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13/12/2023 | FRANCE | N°22PA04894

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 13 décembre 2023, 22PA04894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger perçue entre août 2015 et août 2018, d'enjoindre à la ministre des armées de régulariser ses droits au titre de la revalorisation de son indemnité de résidence à l'étranger du 27 juillet 2015 au 24 octobre 2018 en application du taux du tableau n° 1

de l'arrêté ministériel du 1er octobre 1997 pris en application du décret n° 97-900 du 1er oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger perçue entre août 2015 et août 2018, d'enjoindre à la ministre des armées de régulariser ses droits au titre de la revalorisation de son indemnité de résidence à l'étranger du 27 juillet 2015 au 24 octobre 2018 en application du taux du tableau n° 1 de l'arrêté ministériel du 1er octobre 1997 pris en application du décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger pour un montant de 179 342,75 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2019, d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'indemnité de résidence à l'étranger au taux prévu par le tableau n° 1 de l'arrêté ministériel du 1er octobre 1997 dans le cadre de son affectation au Vietnam et d'enjoindre à la ministre des armées de régulariser ses droits au titre de la revalorisation de son indemnité de résidence à l'étranger du 22 septembre 2019 au 15 octobre 2020, en application du taux du tableau n° 1 de l'arrêté ministériel du 1er octobre 1997 pris en application du décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger pour un montant de 73 347,62 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2020.

Par un jugement nos 2011775/6-3 et 2014207/6-3 du 6 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. A... représenté par Me Aïda Moumni demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2011775/6-3 et 2014207/6-3 du 6 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 8 juin 2020 de la ministre des armées ;

3°) d'annuler la décision du 29 juin 2020 de la ministre des armées ;

4°) en application du taux du tableau n° 1 de l'arrêté ministériel du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger, d'enjoindre à la ministre des armées de régulariser ses droits au titre de la revalorisation de son indemnité de résidence à l'étranger : pour la période du 27 juillet 2015 au 24 octobre 2018 pour un montant de 179 342,75 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2019 et, pour la période du 22 septembre 2019 au 15 octobre 2020 pour un montant de 73 347,62 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2020 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- elles sont illégales en raison de l'illégalité entachant l'arrêté du 1er octobre 1997 qui en est la base légale, lequel emporte une rupture d'égalité ainsi qu'une disproportion de traitement ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique.

Par une ordonnance du 31 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2023 à 12 heures.

Un mémoire du ministre des armées a été enregistré le 24 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 92-1483 du 31 décembre 1992 ;

- le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ;

- l'arrêté du 1er octobre 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Clavier, substituant Me Moumni, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., entré au service de l'armée de terre le 1er septembre 1984 et promu au grade de colonel le 1er janvier 2011, a été affecté du 27 juillet 2015 au 21 août 2018 en qualité de concepteur d'emploi au sein du centre de guerre interarmées de l'OTAN situé à Stavanger (Norvège) où il a bénéficié de l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) au taux prévu pour son grade au titre d'un classement au tableau n° 2 annexé à l'arrêté du 1er octobre 1997 concernant les personnels autres que les attachés de défense et assimilés. Du 22 septembre 2019 au 1er septembre 2020, il a été affecté à l'ambassade de France à Hanoï (Vietnam) en qualité d'expert de haut niveau au sein de la direction de la coopération de sécurité et de la défense et y a bénéficié de l'indemnité de résidence calculée au même taux que lors de son affectation en Norvège. Par courriers des 11 septembre 2019 et 16 janvier 2020, il a contesté le taux appliqué et revendiqué celui du tableau n° 1, a réclamé le paiement de l'IRE sur la base de ce taux, avec effet rétroactif. En l'absence de réponse à ses demandes, il a saisi la commission des recours des militaires de recours contre les décisions implicites par lesquelles la ministre des armées a rejeté ses demandes. Ses recours ont été rejetés par décisions des 8 et 29 juin 2020 par la ministre des armées. M. A... relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux décisions.

