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15/12/2023 | FRANCE | N°23NT02531

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 décembre 2023, 23NT02531


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2302127 du 17 août 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e

t un mémoire, enregistrés les 22 août et 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Souidi, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2302127 du 17 août 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 août et 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Souidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 août 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 du préfet de l'Orne lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai, en fixant le pays de destination et lui interdisant le retour pendant trois ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de l'Orne n'était pas compétent ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le droit à la preuve et à une procédure équitable a été méconnu ;

- la décision méconnait l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les observations de Me Souidi pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien, qui réside en France depuis 2003, était incarcéré depuis le 30 janvier 2020 et en situation irrégulière depuis le 6 mai 2023. Il a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour pour une durée de trois ans. Par un jugement du 17 août 2023, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;/ 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;/ 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;/ 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;/ 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;/ 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail./ Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4° ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " L'autorité administrative compétente pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ".

3. Le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Tel est, en toute hypothèse, le cas du préfet du département où se trouve le lieu de résidence ou de domiciliation de l'étranger. En outre, si l'irrégularité de sa situation a été constatée dans un autre département, le préfet de ce département est également compétent.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... était domicilié dans le département de la Loire-Atlantique, l'intéressé se bornant à se prévaloir d'une demande de titre de séjour déposée à la préfecture de la Loire-Atlantique sans d'ailleurs qu'il ait obtenu de récépissé, d'une promesse d'embauche dans ce département et d'une attestation de son amie indiquant qu'il allait résider avec elle à sa sortie de prison, postérieurement à l'arrêté contesté. Ainsi, et alors même que M. A... n'avait pas demandé à être domicilié au sein du centre de détention d'Argentan dans lequel il était incarcéré, le préfet de l'Orne, qui a constaté l'irrégularité de sa situation, était compétent pour édicter l'arrêté contesté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ". D'une part, M. A..., entré en France le 13 septembre 2003, soit à l'âge de treize ans révolus, ne peut ainsi se prévaloir des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, s'agissant de l'application du 3° de ces dispositions, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'était pas en situation régulière à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé se bornant à se prévaloir du dépôt d'une pré-demande de renouvellement de son titre de séjour et d'un rendez-vous à la préfecture de la Loire-Atlantique fixé au 20 octobre 2023, afin d'apporter son dossier complet de demande de titre de séjour, mais ne disposant d'aucun récépissé de demande de titre de séjour à la date de l'arrêté contesté. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet a mentionné que M. A... était en situation irrégulière depuis le 6 mai 2023 et a indiqué également que si l'intéressé déclarait avoir déposé une demande de titre de séjour, il justifiait seulement d'une convocation à la préfecture de la Loire-Atlantique le 20 octobre 2023. M. A... avait eu un rendez-vous à la préfecture le 2 juin 2023 mais il est constant qu'il ne s'y est pas rendu. Si le requérant soutient que c'est en raison de son incarcération, il n'établit ni même n'allègue avoir demandé, en temps utile c'est-à-dire suffisamment tôt pour qu'elle soit acceptée, une autorisation de sortie pour se rendre à ce rendez-vous. Par conséquent, sa demande de titre de séjour ne pouvait pas être regardée comme une demande de renouvellement de son titre de séjour à la date de l'arrêté contesté et le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé doit être écarté. Pour les mêmes motifs et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le droit à la preuve et à une procédure équitable a été méconnu doit être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné par la cour d'appel de Rennes, le 24 mars 2020, à une peine d'emprisonnement de 10 mois pour des faits de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu (tentative) et par le tribunal correctionnel de Nantes, le 9 juin 2021, à une peine de 4 ans d'emprisonnement pour des faits de violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours (récidive), participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement (récidive), détention non autorisée d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B (récidive), détention non autorisée de stupéfiants (récidive), transport sans motif légitime d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B (récidive) et transport non autorisé de stupéfiants (récidive). Ces faits qu'il a commis sont de nature à démontrer une absence de volonté réelle d'insertion en France. S'il se prévaut d'une expérience professionnelle, il ne produit qu'une promesse d'embauche. Il n'a pas d'enfant et l'ancienneté de sa relation amoureuse avec une ressortissante française ne ressort pas des pièces du dossier. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même qu'il est arrivé en France en 2003 et que son père, ses trois sœurs et son frère résident régulièrement en France ou ont obtenu la nationalité française, les décisions contestées lui faisant obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans n'ont pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant ces décisions, le préfet de l'Orne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :

1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Eu égard à la gravité et au caractère récent et répété des faits mentionnés au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, en estimant que sa présence en France constituait une menace à l'ordre public, aurait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

L. LAINÉLe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02531
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23nt02531 ?
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