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29/11/2023 | FRANCE | N°21LY02420

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 novembre 2023, 21LY02420


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par une première requête, enregistrée sous le n° 2001531, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Montbrison l'a suspendu de ses fonctions et, conséquemment, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le maire de Montbrison lui a supprimé le bénéfice de son régime indemnitaire pendant sa suspension.



Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2004493, M. A... B... a d

emandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2020 par lequel le maire de Mont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première requête, enregistrée sous le n° 2001531, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Montbrison l'a suspendu de ses fonctions et, conséquemment, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le maire de Montbrison lui a supprimé le bénéfice de son régime indemnitaire pendant sa suspension.

Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2004493, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2020 par lequel le maire de Montbrison a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire et l'a radié des cadres à compter du 15 mai 2020.

Par un jugement n° 2001531 - 2004493 du 14 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 29 avril 2020 du maire de Montbrison portant mise à la retraite d'office de M. B... (article 1er), a enjoint au maire de Montbrison de réintégrer M. B... dans les effectifs de la commune à la date du 15 mai 2020 et de régulariser sa situation administrative à compter de cette date, dans un délai de deux mois (article 2), a mis à la charge de la commune de Montbrison le versement à M. B... d'une somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre des frais exposés dans l'instance n° 2004493 (article 3), a rejeté le surplus des conclusions des parties dans cette instance (article 4) et a rejeté la requête n° 2001531 et les conclusions de la commune de Montbrison présentées dans cette instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5).

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2021, 24 janvier 2022 et 16 mars 2023, la commune de Montbrison, représentée par la Selarl Philippe Petit et Associés, agissant par Me Cottignies puis par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mai 2021 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... devant ce tribunal ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le conseil de discipline était régulièrement composé et l'avis de ce conseil n'a pas à faire mention du nombre de voix recueilli pour son prononcé ;

- le prétendu détournement de procédure n'est pas établi ;

- les premiers juges n'ont pas pris le soin d'indiquer quels étaient les faits établis et ont renversé la charge de la preuve ; la matérialité des faits est établie et la sanction proportionnée ;

- le prétendu harcèlement moral n'est pas établi ;

- l'absence de discernement de M. B... ne saurait être retenu ;

- M. B... produit un " mémoire en réplique " et non un " appel incident " et il ne formule aucun moyen sur la légalité des décisions des 30 décembre 2019 et 7 janvier 2020 au mépris de l'effet dévolutif de l'appel ;

- elle a parfaitement tiré les conséquences du jugement attaqué.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2021 et 7 février 2023, M. A... B..., représenté par la Selarl François Dumoulin, agissant par Me Pieri, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le maire de Montbrison lui a supprimé le bénéfice de son régime indemnitaire pendant sa suspension, et à l'annulation de cet arrêté ;

3°) à l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Montbrison l'a suspendu de ses fonctions ;

4°) d'enjoindre au maire de Montbrison de régulariser sa situation administrative à compter du 15 mai 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la commune de Montbrison au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- l'arrêté du 29 avril 2020 par lequel le maire de Montbrison a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire a été pris au terme d'une procédure irrégulière, le conseil de discipline ayant irrégulièrement siégé en présence du président du centre de gestion de la Loire n'ayant pas vocation à y siéger et l'avis de ce conseil ne faisant pas mention du nombre de voix recueilli pour son prononcé ;

- les faits retenus par le maire pour le sanctionner ne sont pas établis ;

- la sanction est disproportionnée au regard des faits retenus, compte tenu notamment de ses états de service et de son état de santé à la date des faits reprochés ;

- l'arrêté du 29 avril 2020 est entaché d'un détournement de procédure ;

- l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Montbrison l'a suspendu de ses fonctions ne repose pas sur des griefs présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ;

- l'injonction prononcée par les premiers juges doit être confirmée et assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard puisque la commune de Montbrison n'a pas régularisé sa situation administrative et financière à la date du 15 mai 2020 et n'a pas davantage procédé au paiement de la somme de 1 200 euros prononcée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 28 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mars 2023.

Par un courrier du 10 octobre 2023, les parties ont été informées de ce que, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt de la cour est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident lesquelles soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal et ont été présentées après l'expiration du délai d'appel.

