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12/12/2023 | FRANCE | N°21BX04542

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 12 décembre 2023, 21BX04542


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Lasseube à lui verser la somme de 1 172 500 euros en réparation des préjudices que sa famille et lui-même estiment avoir subis en raison des fautes commises par cette collectivité et de condamner la commune de Lasseube, ou son organisme d'assurance, à lui verser les sommes dues au titre de ses frais médicaux à compter du mois de décembre 2019.





Par un jugeme

nt n° 1902487 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir pris acte du désistement de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Lasseube à lui verser la somme de 1 172 500 euros en réparation des préjudices que sa famille et lui-même estiment avoir subis en raison des fautes commises par cette collectivité et de condamner la commune de Lasseube, ou son organisme d'assurance, à lui verser les sommes dues au titre de ses frais médicaux à compter du mois de décembre 2019.

Par un jugement n° 1902487 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir pris acte du désistement de M. B... de ses conclusions tendant au paiement de ses frais médicaux, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 et 22 décembre 2021 et le 1er janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Lagarde, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 26 novembre 2021 précité ;

2°) de condamner la commune de Lasseube à lui verser la somme de 1 172 500 euros en réparation des préjudices subis et d'ordonner ci-besoin une expertise ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lasseube une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est demandé à la cour, en application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative de demander à la commune de Lasseube de produire tout document relatif à la porte qui a causé son accident reconnu imputable au service ;

- la commune de Lasseube a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ; les pouvoirs de police que détient le maire au titre de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, la conservation et de l'administration de la mairie ont été méconnus dès lors que la porte battante ne répondait pas aux normes requises pour assurer la sécurité et la santé des agents ;

- le maire est responsable des dommages causés par un ouvrage public à ses agents dont la garantie de sécurité doit être assurée, en l'espèce la porte battante ayant été défectueuse, la faute de la commune est caractérisée ; l'arrêté du 21 décembre 1993 relatif aux partes automatiques et semi automatiques a été méconnu ;

- sa pension d'invalidité ne lui garantit pas des conditions matérielles d'existence suffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2022, la commune de Lasseube, représentée par Me Leplat, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle ne remplit pas les conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative à défaut de précision suffisante de ses demandes concernant notamment la demande d'expertise laissée à l'appréciation du tribunal, d'autre part, en raison de l'absence de chiffrage du préjudice ; par ailleurs, elle ne répond pas aux conditions posées par l'article R. 414-3 du même code à défaut de numérotation des pièces ;

- subsidiairement, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouget se substituant à Me Leplat, représentant la commune de Lasseube.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., adjoint technique principal de deuxième classe, responsable du service technique de la commune de Lasseube depuis le 1er janvier 2013, a été victime le 2 juillet 2013 d'un accident dans les locaux de la mairie. La commission de réforme, réunie le 16 février 2017, a émis un avis favorable à l'imputabilité au service de cet accident, et a considéré que l'intéressé présentait une inaptitude totale et définitive à l'exercice de ses fonctions. Par une décision du 11 mai 2017, le maire de Lasseube a reconnu cet accident imputable au service. Après des recherches de reclassement demeurées infructueuses, par une décision du 29 janvier 2018, cette même autorité a admis M. B... à la retraite pour invalidité à compter du 8 février 2018. M. B... a demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation de la commune de Lasseube, d'une part, à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis ainsi que son épouse et ses enfants du fait des fautes commises par la collectivité, d'autre part, à procéder au paiement des frais médicaux, postérieurs à la consolidation de son état de santé et consécutifs à son accident de service, exposés à compter du mois de décembre 2019. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou atteints de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

3. En premier lieu, si la décision du 11 mai 2017 portant reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident a créé des droits au profit de M. B..., ce dernier ne peut utilement soutenir qu'il tire de cette décision un droit acquis à être indemnisé de ses préjudices.

4. En deuxième lieu, l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires garantit aux fonctionnaires " des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique (...) durant leur travail ". Selon l'article 2-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". L'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 indique que les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont, sauf dérogation par décret en Conseil d'Etat, celles prévues aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application. Et l'article L. 4121-1 du code du travail dispose que : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985.

5. M. B..., responsable des services techniques de la commune de Lasseube, soutient que, le 2 juillet 2013, il s'est coincé une jambe dans une porte battante dans les locaux de la mairie, qui a par la suite été supprimée, et qu'il en résulte que cette porte ne répondait nécessairement pas aux normes requises pour assurer la sécurité et la santé physique des agents communaux, en méconnaissance des obligations fixées aux autorités administratives par les dispositions des articles rappelés au point précédent. Toutefois, en se bornant à alléguer que cette porte battante artisanale ne comportait pas de système de freinage lequel n'est prescrit pas aucun texte, il n'établit pas que la commune de Lasseube aurait commis une faute. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, ni l'accident dont il a été victime, ni aucun autre élément du dossier ne permet d'établir que la porte en cause n'aurait pas été correctement entretenue et vérifiée par la commune de Lasseube, les pièces produites à l'instance permettant aux juges de former leur conviction sans avoir sollicité d'autres pièces.

6. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'arrêté du 21 décembre 1993 relatif aux portes automatiques et semi automatiques lesquelles ne sont en tout état de cause pas applicables aux portes battantes qui ne présentent aucune forme d'automaticité.

7. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, dès lors, en tout état de cause, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation de la porte qui serait à l'origine de l'accident subi par le requérant relèverait de ses pouvoirs de police au sens des dispositions précitées.

8. En dernier lieu, si M. B... fait valoir qu'il devrait, même en l'absence de faute de la commune de Lasseube, être indemnisé au titre de son préjudice financier dès lors que sa pension d'invalidité " ne lui garantit pas des conditions matérielles d'existence suffisantes ", en produisant en appel ses avis d'imposition de 2015 à 2021, il n'établit pas plus qu'en première instance la réalité et l'étendue du préjudice qu'il invoque.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense devant le tribunal ni d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Lasseube, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant sur ce fondement. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lasseube en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Lasseube une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Lasseube.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04542
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : LAGARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;21bx04542 ?
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