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28/11/2023 | FRANCE | N°22DA01093

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 22DA01093


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jour

s à compter de la date de notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder dans le même délai et sous la même astreinte au réexamen de sa situation en lui délivrant, dans cette attente, un récépissé l'autorisant à travailler, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2105778 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2022 et le 3 février 2023, Mme C..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder dans le même délai et sous la même astreinte au réexamen de sa situation en lui délivrant dans cette attente un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente à cet effet ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet du Nord ne produit pas l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le médecin rapporteur siégeait au sein du collège de médecins chargé de rendre cet avis ;

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de possibilité d'identification des médecins ayant participé à ce collège ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation particulière ;

- elle méconnaît les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors qu'un traitement approprié à son état de santé n'est pas disponible en Algérie et qu'elle ne peut accéder dans ce pays à un tel traitement en l'absence de couverture par le système de protection sociale algérien ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet du Nord dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation particulière ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'un traitement approprié à son état de santé n'est pas disponible en Algérie et qu'elle ne peut accéder dans ce pays à un tel traitement en l'absence de couverture par le système de protection sociale algérien ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation particulière ;

- la décision fixant à un mois le délai qui lui est imparti pour quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation particulière ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que ce délai est trop bref ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle serait exposée en Algérie à des risques pour sa personne ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation particulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Le dossier médical de Mme C... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 27 juin 2023.

Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2023.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 2 février 1962, est entrée en France le 8 août 2018. Le 12 août 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 25 février 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence pour ressortissant algérien portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations des points 5 et 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné, notamment, le pays dont l'intéressée a la nationalité comme pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 28 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté contesté :

2. Par un arrêté du 22 décembre 2020, publié le même jour au recueil des actes de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme B... E..., cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, à l'effet de signer, notamment, les décisions attaquées. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.

Sur la décision refusant de délivrer à Mme C... un titre de séjour :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé :

S'agissant des moyens tirés de vices entachant la consultation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :

3. Mme C... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés du défaut de production, par le préfet du Nord, de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de ce que le médecin rapporteur avait participé à ce collège et de l'impossibilité d'identifier les membres de ce collège. En l'absence d'éléments nouveaux apportés par Mme C... en appel, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur la régularité de la procédure de consultation par le préfet du Nord du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 6 et 7 du jugement attaqué, compte tenu, en outre, s'agissant du troisième moyen, de ce que l'avis litigieux comporte la signature des trois médecins composant ce collège.

S'agissant des moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation particulière de Mme C... :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui cite les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, se réfère expressément à l'avis rendu le 29 décembre 2020 sur la situation de Mme C... par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en reprenant les conclusions de cet avis sur la nécessité pour l'intéressée de bénéficier d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et sur la possibilité pour elle, compte tenu de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le même arrêté se réfère, en outre, " aux éléments médicaux que la demanderesse a bien voulu (...) communiquer " aux services de la préfecture. Ce même arrêté précise qu'au vu de ces éléments et de la date de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'intéressée peut voyager sans risque vers l'Algérie. Cet arrêté comporte ainsi, dans le respect du secret médical, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour pour raison de santé. Il est, par suite, suffisamment motivé sur ce point au regard des exigences des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord ait insuffisamment examiné la situation particulière de Mme C... au regard de la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968.

S'agissant des moyens tirés de l'inexacte application par le préfet des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation de sa situation particulière :

6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

7. Pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations, le préfet du Nord s'est fondé, en particulier, sur l'avis émis le 29 décembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel l'intéressée présente un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais peut effectivement en bénéficier dans son pays d'origine.

8. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'un diabète de type 1 insulinodépendant, déséquilibré, diagnostiqué en 1984 et compliqué d'une rétinopathie ainsi que d'une neuropathie périphérique. Elle présente également de l'hypertension, une dyslipidémie et des maladies cutanées. Elle a été prise en charge pour la première de ces pathologies en Algérie, où elle a reçu un traitement associant Lantus et Apidra. A la suite de son hospitalisation, en mars 2019, dans le service endocrinologie, diabétologie, métabolisme et nutrition du centre hospitalier universitaire de Lille, un nouveau traitement associant à l'Apidra, insuline rapide, une insuline lente, de type Levemir, a été instauré. Le traitement prescrit à l'issue d'une adaptation thérapeutique réalisée au cours d'une nouvelle hospitalisation dans le même service, durant le mois de juin 2020, a substitué au Levemir une autre insuline lente, le Toujeo. L'utilisation d'un lecteur " freestyle ", pour laquelle elle a bénéficié d'une formation, lui a également été prescrite en vue d'assurer la surveillance de la glycémie indispensable du fait de l'instabilité glycémique dont elle souffre. L'un des médecins assurant le suivi de Mme C... en milieu hospitalier précisait, dans un certificat du 23 août 2019, que ni le Levemir, ni le lecteur " freestyle " ne sont disponibles en Algérie. Toutefois, il résulte de la " nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine " éditée par le ministère algérien chargé de la santé, que d'autres spécialités pharmaceutiques contenant le même principe actif que le Levemir, ainsi que des médicaments contenant de l'insuline glargine, sont disponibles en Algérie Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C..., qui, selon un " courrier provisoire " rédigé le 19 juin 2020 par un médecin du même service hospitalier, procède seule à ses injections, serait dans l'incapacité d'utiliser un autre lecteur de glycémie, alors même qu'elle bénéficie en France de l'assistance de sa fille pour la surveillance glycémique. Si, par ailleurs, d'autres médicaments sont prescrits à Mme C..., notamment pour le traitement de l'hypertension et de la dyslipidémie, ces éléments ont été mentionnés dans le rapport établi par le médecin rapporteur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et elle ne conteste pas spécifiquement leur disponibilité dans son pays d'origine. Enfin, Mme C... n'apporte aucune précision sur l'évolution de son état ophtalmologique postérieurement au traitement chirurgical de la cataracte qu'elle a subi en décembre 2019.

