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15/12/2023 | FRANCE | N°22DA01021

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 décembre 2023, 22DA01021


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... et T... O..., Mme A... I..., Mme V... AG..., Mme G... N..., M. AD... AF..., M. X... U..., M. F... J..., M. S... Q..., M. B... K..., M. P... L..., M. Z... W..., M. AE... E..., M. AH... M..., M. H... M..., M. Y... AB..., M. R... AC... et M. D... AA... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération n° D-263/12-20 du 15 décembre 2020 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " en tant qu'elle fixe les tarifs

pour 2021 des redevances pour le fonctionnement du service d'assainissement non ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... et T... O..., Mme A... I..., Mme V... AG..., Mme G... N..., M. AD... AF..., M. X... U..., M. F... J..., M. S... Q..., M. B... K..., M. P... L..., M. Z... W..., M. AE... E..., M. AH... M..., M. H... M..., M. Y... AB..., M. R... AC... et M. D... AA... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération n° D-263/12-20 du 15 décembre 2020 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " en tant qu'elle fixe les tarifs pour 2021 des redevances pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et pour l'entretien des installations conventionnées.

Par un jugement n° 2100514 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 mai 2022, 7 octobre 2022, 14 septembre 2023 et 4 octobre 2023, M. et Mme C... et T... O..., Mme A... I..., Mme V... AG..., Mme G... N..., M. AD... AF..., M. X... U..., M. F... J..., M. S... Q..., M. B... K..., M. P... L..., M. Z... W..., M. AE... E..., M. AH... M..., M. H... M..., M. Y... AB..., M. R... AC... et M. D... AA..., représentés par Me Isabelle Enard-Bazire, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération D-263/12-20 du 15 décembre 2020 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de plume ainsi que de plusieurs erreurs d'interprétation des écritures qu'ils ont produites en première instance ;

- les élus au conseil communautaire n'étaient pas correctement informés lorsqu'ils ont adopté la délibération litigieuse dès lors qu'ils n'ont pas eu connaissance de la contestation devant le tribunal administratif de leur précédente délibération fixant pour 2020 les tarifs de la redevance pour le service d'assainissement non collectif ; à cet égard, en méconnaissance de la délégation lui étant accordée, le président de l'intercommunalité n'a rendu compte des actions engagées dans ce cadre à aucune réunion du conseil communautaire ; le défaut de communication de cette information est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la délibération prise et a privé les élus communautaires d'une garantie ;

- les tarifs des redevances pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et pour l'entretien des installations conventionnées, fixés par la délibération du 15 décembre 2020, sont discriminatoires dès lors que sept communes membres de la communauté d'agglomération bénéficient de tarifs inférieurs aux 41 autres communes membres ; cette discrimination n'est justifiée ni par une différence de situation des usagers par rapport aux conditions d'exploitation du service, ni par aucune nécessité d'intérêt général ; en particulier, les tarifs minorés dont bénéficient les sept communes de l'ancienne communauté de communes " Cœur de Caux " ne correspondent pas à ceux qui leur étaient antérieurement applicables ; la délibération méconnaît de ce fait les articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel n° 1 à cette convention et les articles 1er et 2 de la loi du 27 mai 2008 ;

- le tarif de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif est disproportionné compte tenu de ce que la fréquence du contrôle des installations est seulement décennale, de la durée moyenne des interventions, des tarifs des prestations effectivement facturés à la communauté d'agglomération par son prestataire extérieur, de ceux pratiqués par la métropole de Rouen et du nombre des contrôles effectués entre 2019 et 2021 ; il est sans rapport avec le coût réel du service, ce dont l'important excédent budgétaire constaté au 31 décembre 2018 est révélateur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 septembre 2022 et 7 mars 2023, la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ", représentée par Me B... Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. et Mme O... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.

Par une lettre du 5 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période au cours de laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience et que l'instruction pourrait être close à partir du 20 octobre 2023 sans information préalable.

Une ordonnance portant clôture de l'instruction immédiate a été prise le 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- l'arrêté du 27 avril 2012 relatif aux modalités de l'exécution de la mission de contrôle des installations d'assainissement non collectif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jean Richardeau, représentant la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ".

