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21/12/2023 | FRANCE | N°21TL22759

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21TL22759


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière HJC et la société par actions simplifiée Sotourdi ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron a approuvé le plan de prévention des risques inondation du bassin de la " Sorgues et du Dourdou de Camarès aval ", sur le territoire des communes de Cornus, Fondamente, Marnhagues et Latour, Saint-Félix de Sorgues, Versols et Lapeyre, Calmes et le Viala, Saint-Izaire, Vabre l'Ab

baye et Saint-Affrique, ensemble la décision de rejet du 11 octobre 2017 du préfet de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière HJC et la société par actions simplifiée Sotourdi ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron a approuvé le plan de prévention des risques inondation du bassin de la " Sorgues et du Dourdou de Camarès aval ", sur le territoire des communes de Cornus, Fondamente, Marnhagues et Latour, Saint-Félix de Sorgues, Versols et Lapeyre, Calmes et le Viala, Saint-Izaire, Vabre l'Abbaye et Saint-Affrique, ensemble la décision de rejet du 11 octobre 2017 du préfet de l'Aveyron rejetant leur recours gracieux à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 1705654 du 9 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 23 mai 2017 et la décision du 11 octobre 2017 rejetant le recours gracieux des sociétés demanderesses.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le numéro 21BX02759 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le numéro 21TL22759, le ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 avril 2020.

Il soutient que :

- le jugement dont il est fait appel ne lui a pas été notifié ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le délai prévu par les dispositions de l'article R. 562-2 pour l'adoption du plan de prévention des risques naturels d'inondation était un délai impératif, institué à peine de caducité de l'ensemble de la procédure ;

- par l'effet dévolutif, aucun des autres moyens soulevés par les sociétés en première instance n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2021, les sociétés HJC et Sotourdi, représentées par Publica Avocats Aarpi, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté alors que le jugement a bien été notifié à l'Etat et au regard du délai raisonnable d'un an à l'expiration duquel il n'est plus possible d'exercer un recours juridictionnel ;

- aucun moyen soulevé dans la requête n'est fondé ;

- au titre de l'effet dévolutif, les moyens exposés dans leur demande de première instance sont maintenus et repris.

La clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2022 en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1du code de justice administrative.

Par une mesure d'instruction en date du 18 septembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le magistrat- rapporteur a invité les parties à produire le rapport du commissaire-enquêteur, la note de présentation, la carte de zonage règlementaire et son règlement associé, figurant dans le projet de plan de prévention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Riffaud-Declerq représentant les sociétés intimées.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 2012341-0006 du 6 décembre 2012, la préfète de l'Aveyron a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention du risque d'inondation du bassin de la Sorgues et du Dourdou de Camares aval, sur le territoire des communes de Cornus, Fondamente, Marnhagues et Latour, Saint-Félix de Sorgues, Versols et Lapeyre, Calmes et le Viala, Saint-Izaire, Vabre l'Abbaye et Saint-Affrique. Par un arrêté du 17 février 2016, le préfet de l'Aveyron a prorogé de dix-huit mois le délai d'approbation du plan de prévention du risque inondation en élaboration. Une enquête publique a été prescrite par arrêté du 14 décembre 2016 et s'est tenue du 2 février 2017 au 6 mars suivant, avant que le commissaire-enquêteur ne remette son rapport et ses conclusions le 30 mars 2017. Par un arrêté du 23 mai 2017, le plan a été approuvé par le préfet de l'Aveyron. Par courrier notifié le 31 août 2017, les sociétés HJC et Sotourdi ont sollicité le retrait de l'arrêté du 23 mai 2017, refusé par le préfet de l'Aveyron par une décision du 11 octobre 2017. Saisi par lesdites sociétés, le tribunal administratif de Toulouse, par jugement du 9 avril 2020 a annulé l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron a approuvé le plan de prévention du risque d'inondation du bassin de la Sorgues et du Dourdou de Camares aval et la décision du 11 octobre 2017 rejetant le recours gracieux. Par la présente requête, le ministre de la transition écologique relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés intimées à la requête d'appel du ministre :

