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30/11/2023 | FRANCE | N°21VE02729

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 30 novembre 2023, 21VE02729


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Générali Iard a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme totale de 39 517,50 euros en réparation des dommages subis par son assuré, M. A..., à la suite des inondations survenues dans la cave de l'habitation de celui-ci en octobre 2013, de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de mettre à la ch

arge du département d'Indre-et-Loire la somme de 4 000 euros en application de l'article L. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Générali Iard a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme totale de 39 517,50 euros en réparation des dommages subis par son assuré, M. A..., à la suite des inondations survenues dans la cave de l'habitation de celui-ci en octobre 2013, de condamner le département d'Indre-et-Loire à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1901548 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le département d'Indre-et-Loire à verser la somme totale de 25 884,63 euros à la société Générali Iard, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la société Général Iard et ainsi qu'à M. et Mme B... et a rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par le département d'Indre-et-Loire à l'encontre de M. et Mme B... et de mise à la charge des frais de l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2021, le département d'Indre-et-Loire, représenté par Me de Soto, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes indemnitaires formulées en première instance par la société Générali Iard ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner M. et Mme B... à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la société Générali Iard le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la canalisation écrasée présente sur le terrain de M. et Mme B... ne constitue pas une dépendance de la route départementale (RD) 56, dont l'entretien lui incombe dès lors, d'une part, que le fossé existant avant 2001 ne collectait pas exclusivement les eaux pluviales de cette route et qu'il était situé sur une propriété privée et, d'autre part, que le busage et l'installation d'une canalisation n'ont pas été autorisés et que leur entretien incombe aux propriétaires indivis des parcelles sur lesquelles ils sont édifiés ;

- le sinistre a été provoqué par l'écrasement de la canalisation en raison des travaux réalisés par M. et Mme B... sur leur propriété, sans que le département puisse en tout état de cause intervenir dès lors que celle-ci n'était pas visible ;

- la société Général Iard n'a versé que la somme de 21 373,72 euros à son assuré M. A..., de sorte que ses conclusions indemnitaires sont irrecevables pour le surplus ;

- le versement des frais d'expertise n'est pas justifié de même que ceux des frais de réhabilitation de la cour et de réparation de la pompe à chaleur ;

- il n'a pas abusivement résisté à ce que sa responsabilité soit mise en cause ;

- si sa responsabilité était confirmée, il sollicite la mise en cause et l'appel en garantie de M. et Mme B... dès lors que le sinistre est dû à l'écrasement de la canalisation par les travaux qu'ils ont effectués.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Gentilhomme, avocat, concluent à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire, au rejet des conclusions d'appel en garantie du département d'Indre-et-Loire et à ce que soit mise à la charge du département d'Indre-et-Loire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de l'appel en garantie formée à leur encontre et que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2022, la société Générali Iard, représentée par Me Wedrychowski, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du département d'Indre-et-Loire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me de Soto pour le département d'Indre-et-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. Il est constant que M. A... est propriétaire d'un terrain situé lieu-dit " Le Moulin de Grené " sur le territoire de la commune de Saunay. Le long du chemin d'accès, dont il est propriétaire indivis avec ses voisins M. et Mme B..., se situe une canalisation enterrée qui a remplacé un fossé à ciel ouvert, ainsi comblé et busé, destinée à recueillir les eaux pluviales. Cette canalisation débute au droit de la route départementale 56 et se prolonge jusqu'à un chemin rural en traversant également la propriété de M. et Mme B.... Le 14 octobre 2012, à la suite de violentes pluies, le sous-sol de l'habitation de M. A... a été inondé en raison du refoulement des eaux par une bouche de cette canalisation qui était partiellement écrasée et obstruée par un ballon. Par un jugement du 6 juillet 2021, dont le département d'Indre-et-Loire relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a condamné celui-ci à verser la somme totale de 25 884,63 euros à la société Générali Iard et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie présentées à l'encontre de M. et Mme B....

