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05/12/2023 | FRANCE | N°22DA02518

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 décembre 2023, 22DA02518


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Vexin Normand a refusé de lui octroyer un congé de longue maladie et a décidé son changement d'affectation, ensemble les décisions du 7 décembre 2020 portant rejet de ses recours administratifs, d'autre part, d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle le président de cette collectivité lui a

accordé un temps partiel thérapeutique de 50 % pour une durée de trois mois à compter du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Vexin Normand a refusé de lui octroyer un congé de longue maladie et a décidé son changement d'affectation, ensemble les décisions du 7 décembre 2020 portant rejet de ses recours administratifs, d'autre part, d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle le président de cette collectivité lui a accordé un temps partiel thérapeutique de 50 % pour une durée de trois mois à compter du 4 janvier 2021 et d'enjoindre à la communauté de communes du Vexin Normand de procéder au réexamen de sa situation et de régulariser sa situation administrative. Enfin, Mme B... a demandé au tribunal de mettre à la charge de la communauté de communes du Vexin Normand une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100095 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé la décision du 23 novembre 2020 du président de la communauté de communes du Vexin Normand portant changement d'affectation et refus de congé de longue maladie, d'autre part, enjoint à la collectivité de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois. Le tribunal a par ailleurs mis à la charge de la communauté de communes du Vexin Normand le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Enfin, il a rejeté les conclusions de la communauté de communes du Vexin Normand tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 décembre 2022 et le 23 juin 2023, la communauté de communes du Vexin Normand, représentée par Me Huon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, d'une part, en tant qu'il a annulé la décision du 23 novembre 2020 de son président refusant l'octroi d'un congé de longue maladie à Mme B... et portant changement d'affectation de l'intéressée, d'autre part, en tant qu'il lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois, en outre, en tant qu'il a mis à la charge de la collectivité la somme de 1 500 euros à verser Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions présentées en première instance et en appel par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B..., à verser à la communauté de communes du Vexin Normand, une somme globale de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant au titre de l'appel que de la première instance.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; pour annuler la décision du 23 novembre 2020 refusant à Mme B... l'octroi d'un congé de longue maladie, le tribunal a retenu un moyen qui n'était pas soulevé par la requérante ;

- c'est à tort que pour annuler cette décision, les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de l'insuffisance de motivation et à celui tiré de la méconnaissance des articles 9 et 24 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- la décision refusant d'octroyer un congé de longue maladie est suffisamment motivée en droit et en fait ; elle ne se borne pas à viser l'avis du comité médical départemental et celui-ci a été annexé à la décision de sorte que l'intéressée a été mise à même de comprendre les motifs du refus opposé à sa demande ;

- en retenant que le comité médical départemental ne pouvait rendre son avis sans que lui soit remis préalablement un rapport écrit du médecin de prévention, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; ils se sont fondés à tort sur les dispositions des articles 9 et 24

du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; s'agissant d'une demande d'octroi d'un congé de longue maladie, aucune autre disposition de ce décret n'impose la remise d'un tel rapport ;

- en tout état de cause, le médecin de prévention a été informé de la date de réunion du comité médical départemental et de la possibilité de présenter des observations, ce qui suffit à présumer de l'existence d'un rapport écrit ;

- en outre, le jugement est entaché d'erreur de fait quant à l'existence du rapport du médecin de prévention, laquelle est établie par l'avis rendu le 23 novembre 2022 par le comité médical départemental ;

- les conclusions dirigées contre la décision du 23 novembre 2020 portant changement d'affectation sont irrecevables dans la mesure où elle constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- à supposer que Mme B... soit recevable à la contester, c'est à tort que, pour l'annuler, les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, l'intéressée ayant été mise en mesure de solliciter en temps utile la communication de son dossier administratif ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2023, Mme C... B..., représentée par Me Enard-Bazire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Vexin Normand au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier ;

- la décision du 23 novembre 2020 prononçant son changement d'affectation, qui emporte une diminution de ses responsabilités et de son régime indemnitaire, ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ; elle est ainsi fondée à en demander l'annulation ;