2. Aux termes de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction. / Toutefois, lorsque la décision est rendue sur une demande présentée, en application du code général des collectivités territoriales, par le préfet ou lorsqu'elle émane d'un tribunal administratif statuant dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1, la notification est adressée au préfet. Copie de la décision est alors adressée au ministre intéressé ". Aux termes de l'article R. 811-2 du même code : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la notification d'un jugement rendu dans une matière autre que celles qui sont mentionnées à l'article R. 811-10-1 du même code doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige ou au préfet lorsque celui-ci présente une demande en application du code général des collectivités territoriales. A défaut de notification régulière, le délai d'appel ne court pas.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement en litige du tribunal administratif de Toulouse n'a été notifié ni au ministre de la transition écologique, ni à aucun autre ministre, mais, pour l'Etat, au seul préfet de l'Aveyron qui l'avait représenté devant le tribunal. Dès lors que le litige n'entrait pas dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative et que le préfet n'avait pas présenté de demande en application du code général des collectivités territoriales, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que lorsque le ministre de la transition écologique a interjeté appel du jugement du tribunal administratif, le délai d'appel n'avait pas commencé à courir en application des dispositions précitées. Les circonstances selon lesquelles le ministre aurait eu connaissance, par l'intermédiaire des services préfectoraux, du jugement du tribunal administratif contesté plus d'un an avant l'enregistrement de sa requête d'appel, ou encore que c'est à l'occasion d'un revirement de jurisprudence que cet appel a été formé, près de quinze mois après la notification du jugement en litige, sont sans incidence sur la recevabilité de cet appel interjeté. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté opposée à cette requête d'appel doit être écartée.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

5. Aux termes de l'article R. 562-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 applicable au présent litige : " L'arrêté prescrivant l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l'étude et la nature des risques pris en compte. Il désigne le service déconcentré de l'Etat qui sera chargé d'instruire le projet. / Cet arrêté définit également les modalités de la concertation et de l'association des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale concernés, relatives à l'élaboration du projet. (...) / Le plan de prévention des risques naturels prévisibles est approuvé dans les trois ans qui suivent l'intervention de l'arrêté prescrivant son élaboration. Ce délai est prorogeable une fois, dans la limite de dix-huit mois, par arrêté motivé du préfet si les circonstances l'exigent, notamment pour prendre en compte la complexité du plan ou l'ampleur et la durée des consultations. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 : " Les dispositions du I de l'article 1er sont applicables aux plans de prévention des risques naturels prévisibles dont l'établissement est prescrit par un arrêté pris postérieurement au dernier jour du premier mois suivant la publication du présent décret. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'élaboration du plan de prévention des risques naturels d'inondation du bassin de la Sorgues et du Dourdou de Camares aval, sur le territoire des communes de Cornus, Fondamente, Marnhagues et Latour, Saint-Félix de Sorgues, Versols et Lapeyre, Calmes et le Viala, Saint-Izaire, Vabre l'Abbaye et Saint-Affrique, a été prescrit par un arrêté préfectoral du 6 décembre 2012, publié le 29 décembre 2012, pris postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions précitées de l'article R. 562-2 du code de l'environnement. Si par un arrêté du 17 février 2016 le préfet de l'Aveyron a décidé de proroger de dix-huit mois l'échéance d'approbation dudit plan de prévention du risque inondation, cette prolongation a été décidée après le 29 décembre 2015, au-delà du délai de trois ans prévu aux dispositions de l'article R. 562-2 du code de l'environnement et l'approbation de ce plan n'est intervenue que le 23 mai 2017, soit après l'expiration du délai de prorogation. Toutefois, l'article R. 562-2 du code de l'environnement ne prévoit aucune conséquence au dépassement de ce délai. Par suite, le délai d'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles prévu par les dispositions précitées du code de l'environnement n'est pas prescrit à peine de nullité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé par les sociétés intimées en ce que, compte tenu de l'expiration du délai prévu par l'article R. 562-2 du code précité, les conditions légales d'approbation du plan par l'arrêté préfectoral du 23 mai 2017 n'étaient pas remplies ne peut être qu'écarté. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 23 mai 2017.

7. Par ailleurs, en l'absence de caducité de la procédure d'approbation et compte tenu du caractère suffisant de la motivation de l'arrêté du préfet portant prorogation du délai d'approbation, les sociétés intimées ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté du 23 mai 2017 en litige serait privé de base légale en raison de l'incompétence du préfet en résultant, et du vice de forme entachant l'arrêté du 17 février 2016.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a retenu ce motif pour annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron en date du 23 mai 2017 portant approbation du plan de prévention des risques inondation du bassin de la " Sorgues et du Dourdou de Camarès aval ".

9. Il appartient au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les sociétés requérantes devant le tribunal administratif et, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer sur tous les moyens susceptibles de conduire à une annulation de l'arrêté en litige.