Sur la responsabilité du département d'Indre-et-Loire :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. Le maître de l'ouvrage ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure, sans pouvoir utilement invoquer le fait du tiers.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'il existait précédemment un fossé qui avait pour fonction l'évacuation des eaux pluviales provenant notamment de la route départementale 56 située au point le plus haut. A la suite d'une initiative privée, ce fossé a été busé. Il résulte de l'acte notarié de vente du 6 juillet 2007, que le terrain de M. et Mme B... est ainsi grevé d'une servitude en raison de la présence d'une " canalisation d'écoulement des eaux pluviales recueillies au niveau de la voie publique ". La chambre civile de la cour d'appel d'Orléans a ainsi confirmé par un arrêt du 28 mai 2019 que cette canalisation constituait une servitude d'utilité publique affectant l'utilisation du sol. Cette canalisation relie depuis son point le plus haut la route départementale 56 au chemin rural n°18 et permet l'évacuation des eaux pluviales de cette route départementale. Cette canalisation, accessoire nécessaire à la route, classée dans le domaine public départemental, présente ainsi le caractère d'un ouvrage public à l'égard duquel M. A... a la qualité de tiers. Par suite, si le département d'Indre-et-Loire fait valoir que cette canalisation a été construite par une personne privée sans autorisation, et que n'étant pas visible il ne pouvait l'entretenir, ces circonstances sont sans incidence sur sa qualité de propriétaire de celle-ci.

4. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise amiable du 21 juin 2013, que les dommages causés aux biens de M. A... à la suite des fortes pluies survenues le 14 octobre 2012 par le ruissellement d'eaux boueuses et l'inondation du sous-sol de son habitation ont été causés par le refoulement des eaux, dû à une obstruction par un ballon dégonflé d'une partie de la canalisation déformée et écrasée sur une longueur de 4 mètres. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la responsabilité du département d'Indre-et-Loire est engagée sans faute pour ces dommages présentant un caractère accidentel, dès lors qu'ils ne sont pas inhérents à l'existence ou au fonctionnement même de l'ouvrage. Le département d'Indre-et-Loire ne peut utilement se prévaloir de la faute qu'auraient commise M. et Mme B..., tiers à l'ouvrage, en effectuant leurs travaux pour se dégager de sa responsabilité. Il n'est enfin ni établi, ni même soutenu l'existence d'une faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

Sur la subrogation :

5. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. En outre, l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance.

6. La société Générali Iard apporte la preuve, d'une part, de la réalité du règlement de la somme de 21 372,72 euros à M. A... en réparation des dommages causés à son habitation et, d'autre part, de ce que l'indemnisation des dommages causés à cette habitation a été effectivement versée en exécution du contrat d'assurance de M. A.... Il s'ensuit que les premiers juges ont pu estimer que les conclusions indemnitaires de la société Générali Iard en qualité de subrogée dans les droits de son assuré en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, sont recevables à hauteur de cette seule somme.

Sur les préjudices :

7. La société Générali Iard justifie ainsi qu'il a été dit au point 6. du versement à M. A... de la somme de 21 372,72 euros en réparation des préjudices résultant de l'inondation qu'il a subie en raison du débordement accidentel de la canalisation dont le département d'Indre-et-Loire a la garde. Contrairement à ce que soutient le département, cette somme ne comprend ni les frais de réhabilitation de la cour, ni ceux de la réparation de la pompe à chaleur. Enfin, il résulte de l'instruction que la société Générali Iard a également versé 4 311, 91 euros de frais d'expertise nécessaire à la détermination des responsabilités et des préjudices. Le préjudice de la société Générali Iard s'élève ainsi à la somme totale de 25 684,63 euros.

Sur l'appel en garantie du département d'Indre-et-Loire :

8. Le département d'Indre-et-Loire appelle en garantie M. et Mme B..., dès lors que l'écrasement de la canalisation est manifestement dû aux travaux réalisés par ces derniers en 2010 ou en avril 2012.

9. Toutefois, il n'appartient pas au juge administratif de statuer sur une telle demande dirigée contre une personne privée. Les conclusions présentées sur ce point par le département d'Indre-et-Loire doivent dès lors être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le département d'Indre-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à indemniser la société Générali Iard et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie présentées à l'encontre de M. et Mme B....

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Générali Iard, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département d'Indre-et-Loire demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire une somme de 1 500 euros à verser à la société Générali Iard d'une part, et une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... d'autre part, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département d'Indre-et-Loire est rejetée.

Article 2 : Le département d'Indre-et-Loire versera une somme de 1 500 euros à la société Générali Iard et à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département d'Indre-et-Loire, à la société Générali Iard et à M. et Mme B....

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02729
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-07-01-04 Procédure. - Jugements. - Exécution des jugements. - Astreinte. - Liquidation de l'astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SCP WEDRYCHOWSKI & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;21ve02729 ?
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