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " exerce la compétence " assainissement des eaux usées " et assure, à ce titre, le contrôle des installations d'assainissement non collectif. Par une délibération n° D-263/12-20 du 15 décembre 2020, le conseil communautaire a fixé, notamment, les tarifs pour l'année 2021 de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et de la redevance pour l'entretien des installations conventionnées. M. et Mme O... et autres, qui résident au lieu-dit " Les Yaux " dans la commune de Rives-en-Seine et relèvent tous du service d'assainissement non collectif de la communauté d'agglomération, relèvent appel du jugement n° 2100514 du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la délibération du 15 décembre 2020 en tant qu'elle fixe les tarifs précités.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les erreurs, que les appelants qualifient eux-mêmes d'" erreurs de plume ", n'ont exercé aucune influence sur le sens du jugement attaqué et ne peuvent être regardées ni comme entachant sa motivation d'insuffisance, ni comme nuisant à sa compréhension. Par ailleurs, les " interprétations erronées du tribunal concernant les écritures de première instance " invoquées par les appelants se rapportent toutes au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Il n'est en particulier pas contesté que les premiers juges ont correctement qualifié les conclusions et moyens dont ils étaient saisis et qu'ils n'ont omis de répondre à aucun d'entre eux. Dans ces conditions, à supposer même que les appelants aient entendu contester la régularité du jugement attaqué pour ces motifs, leurs moyens doivent être en tout état de cause écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales : " (...) / III.- Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif. Cette mission consiste : / 1° Dans le cas des installations neuves ou à réhabiliter, en un examen préalable de la conception joint, s'il y a lieu, à tout dépôt de demande de permis de construire ou d'aménager et en une vérification de l'exécution. (...) ; / 2° Dans le cas des autres installations, en une vérification du fonctionnement et de l'entretien. (...) / Les modalités d'exécution de la mission de contrôle, les critères d'évaluation de la conformité, les critères d'évaluation des dangers pour la santé et des risques de pollution de l'environnement, ainsi que le contenu du document remis au propriétaire à l'issue du contrôle sont définis par un arrêté des ministres chargés de l'intérieur, de la santé, de l'environnement et du logement. / Les communes déterminent la date à laquelle elles procèdent au contrôle des installations d'assainissement non collectif ; elles effectuent ce contrôle au plus tard le 31 décembre 2012, puis selon une périodicité qui ne peut pas excéder dix ans. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 avril 2012 susvisé : " Pour les autres installations mentionnées au 2° du III de l'article L. 2224-8 du CGCT, la mission de contrôle consiste à : / - vérifier l'existence d'une installation, conformément aux dispositions de l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique ; / - vérifier le bon fonctionnement et l'entretien de l'installation ; / - évaluer les dangers pour la santé des personnes ou les risques avérés de pollution de l'environnement ; / - évaluer une éventuelle non-conformité de l'installation. / (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Conformément à l'article L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales, la commune précise, dans son règlement de service remis ou adressé à chaque usager, les modalités de mise en œuvre de sa mission de contrôle, notamment : / a) La fréquence de contrôle périodique n'excédant pas dix ans ; / Cette fréquence peut varier selon le type d'installation, ses conditions d'utilisation et les constatations effectuées par la commune lors du dernier contrôle. / (...) ". Ces dispositions sont applicables aux communautés d'agglomérations exerçant la compétence " assainissement des eaux usées ", dans les conditions prévues à l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