- les moyens soulevés dans la requête d'appel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 août 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 2017-902 du 9 mai 2017 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Huon pour la communauté de communes du Vexin Normand.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., éducatrice principale de jeunes enfants, exerçait au sein de la communauté de communes du Vexin Normand, les fonctions de directrice de la crèche intercommunale " multi-accueil Capucine " depuis le 2 mai 2012. Le 7 mai 2020, elle a été placée en congé de maladie ordinaire jusqu'au 20 novembre 2020. Le 3 septembre suivant, elle a sollicité l'octroi d'un congé de longue maladie de six mois. Le comité médical départemental a émis un avis défavorable le 13 novembre 2020, à la suite duquel le président de la communauté de communes du Vexin Normand a refusé d'accorder le congé de longue maladie sollicité, par une décision du 23 novembre 2020. Par la même décision, le président de la communauté de communes du Vexin Normand a décidé de placer Mme B... en temps partiel thérapeutique pour trois mois à compter du 4 janvier 2021 et à partir de la même date, de l'affecter aux accueils collectifs de mineurs des primaires (A...) d'Etrépagny. Par un premier courrier du 30 novembre 2020, Mme B... a formé un recours gracieux auprès du premier vice-président de la communauté de communes du Vexin Normand et, par un second courrier du même jour, un recours hiérarchique auprès du président de cette collectivité, pour demander l'annulation de la décision prononçant son changement d'affectation. Par deux courriers datés du 7 décembre 2020, le président de la communauté de communes du Vexin Normand les a rejetés. Enfin, par un arrêté du 3 février 2021, le président de la communauté de communes du Vexin Normand a placé Mme B... en temps partiel thérapeutique de 50 % pour une durée de trois mois à compter du 4 janvier 2021. Par une requête, enregistrée sous le n° 2100095, Mme B... a notamment demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Vexin Normand a refusé de lui octroyer un congé de longue maladie et a décidé de la changer d'affectation, d'autre part, d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle le président de cette collectivité lui a " accordé " un temps partiel thérapeutique de 50 % pour une durée de trois mois à compter du 4 janvier 2021.

2. La communauté de communes du Vexin Normand relève appel du jugement du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Rouen, en tant que celui-ci, d'une part, a annulé la décision du 23 novembre 2020 de son président refusant l'octroi d'un congé de longue maladie à Mme B... et portant changement d'affectation de l'intéressée, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois. La collectivité demande également l'annulation de ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et qu'il a rejeté ses conclusions tendant au bénéfice de cet article.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des écritures de première instance de Mme B..., et en particulier de sa requête d'introductive d'instance, que la requérante soutenait, à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987, qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de prévention ait été informé de la séance du comité médical du 13 novembre 2020 et qu'il ait été en mesure de produire un rapport ".

4. Compte tenu de l'invocation des dispositions de l'article 9 précité qui envisagent aussi bien les cas où le rapport écrit du médecin de prévention est facultatif qu'obligatoire, c'est à bon droit que les premiers juges ont regardé Mme B... comme soutenant que le médecin du service de médecine de prévention n'avait pas remis un rapport écrit au comité médical. Par suite, la communauté de communes du Vexin Normand ne saurait reprocher au tribunal d'avoir répondu à un moyen qui n'était pas soulevé par la requérante.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions d'annulation de la décision du 23 novembre 2020 refusant d'accorder un congé de longue maladie :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable à la situation de Mme B... : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 24, 33 et 37-7 ci-dessous. / L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. ". Aux termes de l'article 24 de ce décret : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier. ". En outre, aux termes de l'article 33 du même décret : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative. / Le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. / Si l'intéressé bénéficie d'un aménagement des conditions de son travail, le comité médical, après avis du service de médecine préventive, est appelé de nouveau, à l'expiration de périodes successives d'une durée comprise entre trois et six mois, à formuler des recommandations auprès de l'autorité territoriale sur l'opportunité du maintien ou de la modification de ces aménagements. / (...) ".

6. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 précitées que la remise d'un rapport écrit du médecin du service de médecine de prévention n'est obligatoire que dans les cas limitativement énumérés aux articles 24, 33 et 37-7 de ce décret. Or, il est constant que l'avis du comité médical départemental a été sollicité pour l'octroi d'un congé de longue maladie initial à Mme B.... Par suite, ni les dispositions de l'article 33, ni celles de

l'article 37-7, ces dernières étant afférentes à une demande de reconnaissance d'imputabilité au service, ne sont susceptibles de s'appliquer à la situation de Mme B.... En outre, il résulte des pièces du dossier que la demande d'octroi du congé de longue maladie résulte de l'initiative de Mme B... et non de celle de la collectivité alors que la situation régie par les dispositions de l'article 24 cité ci-dessus, correspond exclusivement au cas où l'administration sollicite l'avis du comité médical pour placer d'office un agent en position de congé de longue maladie. Par suite, les premiers juges ne pouvaient, comme ils l'ont fait, se fonder sur les dispositions de l'article 24 pour retenir que l'absence de remise d'un rapport écrit du médecin du service de médecine de prévention au comité médical départemental, rendait la procédure irrégulière.

7. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 9 citées précédemment, que chaque fois que le cas d'un agent est soumis au comité médical départemental, le médecin du service de médecine de prévention doit être informé de la date de la réunion et de son objet et qu'il a la faculté de présenter des observations écrites ou d'assister à titre consultatif à la réunion. Il ressort des pièces du dossier que, par un courriel en date du 28 octobre 2020, le secrétariat du comité médical départemental de l'Eure a communiqué au service de médecine de prévention la liste des dossiers devant être examinés lors de la séance du 13 novembre suivant, sur laquelle figurait le nom de Mme B.... Il ressort également des pièces du dossier que le médecin de prévention a convoqué Mme B... à une visite médicale le 9 novembre. Dans ces conditions, le médecin du service de médecine de prévention a nécessairement été informé en temps utile de la tenue de la séance du comité médical départemental et doit être regardé comme ayant été mis à même de remettre, s'il le jugeait utile, un rapport écrit au comité médical départemental. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du comité médical départemental doit être écarté et la communauté de communes du Vexin Normand est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que pour annuler sa décision du 23 novembre 2020, le tribunal a retenu que la remise d'un tel rapport était obligatoire et qu'en son absence, Mme B... avait été privée d'une garantie.

8. En second lieu, pour annuler le refus opposé le 23 novembre 2020 à la demande de congé de longue maladie de Mme B..., le tribunal a également accueilli le moyen tiré du défaut de motivation, tant en droit qu'en fait, de cette décision.

9. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le refus d'un congé de longue maladie est au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, et qui doivent être motivées.

10. Il ressort des énonciations de la décision contestée, que pour justifier son refus d'accorder à Mme B... un congé de longue maladie, le président de la communauté de communes du Vexin Normand s'est borné à indiquer que le comité médical départemental s'est réuni le 13 novembre pour statuer sur son dossier médical et qu'il est au regret de l'informer que ce comité a émis un avis défavorable pour l'octroi du congé demandé. S'il n'est certes pas contesté que l'avis rendu par le comité médical départemental était joint à la décision, cet avis, qui ne fait référence à aucune disposition législative ou réglementaire, mentionne uniquement qu'il n'y a pas matière à congé de longue maladie. Contrairement à ce que soutient la collectivité appelante, un tel avis, laconique, ne saurait être regardé comme permettant à Mme B... de connaître les motifs de droit et de fait justifiant qu'elle ne remplissait pas les conditions requises pour l'octroi d'un congé de longue maladie. Dans ces conditions, la communauté de communes du Vexin Normand n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision.

11. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 23 novembre 2020 refusant à Mme B... un congé de longue maladie.

Sur les conclusions d'annulation de la décision du 23 novembre 2020 prononçant le changement d'affectation de Mme B... :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes du Vexin Normand :

12. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

13. Aux termes de l'article 1er du décret du 9 mai 2017 portant statut particulier du cadre d'emplois des éducateurs territoriaux de jeunes enfants : " Les éducateurs territoriaux de jeunes enfants constituent un cadre d'emplois social de catégorie A au sens de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. / Ce cadre d'emplois comprend les grades d'éducateur de jeunes enfants et d'éducateur de jeunes enfants de classe exceptionnelle. / Le grade d'éducateur de jeunes enfants comprend deux classes : la seconde classe et la première classe. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Les éducateurs de jeunes enfants sont des fonctionnaires qualifiés chargés de mener des actions qui contribuent à l'éveil et au développement global des enfants d'âge préscolaire. / Les éducateurs de jeunes enfants ont pour mission, en liaison avec les autres personnels éducatifs et sociaux ainsi que les travailleurs sociaux, avec l'équipe soignante et avec les familles, et dans le respect de la personne et de ses droits, de favoriser le développement et l'épanouissement des enfants âgés de six ans au plus qui se trouvent hors de leur famille ou qui sont confiés à un établissement ou à un service de protection de l'enfance. Ils concourent à leur socialisation, en vue notamment de les préparer à la vie scolaire et au retour dans leur famille. / Les éducateurs de jeunes enfants peuvent coordonner des équipes et contribuent à la conception et à la mise en œuvre de projets au sein de la structure qui les emploie. Ils contribuent à la conception et à la mise en œuvre d'actions de partenariat avec des intervenants et des structures en lien avec leur champ d'exercice. / Ils peuvent également exercer des fonctions de direction au sein d'un établissement ou service d'accueil des enfants de moins de six ans dans les conditions fixées par

les articles R. 2324-33 et suivants du code de la santé publique. "

