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19/12/2023 | FRANCE | N°23BX00806

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 23BX00806


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 en tant que la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2205958 du 20 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête enregistrée le 22 mars 2023, M. B..., représenté par Me Diompy, demande à la cour :



1°) de lui accord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 en tant que la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2205958 du 20 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2023, M. B..., représenté par Me Diompy, demande à la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 14 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros à titre principal, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence de sa signataire, à défaut pour la préfète de produire une délégation de signature ;

- l'arrêté est entaché de vices de procédure, dès lors que la préfète ne produit pas l'avis du collège de médecins de l'OFII, qu'il n'est pas établi que cet avis a été pris par l'autorité compétente et comporte l'ensemble des mentions requises, ni que le que le médecin rapporteur de son dossier n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII, ni que l'avis a été rendu de manière collégiale ;

- la préfète s'est crue, à tort, en situation de compétence liée ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à 12h00.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 14 novembre 2023 de ce que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 14 octobre 2022 portant fixation du pays de renvoi, lesquelles n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont donc le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être entré en France le 6 avril 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 janvier 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 octobre 2019. M. B... a bénéficié d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade du 18 novembre 2019 au 15 août 2022. Il en a sollicité le renouvellement le 16 juin 2022. Par un arrêté du 14 octobre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 20 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel :

3. Il ressort de la requête introductive d'instance de M. B..., enregistrée le 10 novembre 2022 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, que ses conclusions à fin d'annulation étaient exclusivement dirigées contre les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Les conclusions à fin d'annulation de la décision portant fixation du pays de renvoi constituent donc des conclusions nouvelles en appel. Par suite ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de l'incompétence de la signataire de l'arrêté, des vices de procédure, du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et de l'erreur de droit tenant à ce que la préfète de la Gironde se serait estimée liée par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

6. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est atteint d'une hépatite B, pour laquelle il bénéficie d'un traitement par Entecavir, et fait l'objet d'un suivi régulier au sein de service d'hépato-gastro-entérologie et d'oncologie digestive du centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Par un avis rendu le 5 octobre 2022, le collège des médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner à son égard des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins dans son pays d'origine et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contredire cet avis, M. B..., qui ne peut utilement se prévaloir des avis antérieurs du même collège, produit plusieurs articles de presse relatifs à la situation du système de santé en Guinée. Toutefois, ces éléments sont de nature générale et ne se prononcent pas expressément sur la disponibilité en Guinée du traitement nécessaire à l'état de santé de l'appelant. En outre, si celui-ci affirme ne pas disposer des ressources financières afin d'être soigné dans son pays d'origine, il n'assortit cette allégation d'aucune précision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B... déclare être entré en France le 6 avril 2018. Il se prévaut de sa relation avec une ressortissante guinéenne, Mme A.... Il indique également s'être investi dans le milieu associatif, et produit à ce titre les attestations des responsables de trois associations. Il fait enfin valoir son insertion professionnelle, dès lors qu'il a bénéficié d'une formation de trois mois en 2020, a obtenu le titre professionnel de plaquiste-plâtrier en 2021 et un contrat à durée déterminée d'insertion, puis un contrat à durée indéterminée dans une entreprise intérimaire depuis le mois de novembre 2021. Toutefois, M. B... n'a été admis à séjourner en France que le temps strictement nécessaire à l'administration des soins que son état de santé requérait. En outre, il n'apporte aucun élément relatif à l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec Mme A..., dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle se trouvait en situation régulière sur le territoire français à la date de l'arrêté litigieux. S'il fait valoir que de cette union est née une enfant le 23 décembre 2022, pour laquelle une demande d'asile a été déposée, cette circonstance est postérieure à la décision en litige. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que l'appelant a fourni des efforts d'intégration, il n'établit pas, par les éléments qu'il a produits, que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situerait en France. Par suite, et alors que M. B... dispose d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel résident ses parents et sa fratrie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et de versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire formée par M. B....

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00806
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DIOMPY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23bx00806 ?
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