2. En premier lieu, les décisions attaquées visent notamment le code de la défense, le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 dont les articles 1, 2 et 5 sont cités et l'arrêté du 1er octobre 1997 dont l'article 3 est également intégralement cité. Elles indiquent également que le requérant, au titre de son affectation à l'étranger, pouvait bénéficier de l'IRE conformément aux dispositions de l'article 5 du décret mais que, n'occupant aucune des fonctions mentionnées au 1er alinéa de l'article 3 de l'arrêté, en application de cet article, il ne pouvait dès lors bénéficier que du taux de l'IRE prévu au tableau n° 2. Elles sont ainsi suffisamment motivées en droit et en fait.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4123-1 du code de la défense : " Les militaires ont droit à une rémunération comportant notamment la solde dont le montant est fixé en fonction soit du grade, de l'échelon et de la qualification ou des titres détenus, soit de l'emploi auquel ils ont été nommés. Il peut y être ajouté des prestations en nature. (...) A la solde des militaires s'ajoutent l'indemnité de résidence et, le cas échéant, les suppléments pour charges de famille. (...). ". Aux termes du 1er alinéa de l'article 1er du décret du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger : " Le présent décret fixe les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger dans les conditions déterminées par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé du budget, du ministre de la défense et du ministre chargé de la fonction publique. ". En vertu de l'article 2 du même texte : " Les émoluments des militaires visés par le présent décret comprennent limitativement : 1° au titre de la rémunération principale : - la solde de base ; - l'indemnité de résidence à l'étranger dans le sens de l'article L. 4123-1 du code de la défense (...) ". Selon son article 5 : " L'attribution de l'indemnité de résidence à l'étranger est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence. / Les montants annuels de l'indemnité de résidence à l'étranger sont prévus, pour chaque pays et par groupe, par l'arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé du budget (...) ". Il résulte des termes de l'article 3 de l'arrêté du 1er octobre 1997 pris pour l'application de ces dispositions, dans ses versions successives applicables aux périodes en litige que, jusqu'au 30 avril 2020, les militaires ont été classés comme suit : " a) Les attachés de défense, attachés militaires spécialisés subordonnés à l'attaché de défense et leurs adjoints, les militaires affectés à la délégation française auprès du Conseil de l'Atlantique Nord ou à la cellule de planification de l'Union de l'Europe occidentale, ainsi que les militaires relevant de la direction générale de la sécurité extérieure (...) " classés conformément au tableau n° 1 annexé et : " b) Les autres personnels militaires (...) " classés conformément au tableau n° 2 ; à compter du 30 avril 2020, comme suit : " a) Les militaires affectés au sein des missions de défense au sein des représentations permanentes de la France auprès des organisations internationales, à la présidence et au cabinet de la présidence des comités militaires de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord et de l'Union européenne, ainsi que le commandant suprême allié " transformation (...) " classés conformément au tableau n° 1 et : " b) Les autres personnels militaires " classés conformément au tableau n° 2. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 31 décembre 1992 relatif à l'organisation de la représentation du ministre de la défense au sein des missions diplomatiques françaises à l'étranger : " Chaque mission de défense est dirigée par un officier, issu d'une des trois armées, d'un des services de soutien interarmées ou d'un des corps de l'armement, nommé par décret sur proposition du ministre de la défense et après agrément du ministre des affaires étrangères. / Cet officier porte le titre d'attaché de défense et assure la représentation du ministère de la défense et de ses différentes autorités dans le ou les États relevant de sa compétence. " L'article 5 de ce décret dispose que : " L'attaché de défense peut être assisté d'attachés de défense adjoints qui lui sont subordonnés.(...) ".

4. M. A... soutient que les décisions attaquées sont illégales en raison de l'illégalité entachant l'arrêté du 1er octobre 1997 en tant que les fonctions qu'il a successivement exercées de concepteur d'emploi au sein du centre de guerre interarmées de l'OTAN situé à Stavanger (Norvège), puis d'expert de haut niveau au sein de la direction de la coopération de sécurité et de la défense à Hanoï (Vietnam), aussi importantes que celles d'un attaché de défense -a fortiori d'un adjoint d'un tel attaché- n'ont pas été retenues dans la liste des bénéficiaires de l'indemnité de résidence à l'étranger au titre du tableau n° 1 dont il revendique le bénéfice. Il se prévaut, tant d'une disproportion manifeste créée par cet arrêté que de l'atteinte portée par ce texte au principe d'égalité.