4. Aux termes de l'article L. 2224-12-2 du code général des collectivités territoriales : " Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les règles relatives aux redevances (...) d'assainissement (...) sont établies par délibération du conseil municipal ou de l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2224-12-3 du même code : " Les redevances d'eau potable et d'assainissement couvrent les charges consécutives aux investissements, au fonctionnement et aux renouvellements nécessaires à la fourniture des services, ainsi que les charges et les impositions de toute nature afférentes à leur exécution. / (...) ". Aux termes de l'article R. 2224-19 du même code : " Tout service public d'assainissement, quel que soit son mode d'exploitation, donne lieu à la perception de redevances d'assainissement établies dans les conditions fixées par les articles R. 2224-19-1 à R. 2224-19-11 ". Aux termes de l'article R. 2224-19-1 : " Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public compétent pour tout ou partie du service public d'assainissement collectif ou non collectif institue une redevance d'assainissement pour la part du service qu'il assure et en fixe le tarif. / (...) / En cas de délégation du service d'assainissement, le tarif de la redevance peut comprendre, outre une part, fixée par la convention de délégation, revenant au délégataire au titre des charges du service qu'il assure, une part revenant à l'autorité délégante destinée à couvrir les dépenses qui demeurent à sa charge ". Aux termes de l'article R. 2224-19-5 : " La redevance d'assainissement non collectif comprend une part destinée à couvrir les charges de contrôle de la conception, de l'implantation et de la bonne exécution et du bon fonctionnement des installations et, le cas échéant, une part destinée à couvrir les charges d'entretien de celles-ci. / La part représentative des opérations de contrôle est calculée en fonction de critères définis par l'autorité mentionnée au premier alinéa de l'article R. 2224-19-1 et tenant compte notamment de la situation, de la nature et de l'importance des installations. Ces opérations peuvent donner lieu à une tarification forfaitaire. / La part représentative des prestations d'entretien n'est due qu'en cas de recours au service d'entretien par l'usager. Les modalités de tarification doivent tenir compte de la nature des prestations assurées ". Aux termes de l'article R. 2224-19-10 : " Le produit des redevances d'assainissement est affecté au financement des charges du service d'assainissement. / Ces charges comprennent notamment : / - les dépenses de fonctionnement du service, y compris les dépenses de personnel ; /- les dépenses d'entretien ; / - les charges d'intérêt de la dette contractée pour l'établissement et l'entretien des installations ; / - les charges d'amortissement des immobilisations ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux deux points précédents que l'autorité territoriale exerçant la compétence " assainissement des eaux usées " doit assurer un service d'assainissement non collectif consistant, entre autres, à vérifier le fonctionnement et l'entretien des installations selon une fréquence déterminée par le conseil délibérant, au vu des circonstances locales et qui ne saurait en tout état de cause être supérieure à dix ans. Le financement de ce service est assuré au moyen d'un prélèvement sur les usagers qui présente, quel que soit le mode d'organisation retenu, les caractères d'une redevance pour service rendu. Elle comporte une part destinée à couvrir les charges du service occasionnées par les opérations de contrôle, qui peut présenter un caractère forfaitaire, et une part destinée à couvrir les charges du service occasionnées par les prestations d'entretien, qui n'est due qu'en cas de recours au service d'entretien par l'usager.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / (...) / Pour l'application des articles L. 2121-11 et L. 2121-12, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Il résulte des dispositions précitées que le défaut d'envoi, avec la convocation aux réunions du conseil communautaire d'une communauté d'agglomération, de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour prévue à l'article L. 2121-12 précité du code général des collectivités territoriales entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le président de la communauté d'agglomération n'ait fait parvenir aux membres du conseil communautaire, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces produites par la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ", que les élus au conseil communautaire ont réceptionné, le 9 décembre 2020, soit plus de cinq jours francs avant la date de la séance du conseil communautaire du 15 décembre suivant, les documents d'information transmis dans cette perspective. Parmi eux figurait le projet de la délibération attaquée, incluant un exposé des motifs présentant non seulement l'objet de la délibération mais aussi explicitant les principales modifications apportées à la tarification des services de l'eau et de l'assainissement collectif et non collectif. Quand bien même ces éléments ne rappellent pas qu'un recours en annulation a été introduit contre la délibération adoptée l'année précédente, ils étaient en tout état de cause suffisants pour permettre aux élus de se prononcer en toute connaissance de cause sur la nouvelle délibération soumise à leur approbation, ce d'autant plus qu'il n'est pas contesté qu'ils ont en outre eu la faculté de poser toutes les questions complémentaires utiles en amont ou lors de la séance. La circonstance que le président de la communauté d'agglomération n'aurait précédemment pas satisfait à l'obligation qui lui est faite, par les délégations dont il bénéficie, de rendre compte des décisions prises dans ce cadre est sans influence sur la régularité de la procédure d'adoption de la délibération litigieuse. Dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. " Aux termes de l'article 2 de la même loi : " (...) 3° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif mentionné à l'article 1er est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services. / Ce principe ne fait pas obstacle à ce que des différences soient faites selon l'un des motifs mentionnés au premier alinéa du présent 3° lorsqu'elles sont justifiées par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ". En outre, la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure.