M. A... B... a produit, le 14 octobre 2023, des observations en réponse à cette communication.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Garaudet pour la commune de Montbrison ainsi que celles de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Employé par la commune de Montbrison comme chef de service de la police municipale à compter du 21 mars 2011, puis adjoint au chef de service à compter du mois de mars 2014, M. B... a fait l'objet, dans l'attente d'une procédure disciplinaire, d'une suspension de ses fonctions, par une décision du 30 décembre 2019. Par un arrêté du 17 janvier 2020, le maire de Montbrison lui a supprimé le bénéfice de son régime indemnitaire pendant sa suspension. Par un arrêté du 29 avril 2020, ce maire a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire et l'a radié des cadres à compter du 15 mai 2020. Par un jugement n° 2001531-2004493 du 14 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 29 avril 2020, a enjoint au maire de Montbrison de réintégrer M. B... dans les effectifs de la commune à la date du 15 mai 2020 et de régulariser sa situation administrative à compter de cette date, dans un délai de deux mois, a mis à la charge de la commune de Montbrison le versement à M. B... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés dans l'instance n° 2004493, a rejeté le surplus des conclusions des parties dans cette instance et a rejeté la requête n° 2001531 et les conclusions de la commune de Montbrison présentées dans cette instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Montbrison relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la sanction du 29 avril 2020. M. B... conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les arrêtés prononçant la suspension de ses fonctions et lui supprimant le bénéfice de son régime indemnitaire pendant sa suspension.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans / Q/ Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour annuler l'arrêté du maire de Montbrison du 29 avril 2020, les premiers juges ont retenu que la sanction de mise à la retraite d'office qui a été retenue présente, s'agissant d'une sanction du quatrième groupe, un caractère disproportionné au regard des faits qui l'ont motivée.

5. La sanction en litige reproche à M. B... des manquements à son obligation de ponctualité et à son obligation de servir, un comportement distant et querelleur ayant porté atteinte au bon fonctionnement du service, le non-respect des consignes données par sa hiérarchie, des menaces proférées à l'encontre de ses collègues en décembre 2019 ainsi que son comportement violent ayant, le 19 décembre 2019, entraîné une dégradation des locaux du service qu'il a ensuite tenté de dissimuler à sa hiérarchie.

6. Il ressort des pièces du dossier que la collectivité a été alertée par deux rapports datés du 23 décembre 2019 émanant du chef de service et d'un agent de sécurité de la voie publique, faisant notamment état d'un incident survenu le 19 décembre 2019. Ce jour-là, M. B... a endommagé la porte du poste de police municipale et a exprimé des menaces pour lui-même et ses collègues. Si M. B... en conteste la matérialité, ces faits, quand bien même ils n'ont reçu aucune suite pénale, sont corroborés par les pièces versées au dossier, en particulier le procès-verbal circonstancié du conseil de discipline, la version de M. B... indiquant avoir trébuché apparaissant peu crédible. L'enquête diligentée à la suite de cet évènement, qui s'appuie sur des témoignages dont le caractère probant n'est pas sérieusement remis en cause par l'intimé, a révélé l'existence de relations professionnelles dégradées entre l'intéressé et ses collègues, le non-respect des consignes de service de travailler en binôme, en particulier les jours de marché, et un manque de distance à l'égard des administrés, s'agissant en particulier de l'application des consignes données en matière de verbalisation. Seuls les manquements qui sont reprochés à M. B... s'agissant d'un défaut récurrent de ponctualité et d'un manque de vigilance pendant le service et les patrouilles ne peuvent être regardés comme établis, compte tenu du manque de précision des témoignages produits, et alors que les évaluations professionnelles de l'intéressé n'en font aucunement état. Pour le reste, la matérialité des faits reprochés à M. B... est établie. Cependant, en dépit de la nature de ses fonctions et alors que l'incident survenu le 19 décembre 2019 présente un caractère isolé et que M. B... n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire, comme l'ont relevé les premiers juges, en lui infligeant une sanction du quatrième groupe, contre l'avis du conseil de discipline favorable à une sanction du troisième groupe, à savoir une exclusion temporaire de 18 mois dont 6 mois avec sursis, le maire a pris une sanction présentant un caractère disproportionné au regard des faits qui l'ont motivée.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montbrison n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de son maire du 29 avril 2020 portant mise à la retraite d'office de M. B....

Sur les conclusions à fin d'injonction de M. B... :

8. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles que les premiers juges ont déjà enjoint à la commune de Montbrison de prendre.

Sur l'appel incident :

9. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande, après l'expiration du délai d'appel, l'annulation de l'article 5 du dispositif du jugement en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de Montbrison l'a suspendu de ses fonctions et de l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le maire de Montbrison lui a supprimé le bénéfice de son régime indemnitaire pendant sa suspension. Ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal, et ne sont, par suite, pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de M. B..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montbrison le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Montbrison est rejetée.

Article 2 : La commune de Montbrison versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montbrison et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02420
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;21ly02420 ?
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