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24/11/2023 | FRANCE | N°21PA05669

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 24 novembre 2023, 21PA05669


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la délibération du 7 août 2019 par laquelle le jury académique d'évaluation et de titularisation des personnels stagiaires du second degré du vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis défavorable à sa titularisation sans autorisation d'effectuer une seconde et dernière année de stage ainsi que l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie l'a

autorisée à effectuer une deuxième année de stage en vue de sa titularisation dans le corps...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la délibération du 7 août 2019 par laquelle le jury académique d'évaluation et de titularisation des personnels stagiaires du second degré du vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis défavorable à sa titularisation sans autorisation d'effectuer une seconde et dernière année de stage ainsi que l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie l'a autorisée à effectuer une deuxième année de stage en vue de sa titularisation dans le corps des professeurs certifiés.

Par un jugement n° 2000124 du 9 septembre 2021, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 novembre 2021 et le 1er novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 7 août 2019 par laquelle le jury académique d'évaluation et de titularisation des personnels stagiaires du second degré du vice-rectorat de la

Nouvelle-Calédonie a émis un avis défavorable à sa titularisation sans autorisation d'effectuer une seconde et dernière année de stage ainsi que l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie l'a autorisée à effectuer une deuxième année de stage en vue de sa titularisation dans le corps des professeurs certifiés ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa titularisation et de reconstituer sa carrière dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ou, à titre infiniment subsidiaire, de l'autoriser à effectuer une seconde première année de stage ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute ne comporte pas l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure découlant de la composition irrégulière du jury académique au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014, en l'absence de production de la feuille d'émargement des membres ayant effectivement siégé lors de son entretien permettant de justifier de ce que le jury était bien présidé par le vice-recteur ou son représentant et que les règles de quorum ont bien été respectées ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure découlant de la composition irrégulière du jury académique au regard des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 en raison de la transmission au jury académique d'un rapport d'inspection signé par une IA-IPR en langue anglaise présente dans ce même jury ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure en l'absence de preuve de la consultation du rapport de sa tutrice par le membre du corps d'inspection, conformément à l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice procédure en raison du défaut d'impartialité de ses évaluateurs, en particulier de la cheffe d'établissement ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de ses compétences professionnelles ;

- l'arrêté attaqué est constitutif d'une sanction disciplinaire déguisée ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article 24 du décret n°72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés dès lors qu'elle n'a pas été placée, au cours de son stage, dans des conditions lui permettant de démontrer l'étendue de ses compétences professionnelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au

16 janvier 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le décret n° 2001-369 du 27 avril 2001 ;

- l'arrêté du 22 août 2005 ;

- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Philippon, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a occupé un poste de maître auxiliaire en langue espagnole au sein du collège " Shéa Tiaou " d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie au titre des années scolaires 2015 à 2018. Elle a été reçue au concours interne d'accès au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) en langue espagnole ouvert au titre de l'année 2018. Elle a été nommée professeur certifiée de classe normale stagiaire, affectée au collège

" Shéa Tiaou ", et soumise à un stage probatoire d'une année où elle a été en charge d'enseigner à titre principal l'espagnol mais également l'anglais pour compléter son temps d'enseignement. Par une délibération du 7 août 2019, le jury académique d'évaluation et de titularisation des personnels stagiaires du second degré du vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis défavorable à sa titularisation sans autorisation d'effectuer une seconde et dernière année de stage. A la suite de l'intervention hiérarchique du ministre de l'éducation nationale, par un arrêté du

12 février 2020, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a autorisé Mme B... à effectuer une deuxième et dernière année de stage en vue de sa titularisation dans le corps des professeurs certifiés. Par un jugement du 9 septembre 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté son recours tendant à l'annulation de la délibération du jury du 7 août 2019 et de l'arrêté du vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie du 12 février 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur de l'affaire et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée à Mme B... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires : " Il est constitué un jury académique par corps d'accès de cinq à huit membres nommés par le recteur. Le recteur ou son représentant préside le jury. A la demande de son président, le jury peut se constituer en groupes d'examinateurs en fonction des effectifs. Le vice-président et les autres membres du jury sont choisis parmi les membres des corps d'inspection, les chefs d'établissement, les enseignants-chercheurs, les professeurs des écoles et les formateurs académiques. Le jury académique est composé de membres qui ne sont pas affectés dans l'établissement d'enseignement supérieur chargé d'assurer la formation des stagiaires de l'académie (...) ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré : 1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection. 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; 3° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire. (...) ".