Sur les autres moyens soulevés par les sociétés HJC et Sotourdi :

En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :

10. En vertu du I de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, tels que, notamment, les inondations. Ces plans ont notamment pour objet, en vertu du II du même article, de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire tout type de construction ou réalisation d'aménagements ou d'ouvrages, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, ou de prescrire les conditions dans lesquelles les constructions, aménagements ou ouvrages doivent être réalisés, utilisés ou exploités. Aux termes de l'article R. 123-9 du même code dans sa rédaction applicable à la date du litige : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête : / 1° L'objet de l'enquête, notamment les caractéristiques principales du projet, plan ou programme, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée ; / 2° La ou les décisions pouvant être adoptée (s) au terme de l'enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d'autorisation ou d'approbation ; (...) / 7° La durée et les lieux où, à l'issue de l'enquête, le public pourra consulter le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ; / ( ...) 11° L'identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de l'autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées ; / 12° Le cas échéant, l'adresse du site internet sur lequel des informations relatives à l'enquête pourront être consultées, ou les moyens offerts au public de communiquer ses observations par voie électronique. / Toute personne peut, sur sa demande et à ses frais, obtenir communication du dossier d'enquête publique auprès de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête dès la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête ".

11. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement, leur méconnaissance n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

12. Il ressort des termes de l'arrêté du 14 décembre 2016 du préfet de l'Aveyron prescrivant l'enquête publique que ce dernier précise qu'il s'agit d'un projet " d'élaboration du plan de prévention des risques inondation (PPRI) du bassin de la Sorgues et du Dourdou de Camarès aval, sur le territoire des communes de Cornus, Fondamente, Marnhagues et Latour, Saint-Félix de Sorgues, Versols et Lapeyre, Calmes et le Viala, Saint-Izaire, Vabre l'Abbaye et Saint-Affrique ". Compte tenu de l'objet d'un plan de prévention des risques inondations tel que défini à l'article L. 562-1 précité au point 10 du présent arrêt, ces indications suffisent à préciser les caractéristiques du plan en litige. En outre, l'arrêté en son article 5 indique la personne responsable de ce projet. Enfin, l'arrêté prescrivant l'enquête publique énonce les modalités de consultation du rapport et des conclusions du commissaire-enquêteur, lesquels ont été mis en ligne sur le site internet de la commune de Saint-Affrique ainsi que sur le site internet des services de l'Etat de l'Aveyron à compter du 31 mars 2017. Si les sociétés intimées font état de la participation de seulement 164 habitants sur une population recensée de 11 593 habitants, chiffre couvrant l'ensemble des communes, alors qu'au demeurant la majeure partie des personnes n'est pas concernée par le zonage du plan de prévention des risques, lesdites sociétés ne font état d'aucune circonstance précise qui aurait empêché la population concernée de prendre connaissance du dossier en mairie où le dossier était disponible et qui aurait nui à son information. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique méconnaît les 1°, 2°, 11° et 12° des dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'environnement doit être écarté comme manquant en fait.

13. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / (...) / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme ; / (...) ".

14. S'il appartient à l'autorité administrative de mettre à la disposition du public, pendant toute la durée de l'enquête, un dossier d'enquête publique comportant l'ensemble des documents mentionnés par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure, et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique, que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

15. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions de l'avis favorable du commissaire-enquête en date du 30 mars 2017, librement accessible aux parties et au juge, ainsi que du courrier adressé le 2 février 2017 par les services de l'Etat aux maires des communes concernées, que les avis des personnes publiques consultées ont été transmis et annexés au registre d'enquête publique et ont fait l'objet d'un examen dans le rapport d'enquête publique. Par suite, et en l'absence de contradiction étayée des sociétés intimées, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'environnement ne peut être qu'écarté.

16. Aux termes de l'article R.123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. ". Si l'exigence de motivation des conclusions du commissaire-enquêteur ne lui impose pas de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

17. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur a détaillé ses conclusions, ses recommandations et son avis motivé au terme duquel, il a demandé la reprise de la genèse des cartes relatives au zonage, a conclu à la lisibilité suffisante de ce dernier et y a fourni les raisons sur le parti retenu du zonage ainsi opéré, et notamment celui de l'interdiction de toute construction dans les zones inondables, nécessaire pour permettre la reconquête du lit naturel de crue par le déplacement des activités qui se sont implantées dans ces zones. Enfin, le commissaire-enquêteur a énoncé les intérêts à protéger, soit éviter les risques d'inondation et empêcher que les conséquences humaines, économiques assurantielles pèsent sur les riverains et la population. Les sociétés intimées ne sont donc pas fondées à soutenir que le commissaire enquêteur n'aurait pas rendu un avis personnel et circonstancié sur le projet de plan soumis à enquête publique.