9. Par la délibération attaquée du 15 décembre 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " a fixé le tarif de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif à 37 euros hors taxes par an et par installation et le tarif de la redevance pour l'entretien des installations conventionnées à 1 euro hors taxes par mètre cube. Ce dernier tarif a en revanche été abaissé 0,45 euros hors taxes par mètre cube pour les usagers résidant dans les communes d'Alvimare, Cléville, Foucart, Hattenville, Terres de Caux, Trémauville et Yébléron, intégrées à la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " en 2017. Il ressort des pièces du dossier, notamment des énonciations de la délibération attaquée, que cette différenciation est justifiée par l'écart historique de tarification existant entre ces sept communes et le service assuré par la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " et que ces sept communes bénéficient ainsi du maintien de la tarification qui leur était applicable dans l'attente d'une prochaine harmonisation. A cet égard, les appelants n'établissent pas, par les pièces qu'ils produisent, que les tarifs ainsi appliqués aux communes considérées ne sont pas identiques à ceux dont elles bénéficiaient avant leur intégration à la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ". Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée engage l'harmonisation des tarifs dès lors que, contrairement à l'année précédente, elle fixe un tarif unique, commun à l'ensemble des communes membres, pour la redevance de fonctionnement du service d'assainissement non collectif. Eu égard au caractère encore récent de l'intégration des sept communes considérées, à la faiblesse relative des écarts entre les tarifications retenues, au caractère transitoire du dispositif ainsi arrêté et au processus d'harmonisation engagé par l'établissement, la différence de traitement résiduelle maintenue par la délibération attaquée est strictement proportionnée à la différence de tarification historique entre les catégories d'usagers concernées tout en assurant un caractère progressif à l'harmonisation engagée. Si les appelants soutiennent que leur hameau a lui aussi été récemment réintégré dans le service d'assainissement non collectif de la communauté d'agglomération, ils n'établissent pas que les écarts de tarification étaient tels que la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de prévoir un dispositif transitoire comparable. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité des usagers devant le service public, du principe de non-discrimination prévu par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 et des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel n° 1 à cette convention doit être écarté.

10. En troisième lieu, pour être légalement établie, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Toutefois, si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Ainsi, le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire.

11. Par la délibération attaquée du 15 décembre 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " a fixé le tarif de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif à 37 euros hors taxes par an et par installation, pour l'ensemble des communes membres. Il ressort des pièces du dossier que cette redevance forfaitaire vise à couvrir non seulement les charges occasionnées par les opérations de contrôle périodique des installations, dont la fréquence pouvait être régulièrement fixée à une fois tous les six ans en application des dispositions citées au point 3 des articles L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales et 7 de l'arrêté du 27 avril 2012 susvisé, mais aussi celles résultant des autres missions exercées par le service. En outre, il résulte des dispositions des articles R. 2224-19-5 et R. 2224-19-10 du code général des collectivités territoriales citées au point 4 et des principes rappelés au point 10 que la redevance a en tout état de cause pour objet de couvrir l'ensemble des charges du service et peut donc excéder le seul montant des prestations facturées à la communauté d'agglomération par un prestataire extérieur. La référence au coût unitaire d'un contrôle périodique facturé par les prestataires de la communauté d'agglomération n'est donc pas pertinente pour la détermination du montant de la redevance. Il en va de même des références au tarif retenu pour les contrôles ponctuels en cas de vente et au tarif pratiqué par la métropole de Rouen. Les appelants n'apportent aucun autre élément de nature à établir que les tarifs fixés par la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ", qui justifie de son côté avoir conclu un marché de prestation de service avec la société " Véolia " en mai 2019 en vue de réaliser un contrôle général des 6 000 installations du territoire en trois ans, seraient manifestement disproportionnés. La circonstance que le budget annexe de l'assainissement non collectif ait par le passé généré des excédents est sans incidence sur la légalité des tarifs fixés à la date de la délibération attaquée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée a fixé des tarifs manifestement disproportionnés doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération n° D-263/12-20 du 15 décembre 2020 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " en tant qu'elle fixe les tarifs pour 2021 de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et de la redevance pour l'entretien des installations conventionnées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ", qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les appelants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à ce titre à la charge de M. et Mme O... et autres une somme de 2 000 euros à verser à la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ".

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme O... et autres est rejetée.

Article 2 : M. et Mme O... et autres verseront à la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et T... O... qui ont été désignés à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ".

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : T. SorinLa greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA01021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01021
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL EBC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22da01021 ?
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