5. Le principe d'égalité ne s'oppose toutefois pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. La différence de situation visée par la mesure introduisant la différence de traitement doit être objective et rationnelle, suffisamment caractérisée pour justifier la différence de traitement.

6. Il ressort des dispositions de l'article 3 du décret du 31 décembre 1992 qu'un attaché de défense -ainsi que, le cas échéant, son adjoint qui l'assiste,- exerce concomitamment des missions dans les grands domaines de la défense, des missions de représentation et également, en tant que conseiller militaire de l'ambassadeur et auprès du ministère des armées, des fonctions réclamant une haute expérience technique ainsi que des compétences politiques. M. A... soutient qu'il doit être regardé comme ayant exercé, au cours de ses deux affectations des fonctions équivalentes à celles d'attaché de défense ou, à tout le moins à celles d'adjoint d'un attaché de défense, et revendique un traitement similaire à ces derniers s'agissant de la détermination de l'IRE au regard des conditions d'exercice des fonctions respectives et celles, locales, d'existence.

7. D'une part, il ressort des pièces versées au dossier qu'en qualité de représentant national français au sein du centre de guerre interarmées de l'OTAN de Stavanger en Norvège, le requérant a dirigé une trentaine de militaires français ainsi que l'une des divisions opérationnelles du centre, composée de quarante-cinq officiers supérieurs des dix-neuf nations représentées. Il représentait la France auprès des institutions ainsi que dans le cadre d'échanges avec les représentants des autres nations. Pour importantes qu'aient été de telles fonctions de direction et d'encadrement revêtant également un caractère stratégique, celles-ci n'étaient toutefois pas assimilables, ainsi que le tribunal l'a relevé, à celles, plus larges et multidimensionnelles, exercées par un attaché de défense, également tournées vers la relation bilatérale dans tous ses aspects, ainsi que vers la promotion de la politique de défense et de l'industrie de l'armement nationales, impliquant également la réalisation d'opérations pour le ministère de la défense en matière de recueil d'informations ou encore, le cas échéant, l'exécution de missions opérationnelles. Eu égard à la nature particulière des tâches accomplies par les attachés de défense et leurs adjoints ainsi qu'aux caractéristiques inhérentes à celles-ci, aux responsabilités ou de la technicité spécifiques de ces fonctions et aux charges afférentes, les différences de modalités de calcul de l'IRE entre ces derniers et le poste occupé par M. A... en Norvège se justifient ainsi par les différences de leurs situations respectives, sans que soient opposables les conditions d'exercice des fonctions, ni celles locales d'existence à Stavanger par rapport à celles de l'attaché de défense à Oslo en l'absence d'éléments au dossier révélant des différences suffisamment caractérisées de nature à justifier une compensation.

8. D'autre part, s'agissant des fonctions exercées dans un second temps par M. A... au Vietnam, il ressort des pièces du dossier que celui-ci était chargé, à Hanoï, d'une mission de conseil et d'expertise en qualité de coopérant auprès des autorités militaires locales, notamment en vue de renforcer leurs capacités à participer à des opérations de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU et de l'Union européenne. Si le requérant se prévaut de ce que ce poste était rattaché à la fois à l'ambassade française et à la délégation de l'Union européenne et qu'il était amené à exercer des activités d'influence à caractère diplomatiques, les fonctions ainsi exercées consistant principalement dans l'apport d'une expertise ainsi qu'en la mise en œuvre d'une coopération ne sauraient être regardées comme équivalentes à celle d'un attaché de défense et plus généralement, au sens de l'article 3 précité de l'arrêté du 1er octobre 1997 dans sa rédaction postérieure au 30 avril 2020, à celles des militaires affectés au sein des missions de défense dans une ambassade ou des représentations permanentes de la France auprès des organisations internationales.

9. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de l'arrêté invoquée à l'appui des conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées doit être écartée et que c'est par suite sans erreur de droit ni de qualification juridique que la ministre des armées a refusé de faire droit aux demandes de l'intéressé. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04894
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;22pa04894 ?
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