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28/11/2023 | FRANCE | N°23PA02587

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 novembre 2023, 23PA02587


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Le Bon Marché-Aristide Boucicaut a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 janvier 2022 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 7 de l'unité de contrôle Paris 5-6-7 a refusé de l'autoriser à licencier Mme A... B..., ainsi que la décision du 25 août 2022 par laquelle le ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision, et d'enjoindre au ministre du tr

avail, du plein emploi et de l'insertion de l'autoriser à prononcer le licenciement de Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Bon Marché-Aristide Boucicaut a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 janvier 2022 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 7 de l'unité de contrôle Paris 5-6-7 a refusé de l'autoriser à licencier Mme A... B..., ainsi que la décision du 25 août 2022 par laquelle le ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision, et d'enjoindre au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion de l'autoriser à prononcer le licenciement de Mme A... B....

Par un jugement n° 2215569/3-2 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2023, La société Le Bon Marché-Aristide Boucicaut, représentée par Me Heusele, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215569 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2022 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 7 de l'unité de contrôle Paris 5-6-7 a refusé de l'autoriser à licencier Mme A... B..., ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion sur son recours hiérarchique ;

3°) d'autoriser le licenciement pour faute grave de Mme B....

Elle soutient que :

- alors que la matérialité des faits est établie, de même que l'absence de lien avec les activités représentatives de Mme B..., l'administration n'a pu sans illégalité refuser l'autorisation de la licencier au seul motif que les faits ne présenteraient pas un caractère de gravité suffisante alors notamment que l'élément intentionnel de la fraude est établi ;

- le caractère relativement bref des fraudes et l'absence de versement des primes indûment obtenues ne résultent que de la rapidité d'intervention de l'employeur et ne permettent pas d'atténuer la gravité de la faute reprochée à la salariée, de même que l'absence de passif disciplinaire et l'ancienneté de la salariée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, Mme A... B..., représentée par Me Serre, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la société Le Bon Marché-Aristide Boucicaut sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par La société Le Bon Marché-Aristide Boucicaut ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, la ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par La société Le Bon Marché-Aristide Boucicaut ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Degardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Zanjantchi, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Salariée depuis le 28 novembre 2012 de la SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut au sein de laquelle elle exerçait, à temps partiel, les fonctions de conseillère de vente au sein du département mode hommes, Mme B... a été convoquée le 26 octobre 2021 à un entretien préalable à son licenciement pour motif disciplinaire. En raison de sa qualité de membre du comité social d'entreprise, son employeur a, par un courrier du 23 novembre 2021, adressé à l'inspecteur du travail une demande d'autorisation de licenciement. Par une décision du 14 janvier 2022, l'inspectrice du travail de la section 7 de l'unité de contrôle Paris 5-6-7 a reconnu l'existence d'une faute de cette salariée, mais, la considérant d'une gravité insuffisante pour justifier le licenciement, elle a rejeté la demande présentée par la SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut. Cette société a dès lors formé auprès du ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion un recours hiérarchique, qui a fait l'objet d'un rejet implicite le 15 juin 2022 puis d'un rejet explicite par décision du 25 août 2022. La SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation des décisions des 14 janvier et 25 août 2022, qu'il a rejetée par un jugement n°2215569 du 17 mai 2023. La SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des attestations de deux démonstrateurs du stand Paul Smith du Bon Marché que le 4 octobre 2021, Mme B... a demandé à l'un d'entre eux d'enregistrer à son nom les ventes d'un montant supérieur à 850 euros qu'il effectuerait, afin de lui permettre de se voir attribuer des " Très bon Tickets, " (TBT), dispositif mis en place par la société le mois précédent et permettant aux salariés ayant effectué des ventes de montants supérieurs à certains seuils prédéterminés, d'obtenir des primes, pouvant atteindre un montant maximal de 330 euros. Pour permettre que ces ventes soient enregistrées à son nom, elle a donné à ce démonstrateur son identifiant et son matricule, qu'elle a collés sur la caisse où ce papier a été retrouvé et le lendemain, alors que le second démonstrateur était également présent, elle a renouvelé cette demande. Il résulte également du procès-verbal du comité social d'entreprise que Mme B... a convenu avoir donné ses identifiants et matricules à ces démonstrateurs, afin qu'ils lui attribuent une vente qu'ils avaient effectuée, à laquelle il n'est pas établi qu'elle aurait participé comme elle le soutient, les caméras d'enregistrement ne faisant pas apparaître de traces de sa présence. Cette manœuvre lui a permis de faire enregistrer à son nom des ventes réalisées les 4, 8, 9 et 10 octobre, alors même qu'elle ne travaillait pas à certaines de ces dates, et de prétendre, pour le mois d'octobre, au montant maximal de la prime individuelle de performance instituée par le dispositif des " TBT ". La matérialité des faits en cause est dès lors établie, ainsi que l'ont, à juste titre, retenu tant l'inspectrice du travail que le ministre du travail, dans leurs décisions respectives, ainsi que la DRIEETS dans son rapport produit par le ministre devant le tribunal. Par ailleurs, si Mme B... a demandé la semaine suivante aux deux démonstrateurs qu'elle avait ainsi sollicités de cesser d'enregistrer des ventes à son nom, il résulte de l'attestation de l'un d'entre eux que cette nouvelle demande s'expliquait par le fait qu'elle " avait réalisé son quota ", c'est-à-dire obtenu le nombre de " très bons tickets " lui ouvrant droit au montant maximal de primes possible grâce à ce dispositif. De même la circonstance qu'elle n'aurait finalement pas perçu lesdites primes et que celles-ci portent sur des sommes relativement modestes n'est pas de nature à remettre en cause le caractère fautif des faits reprochés, dont la matérialité est établie.

4. Toutefois, il résulte également des pièces du dossier, et notamment des attestations produites par Mme B... ainsi que du procès-verbal du Comité social et économique s'étant prononcé sur le projet de licenciement de celle-ci, que le système des TBT qui venait d'être instauré, en septembre 2021, un mois seulement avant les faits reprochés, nécessitait encore des clarifications auprès des salariés et que les règles pour l'obtention des primes correspondantes n'étaient pas parfaitement définies, ainsi que le relève également la DRIEETS dans son rapport préalable à la décision du ministre rejetant le recours hiérarchique. Il ressort également des divers témoignages produits par Mme B..., et émanant tant de vendeurs, salariés du Bon Marché, que de démonstrateurs de diverses marques intervenant dans ce magasin, que la pratique consistant, pour les démonstrateurs, à enregistrer des ventes au nom de vendeurs du magasin pour leur permettre d'obtenir les primes liées à l'acquisition des " Très Bons Tickets ", était courante. Dans ces conditions, et alors par ailleurs que Mme B..., qui était employée depuis plus de neuf ans à la date des faits, disposait jusqu'alors de bonnes évaluations et n'avait jamais fait l'objet d'une procédure disciplinaire, l'inspecteur du travail et le ministre ont pu sans erreur d'appréciation retenir que la faute ne présentait pas un caractère de gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licencier cette salariée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions tendant à ce que la Cour " autorise le licenciement pour faute grave de Mme B... ", sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité desdites conclusions.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut la somme que demande Mme B... au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B..., tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Le Bon Marché - Maison Aristide Boucicaut, à Mme A... B... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

M-I. D...La présidente,

M. C...

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA02587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02587
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : CABINET SERRE-ODIN-EMMANUELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;23pa02587 ?
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