9. D'autre part, Mme C... soutient qu'alors qu'elle bénéficie en France de la couverture maladie universelle, elle ne pourrait effectivement accéder en Algérie au traitement qui lui est indispensable, en raison de son coût. A cet égard, elle fait valoir qu'elle ne rentre dans aucun des cas de prise en charge par l'assurance maladie algérienne prévus par les dispositions de la loi algérienne du 2 juillet 1983 relative aux assurances sociales. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de tenir pour établi que Mme C... ne pourrait bénéficier d'aucune prise en charge par le système de santé algérien actuel.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet du Nord ait procédé à une inexacte application de ces stipulations.

11. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce analysées aux points 8 et 9, et alors même que Mme C... bénéficie, en France, de l'assistance de sa fille pour la prise en charge de son diabète, ainsi que pour la mise en œuvre d'une nutrition appropriée et d'exercices physiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé.

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale :

S'agissant des moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation particulière de Mme C... :

12. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui cite les stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, mentionne, en particulier, la présence en France de la fille et de l'un des fils de Mme C..., en situation régulière, ainsi que de ses petits-enfants, analyse les relations entre l'intéressée et ces membres de sa famille, constate le caractère récent de son séjour sur le territoire français et relève la présence, en Algérie, de sa propre mère. Cet arrêté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour à raison de sa situation familiale. Il est, par suite, suffisamment motivé sur ce point au regard des exigences des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

13. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord ait insuffisamment examiné la situation particulière de Mme C... au regard de la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

S'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que d'une erreur manifeste commise par le préfet du Nord dans l'appréciation de la situation particulière de Mme C... :

14. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 8 août 2018, soit depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée. Si deux de ses enfants résident en France et sont titulaires de certificats de résidence, il apparaît que la requérante dispose d'attaches en Algérie en la personne de sa mère, et qu'elle y a elle-même vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans. L'intéressée n'établit pas non plus l'intensité des liens qu'elle invoque avec son fils, dont elle a accouché sous X en 1978 à Paris et avec lequel elle indique être entrée en relation à l'occasion de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, à l'exception d'une attestation faisant état d'une activité bénévole auprès d'une association caritative, Mme C... ne justifie pas d'une intégration particulière, professionnelle ou sociale, sur le territoire français, ni y avoir noué des liens extrafamiliaux d'une certaine intensité. Dans ces conditions, le refus de délivrer à Mme C... un titre de séjour sur le fondement des stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ne méconnaît, par suite, ni ces stipulations, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

16. En second lieu, dans les circonstances analysées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme C... en refusant de lui délivrer un titre de séjour à raison de sa situation familiale.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, en vertu des dispositions du dixième alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont été reprises, à compter du 31 mai 2021, à l'article L. 613-1 de ce code, l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour qu'elle accompagne. L'arrêté contesté, qui mentionne ces dernières dispositions, comporte également, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 12, un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de l'intéressée doit donc être écarté.

18. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord se soit livré à un examen insuffisant de la situation particulière de Mme C... avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

19. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 16 que Mme C... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

21. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 9, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C... doit être écarté.

22. En cinquième lieu, dans les circonstances analysées au point 15, la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ne méconnaît pas, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

23. En sixième lieu, dans les circonstances analysées aux points 8, 9 et 15, la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation particulière de l'intéressée.

Sur la décision relative au délai de départ volontaire :

24. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne les dispositions, alors en vigueur, du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet du Nord n'avait pas à motiver spécifiquement le choix du délai de trente jours qu'il a accordé à Mme C... pour quitter volontairement le territoire français, dès lors que ce délai correspond à la période de droit commun prévue par ces dispositions et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ait fait valoir devant lui des éléments spécifiques justifiant selon elle qu'un délai supérieur lui soit accordé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

25. En deuxième lieu, et dans ces mêmes circonstances, il ne ressort pas des pièces de dossier que le préfet du Nord ait procédé à un examen insuffisant de la situation particulière de Mme C... avant de lui impartir un délai de trente jours pour quitter le territoire français.

26. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 23 que les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

27. En quatrième lieu, si Mme C... soutient que le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui appliquant le délai de départ volontaire de droit commun de trente jours, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

28. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 23, que les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

29. En deuxième lieu, si Mme C... soutient qu'elle est exposée, en cas de retour en Algérie, à des risques sérieux et avérés pour sa personne, de sorte que la décision désignant l'Algérie comme pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au litige, et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

30. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur commise par le préfet du Nord dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle n'est pas non plus assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

31. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'elle formule en appel, et celles présentées devant la cour sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Rivière.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Roméro

2

N°22DA01093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01093
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;22da01093 ?
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