5. Mme B... soutient que l'avis émis le 25 juillet 2019 par Mme C..., principale du collège où elle était affectée, qui s'est fondée sur l'existence d'échanges conflictuels avec un collègue, de relations conflictuelles avec les parents d'élèves et sur la circonstance qu'elle n'a pas adopté d'attitude favorable à l'écoute et aux échanges avec les membres de la communauté éducative, est entaché de partialité en raison d'une situation conflictuelle existant entre elles. Il ressort, en effet, des pièces du dossier, que les relations se sont tendues au sein de l'établissement entre Mme B... et un autre professeur à la suite de la dénonciation par Mme B... de faits de présentation d'un film licencieux, voire pornographique, par ce collègue auprès d'enfants d'une classe de 5ème. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a immédiatement apporté son soutien au professeur incriminé en adressant un rapport, le même jour, au vice-recteur, dans lequel elle indique avoir auditionné elle-même les élèves qui auraient reconnu avoir menti, et dans lequel elle accuse Mme B... d'avoir manipulé les élèves et les professeurs. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... ne s'est pas opposée à l'organisation d'une manifestation, devant l'établissement, de parents d'élèves venus demander le départ de Mme B... et de son époux, également enseignant dans le même collège. Mme B... produit, en outre, un témoignage relatif à un entretien de la principale du collège avec le grand chef Mouli d'Ouvéa, confirmé par d'autres témoignages, précisant que Mme C... aurait tenu des propos nettement hostiles à Mme B.... Dès lors, le défaut d'impartialité de la principale du collège est suffisamment établi. L'avis rendu par la principale du collège, constituant un des trois avis soumis au jury pour lui permettre de se prononcer sur la titularisation de l'intéressée ou sur la nécessité de lui faire bénéficier d'une seconde année de stage et ayant ainsi exercé une influence sur le sens de la décision prise doit ainsi être regardé comme ayant, par son caractère partial, été de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant le jury académique.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération mentionnée ci-dessus du jury académique d'évaluation et de titularisation des personnels stagiaires du second degré du vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, il y a lieu d'annuler cette délibération ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a autorisé Mme B... à effectuer une deuxième année de stage en vue de sa titularisation dans le corps des professeurs certifiés.

7. Aucun autre moyen de la requête n'est susceptible de fonder l'annulation ainsi prononcée. En particulier, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'évaluation établi le 30 novembre 2018 par la tutrice de Mme B... et du rapport rendu, à l'issue d'une visite-conseil effectuée le 23 mai 2019, par l'inspectrice en espagnol dont il n'apparaît pas qu'elle aurait été influencée par la cheffe d'établissement, qu'en dépit de sa grande implication, Mme B... présentait des lacunes dans la maîtrise des savoirs disciplinaires et leur didactique et dans l'évaluation des progrès et des acquisitions des élèves et que cette enseignante, consciencieuse et dynamique, éprouvait encore des difficultés à construire un projet d'apprentissage et à analyser sa propre pratique. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses compétences professionnelles.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Compte-tenu du moyen d'annulation retenu par le présent arrêt et seul susceptible de l'être, celui-ci n'implique pas la titularisation de Mme B... mais implique seulement que le jury académique et le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie procèdent à un réexamen de la situation de la requérante en écartant l'avis rendu par la cheffe d'établissement. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de leur enjoindre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 9 septembre 2021, la délibération du 7 août 2019 et l'arrêté du 12 février 2020 du vice-recteur de la Nouvelle Calédonie sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au jury académique et au vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05669
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;21pa05669 ?
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