14. Il ressort de la fiche de poste correspondant à la nouvelle affectation de Mme B..., que les missions d'animatrice aux accueils collectifs de mineurs (A...) consistent à organiser, sous l'autorité du responsable de l'équipement où elle est affectée, des activités sportives, culturelles et ludiques à destination d'enfants des écoles maternelles et élémentaires en accueil de loisirs ou en accueil périscolaire ainsi qu'à mettre en œuvre le projet pédagogique et éducatif. Par comparaison, il ressort de la fiche de poste correspondant aux fonctions de directrice du centre multi-accueil " Capucine ", que les missions principales de ce poste consistaient notamment à organiser le fonctionnement de la structure, à coordonner la mise en pratique du projet d'établissement et assurer l'application du règlement, à animer et encadrer l'équipe pluridisciplinaire de même qu'à assurer le suivi technique de la structure aussi bien sur le plan administratif que financier, matériel et des ressources humaines. Si les nouvelles missions d'animation qui sont confiées à Mme B..., participant de l'éveil et de l'éducation d'un public d'enfants d'âge préscolaire, ne portent aucune atteinte à ses droits et prérogatives statutaires et font partie des tâches qui peuvent être confiées aux éducateurs territoriaux de jeunes enfants, il n'en découle pas moins pour l'intéressée une perte significative de responsabilités dès lors que ses fonctions de directrice impliquaient le management d'un service et l'encadrement d'une équipe permanente composée de quinze agents. En outre, ce changement de fonctions s'accompagne de la perte définitive de la nouvelle bonification indiciaire de quinze points, dont elle n'avait été privée que de façon temporaire durant son placement en congé de maladie ordinaire. Par suite, quand bien même ce changement d'affectation n'avait, selon la collectivité, qu'un caractère provisoire de trois mois, il emporte une perte de responsabilités et de rémunération. Compte tenu de ses effets sur la situation professionnelle de Mme B..., c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'il ne pouvait être regardé comme une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours et ont écarté la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes du Vexin Normand.

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif de Rouen :

15. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".

16. En vertu de ces dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l'agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.

17. Pour annuler la décision du 23 novembre 2020 ayant décidé l'affectation d'office de Mme B... aux A... des primaires d'Etrépagny, le tribunal a retenu que l'intéressée n'avait pas été informée, préalablement à cette décision, de l'intention du président de la communauté de communes de prononcer son changement d'affectation, ni mise à même de consulter son dossier.

18. D'une part, compte tenu des termes mêmes du courrier du 23 novembre 2020, qui indique à l'intéressée qu'elle sera affectée aux A... des primaires d'Etrépagny à compter du 4 janvier 2021, le président de la collectivité ne saurait être regardé comme ayant simplement entendu, à travers cette lettre, informer Mme B... de son intention de procéder, à l'avenir, à son changement d'affectation. Par conséquent, la collectivité appelante ne saurait utilement invoquer la circonstance qu'avant l'intervention de l'arrêté du 3 février 2021, qui au demeurant ne faisait que confirmer l'affectation aux A... des primaires d'Etrépagny tout en précisant qu'elle s'effectuerait à temps partiel thérapeutique de 50 %, Mme B... a pu demander à consulter son dossier le 11 janvier 2021, ce qu'elle a effectivement fait le 29 janvier. Pour le même motif, la communauté de communes ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle a reçu son agent en entretien le 17 décembre 2020 pour une présentation de sa nouvelle affectation.

19. D'autre part, comme l'ont justement relevé les premiers juges, si Mme B... a sollicité la communication de son dossier médical dès le 24 juillet 2020, cette circonstance, liée à sa demande de congé de longue maladie, ne saurait lui être opposée s'agissant de la possibilité de consulter son entier dossier administratif, qui constitue un document distinct. De la même manière, si, à sa demande, Mme B... a été reçue par sa hiérarchie le 22 octobre 2020 dans la perspective de sa reprise de fonctions au terme de son congé de maladie ordinaire, en l'absence de tout

compte-rendu de cet entretien, la collectivité n'établit pas, comme il lui appartient de le faire, qu'elle aurait dès ce moment informé Mme B... de son intention de la changer d'affectation, soit avant que n'intervienne la décision prise le 23 novembre suivant.

20. Il découle de l'ensemble de ces éléments de fait que Mme B... n'ayant pas été informée de l'intention de son employeur de lui donner une nouvelle affectation dans l'intérêt du service, elle n'a pas a été mise à même de demander la communication de son dossier et de faire connaître ses observations en temps utile avant l'intervention de la décision attaquée. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, les premiers juges ont annulé la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes du Vexin Normand a prononcé le changement d'affectation de Mme B....

21. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du Vexin Normand n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé sa décision du 23 novembre 2020 portant changement d'affectation de Mme B... et refusant de lui accorder un congé de longue maladie, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'agent dans un délai de deux mois. Compte tenu

du bien-fondé de cette annulation, l'appelante n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté ses conclusions tendant au bénéfice de cet article.

22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la requête de la communauté de communes du Vexin Normand doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la communauté de communes du Vexin Normand au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... sur ce même fondement et de mettre à la charge de la collectivité, une somme de 2 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes du Vexin Normand est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes du Vexin Normand présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La communauté de communes du Vexin Normand versera la somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Vexin Normand et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience publique du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 22DA02518 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02518
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL EBC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;22da02518 ?
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