En ce qui concerne les imprécisions du plan de prévention des risques inondations :

18. En vertu de l'article R. 562-3 du code de l'environnement, le dossier de projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles comprend notamment " Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 562-1 ". Il résulte de ces dispositions que les documents graphiques des plans de prévention des risques naturels prévisibles, dont les prescriptions s'imposent directement aux autorisations de construire, doivent, au même titre que les documents d'urbanisme, être suffisamment précis pour permettre de déterminer les parcelles concernées par les mesures d'interdiction et les prescriptions qu'ils prévoient et, notamment, d'en assurer le respect lors de la délivrance des autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol. Ces dispositions n'ont, toutefois, ni pour objet ni pour effet d'imposer que ces documents fassent apparaître eux-mêmes le découpage parcellaire existant.

19. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un extrait de plan de zonage produit devant les premiers juges, que le document graphique du plan de prévention des risques d'inondation à l'échelle 1/5000ème délimite avec suffisamment de précision les différentes zones en fonction du niveau d'aléa par superposition au plan cadastral faisant apparaître les limites séparatives des différentes parcelles. Alors même que ces zones d'exposition aux risques d'inondation ne suivent pas le découpage parcellaire, le moyen tiré du caractère insuffisamment précis du document graphique ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation et les contradictions du zonage du secteur de Vaxergues-le-Bas et du classement des parcelles des sociétés HJC et Sotourdi :

20. Si les sociétés intimées critiquent le traitement différencié du secteur de Vaxergues-le-Bas, qui comporte une zone rouge foncé correspondant à un aléa fort et à une interdiction de construire, et une zone résidentielle située à l'est classée en bleu clair, cette seule circonstance n'est pas suffisante pour remettre en cause les caractéristiques propres de la situation du secteur concerné, et notamment des parcelles appartenant aux intimées, alors que le relevé topographique des parcelles établit une déclivité du terrain d'est en ouest, et que les cotes altimétriques des parcelles situées en zone bleue, notamment du lotissement, sont supérieures à celles de l'autre secteur, en particulier à celles des parcelles des sociétés requérantes.

21. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que les parcelles cadastrées BL nos 88 et 101 sur le territoire de la commune de Saint-Affrique sur lesquelles sont édifiés un magasin à l'enseigne Carrefour Market et son parking sont situées en rive gauche de la rivière la Sorgues caractérisée par une zone de risque fort d'inondation dans laquelle la crue du 28 novembre 2014 s'est élevée à 1,8 mètre au droit du supermarché dépassant le niveau de la crue de référence du précédent plan de prévention des risques d'inondation fixé à 317,25 mètres du nivellement général de la France (NGF).

22. Enfin, les sociétés requérantes soutiennent que l'arrêté préfectoral en litige est illégal en ce qu'il comprend des contradictions entre ses objectifs affichés de " préserver les vies humaines et de limiter les dommages aux biens " et les choix de zonage retenus, eu égard à la configuration des lieux et à la situation des parcelles et des constructions afférentes, par rapport à la rivière " la Sorgues ". Toutefois, l'interdiction de construire sur leurs parcelles qu'emporte l'arrêté en litige, en particulier l'édification de zone de refuge ou des dispositifs de bureaux sur pilotis à une hauteur de 2,38 mètres par rapport au niveau du magasin, qui ne sont pas de nature à écarter le risque d'inondation auquel est exposé le terrain d'implantation de ces constructions ainsi que le risque d'embâcle susceptible d'en aggraver les conséquences, ne peut être regardée en elle-même comme contradictoire avec les objectifs de ne pas aggraver les conditions d'écoulement et de ne pas augmenter le niveau de risque.

23. Il s'ensuit qu'en opérant le classement de ce secteur et de ces terrains en zone rouge foncé du plan de prévention des risques d'inondation correspondant aux champs d'expansion des crues à préserver, le préfet de l'Aveyron n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

24. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le ministre de la transition écologique est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 9 avril 2020 le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron a approuvé le plan de prévention des risques inondation sur le bassin de la " Sorgues et du Dourdou de Camarès aval " et la décision du 11 octobre 2017 du préfet de l'Aveyron rejetant les recours gracieux des sociétés intimées à l'encontre de cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les sociétés intimées demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 avril 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI HJC et la SAS Sotourdi devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société HJC, à la société Sotourdi et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron ainsi qu'au commissaire enquêteur.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL22759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22759
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21tl22759 ?
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