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21/12/2023 | FRANCE | N°21TL22872

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21TL22872


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune d'Ignaux a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 11 mars 2019 par laquelle la préfète de l'Ariège a mis en œuvre les dispositions de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme à l'encontre de la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil municipal d'Ignaux a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet de son recours gracieux.



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r un jugement n° 1903993 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ignaux a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 11 mars 2019 par laquelle la préfète de l'Ariège a mis en œuvre les dispositions de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme à l'encontre de la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil municipal d'Ignaux a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision du 22 mai 2019 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1903993 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021 au greffe de la cour administrative de Bordeaux sous le numéro 21BX02872, puis au greffe de la cour administrative de Toulouse sous le numéro 21TL22872, et un mémoire en réplique enregistré le 17 mars 2023, la commune d'Ignaux, représentée par Me Briand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète de l'Ariège des 11 mars et 22 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse est parvenue à la commune postérieurement à l'expiration du délai d'un mois prévu par les dispositions de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, de sorte qu'elle est irrégulière ;

- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de l'article L 153-25 du code de l'urbanisme en n'ayant pas caractérisé la gravité de l'éventuelle compromission des objectifs de salubrité publique qui découleraient des dispositions du plan local d'urbanisme ;

- la décision méconnaît les articles L. 153-25 et L. 101-2 du code de l'urbanisme et est entachée d'une erreur d'appréciation au vu des capacités suffisantes de ressources en eau potable de la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022 le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2023 par une ordonnance en date du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération en date du 8 février 2019, le conseil municipal de la commune d'Ignaux (Ariège) a approuvé la révision du plan local d'urbanisme. Par une décision du 11 mars 2019, la préfète de l'Ariège a mis en œuvre les dispositions de l'article L 153-25 du code de l'urbanisme à l'encontre de cette délibération en demandant la fermeture de la zone à urbaniser AU1 située au sud de la commune et a différé l'exécution du plan local d'urbanisme révisé tant que la commune ne lui avait pas apporté les modifications demandées. Par une décision du 22 mai 2019, la préfète de l'Ariège a rejeté le recours gracieux formé le 23 avril 2019 par la commune d'Ignaux. Celle-ci relève appel du jugement susvisé par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 153-24 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Lorsque le plan local d'urbanisme porte sur un territoire qui n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, ou lorsqu'il comporte des dispositions tenant lieu de programme local de l'habitat, il est publié et transmis à l'autorité administrative compétente de l'Etat dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales. / Il devient exécutoire à l'issue d'un délai d'un mois à compter de sa transmission à l'autorité administrative compétente de l'Etat ". Aux termes de l'article L. 153-25 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le plan local d'urbanisme porte sur un territoire qui n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, l'autorité administrative compétente de l'Etat notifie, dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 153-24, par lettre motivée à l'établissement public de coopération intercommunale ou à la commune, les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au plan lorsque les dispositions de celui-ci : (...) / 2° Compromettent gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2, sont contraires à un projet d'intérêt général, autorisent une consommation excessive de l'espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques ;(...) / Le plan local d'urbanisme ne devient exécutoire qu'après l'intervention, la publication et la transmission à l'autorité administrative compétente de l'Etat des modifications demandées ". Aux termes de l'article L.101-2 du même code : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / (...) 4° La sécurité et la salubrité publiques ; (...) 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal d'Ignaux a approuvé par délibération du 8 février 2019 la révision du plan local d'urbanisme de la commune dont le territoire n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale. Il ressort également des pièces du dossier que cette délibération a été transmise aux services préfectoraux 12 février 2019 et que les documents annexes ont été adressés en préfecture le 13 février 2019, cette dernière transmission complète faisant courir le délai d'un mois non franc de mise en œuvre de la procédure d'opposition par le préfet à compter de cette date. S'il est fait état d'une notification de la décision de la préfète de l'Ariège en date du 11 mars 2019 par courrier postal du 14 mars 2019, soit postérieurement au 13 mars 2019 à la date d'expiration du délai d'un mois prévu par ces mêmes dispositions, il ressort également des pièces du dossier que par des courriels envoyés les 12 et 13 mars 2019 à une adresse électronique du maire de la commune et à une adresse fonctionnelle de la mairie, la préfète de l'Ariège a adressé une lettre d'observations motivée " [dans] le cadre des dispositions visées en objet [de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme], suspendant l'exécution du PLU de votre commune ", par une pièce jointe intitulée " 012_2019 03 11_Courrier_PLU_IGNAUX.pdf ". En l'absence de tout élément versé par la commune appelante remettant en cause cette remise par voie électronique de la décision en litige, la décision du 11 mars 2019 de la préfète de l'Ariège doit être regardée comme ayant été notifiée dans le délai d'un mois à compter de la transmission complète de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la tardiveté de la notification de la décision en litige doit être écarté.

