicité pour son compte, le 20 janvier 2021, un titre de séjour. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

2. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour expose les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Elle est, dès lors, régulièrement motivée.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Nièvre n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de l'intéressé, alors même qu'il n'a pas mentionné la production de son passeport et de sa carte consulaire qui ne constituent pas des documents suffisant à établir l'état civil.

4. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "

5. Pour refuser au requérant le titre de séjour sollicité, le préfet de la Nièvre s'est fondé sur le caractère frauduleux des documents d'état civil présentés, pour en tirer la conclusion que l'intéressé, qui n'établissait pas son identité et son état-civil, ne remplissait pas la condition d'âge prévue par les dispositions précitées.

6. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la vérification des actes d'état civil étrangers est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil auquel il est ainsi renvoyé dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Cette présomption de validité d'un acte d'état civil établi peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un tel acte, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. Selon un rapport d'analyse documentaire du 14 février 2022 de l'unité fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières de Pontarlier, l'acte de naissance du 22 juin 2015 produit par M. A... à l'appui de sa demande de titre de séjour, qui mentionne qu'il est né le 28 février 2003, est un document contrefait, l'extrait d'acte de naissance n°116 certifié conforme à l'original daté du 22 juin 2015 est un faux en écriture publique, l'acte de naissance n° 2102 daté du 18 juin 2021 est un document contrefait et l'extrait des minutes du jugement supplétif du tribunal de première instance de Diema est également un faux en écriture publique. Il apparaît que, comme le précise le rapport, deux actes de naissance délivrés au nom de l'intéressé à des dates et sous des numéros d'ordre différents, sont d'une authenticité douteuse. Par ailleurs, la carte d'identité consulaire de M. A... n'est pas un acte d'identité ou un document de voyage, étant principalement destinée à faciliter les démarches administratives, et justifier de leur inscription ou de leur immatriculation auprès du consulat établi dans le pays où ils résident. L'intéressé ne conteste pas sérieusement le contenu circonstancié de ce rapport en se bornant à produire la copie de son passeport malien délivré le 19 avril 2022 qui mentionne comme date de naissance le 28 février 2003, dont rien ne permet de dire qu'il aurait été établi sur la base d'autres documents que ceux visés par ce rapport. L'acte de décès d'une autre personne qu'il a aussi produit ne permet pas d'établir son propre état civil, notamment son âge. Ainsi, pour refuser le titre sollicité, le préfet de la Nièvre a pu estimer que l'intéressé ne justifiait pas de la condition d'âge exigée par les dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. M. A..., célibataire et sans charge de famille, est entré en France au cours de l'année 2018. Il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire ni d'aucune intégration d'ordre social. Si, compte tenu de son apprentissage, il justifie de bonnes perspectives d'embauche en boulangerie, une telle circonstance est insuffisante pour caractériser une intégration professionnelle en France. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

9. M. A... réitère en appel le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

10. Les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, en l'absence d'argumentation particulière, être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.

11. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Si M. A... soutient, qu'à la date de la décision contestée, il était scolarisé sur le territoire national, cette seule circonstance n'est pas de nature à justifier qu'un délai plus long lui soit spécifiquement accordé pour quitter le territoire français. Dès lors, le préfet de la Nièvre en fixant le délai de départ volontaire à trente jours, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. M. A... réitère en appel le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par suite sa requête doit, en toutes ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.- M. Picard

La greffière,

A.- C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N°23LY00894 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00894
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;23ly00894 ?
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