4. Pour prendre la décision en litige en application de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, la préfète de l'Ariège a estimé nécessaire la fermeture de la zone à urbaniser AU 1 située au sud de la commune d'Ignaux au motif qu'il existe un déséquilibre dans le développement urbain envisagé et que les équipements publics existant ne permettent pas de garantir une ressource en eau potable suffisante, cette position pouvant, selon la représentante de l'Etat, être revue favorablement si la zone AU1 restait en zone à urbaniser AUs dont l'ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou révision du plan local d'urbanisme jusqu'au renforcement de l'alimentation en eau potable.

5. D'une part, le préfet peut suspendre le caractère exécutoire d'un plan local d'urbanisme révisé lorsqu'il estime que les dispositions du plan local d'urbanisme sont de nature à compromettre gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, notamment les principes de sécurité et de salubrité publiques et de préservation de la ressource en eau résultant du 4° et du 6° de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. Par suite, dès lors que l'absence ou l'insuffisance d'un réseau public d'eau de distribution d'eau potable est de nature à porter atteinte à la salubrité publique et la préservation de la ressource en eau, le moyen, auquel les premiers juges ont suffisamment répondu, tiré de ce que la préfète a commis une erreur de droit en se fondant sur ce motif pour mettre en œuvre la procédure d'opposition prévue à l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme doit être écarté.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis du 21 septembre 2017 rendu par le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège défavorable sur le volet " eau potable ", que le projet de plan local d'urbanisme présente un objectif d'accueil supplémentaire sur dix ans de 104 habitants avec la construction de 47 logements alors que l'équilibre entre les besoins et les ressources est à peine garanti dans la situation existante lors de pointes de consommation et qu'un prélèvement supplémentaire de 22 m3 / jour viendrait augmenter le risque d'interruption du service de distribution d'eau potable en période de forte occupation lors de l'étiage des sources. Si la commune d'Ignaux soutient que l'étude réalisée en janvier 2017 par le bureau d'études Dumons ingénierie valide la capacité actuelle à alimenter les logements supplémentaires prévus à l'horizon des dix ans, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis des services techniques du syndicat mixte du 16 février 2017 que les données sur lesquelles cette étude se base ne sont pas représentatives des consommations à prendre en compte pour calculer la ressource en eau potable et les besoins de la commune. Par ailleurs, la seconde étude du 9 octobre 2018 dont se prévaut la commune appelante, réalisée par le bureau d'études TPF Ingénierie, indique en conclusion que les sources qui alimentent la commune sont suffisantes d'un point de vue quantitatif pour alimenter les futurs logements si l'utilisation des fontaines municipales est arrêtée ou diminuée lors des périodes de consommation de pointe en été si celles-ci correspondaient à l'étiage des sources. Toutefois, cette conclusion sur une capacité quantitative suffisante des sources est assortie de conditions tenant notamment à la révision à la hausse de l'arrêté préfectoral de prélèvement du 9 février 1995, qui autorise la commune d'Ignaux à un prélèvement maximum d'eau au niveau des quatre sources de 0,77 litre / seconde, en prenant en compte le débit d'étiage, comme l'a d'ailleurs relevé dans son avis du 7 décembre 2017 la délégation départementale de l'agence régionale de santé de l'Ariège. Cette étude ne permet pas, dès lors, de remettre en cause l'appréciation technique portée par le syndicat mixte départemental de l'eau et de l'assainissement de l'Ariège. Dans ces conditions, la faisabilité du renforcement de l'alimentation en eau potable par une nouvelle ressource complémentaire n'étant pas établie, malgré l'ouverture à l'urbanisation prévue par le document d'urbanisme, et alors que la projection d'une capacité suffisante du réseau actuel de la commune pour alimenter en eau potable les futures constructions est conditionnée par un rendement élevé du réseau, par une permanence des besoins des consommateurs d'eau ou encore par un maintien du niveau des débits d'étiage des sources, la préfète de l'Ariège n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme en prenant les décisions en litige.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance, la somme demandée par la commune d'Ignaux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de la commune d'Ignaux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié la commune d'Ignaux et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21TL22872

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22872
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BRIAND SACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21tl22872 ?
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