La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°22NC03157

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 22NC03157


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement no 2102245 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Coche-Mainente, doit

être regardé comme demandant à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2022 ;



2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement no 2102245 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Coche-Mainente, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 2 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans, subsidiairement un certificat de résidence d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et des stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'erreur de fait quant à la date à partir de laquelle il a vécu avec sa compagne ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas examiné sa demande de régularisation au titre du travail en vertu du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont il dispose à l'égard des ressortissants algériens ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le motif tiré de ce que son comportement constitue une menace pour l'ordre public est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en 1987, serait entré sur le territoire français en 2015 selon ses déclarations. Le 19 février 2021, il a sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par une décision du 2 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".

3. Il ressort de la demande formée le 18 février 2021 que M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa relation de concubinage avec une ressortissante étrangère titulaire d'un titre de séjour ainsi que de la naissance de leurs deux enfants. Invité à produire des pièces complémentaires, notamment des justificatifs de sa présence en France depuis 2015 et de sa vie commune avec la mère de ses enfants ainsi que des documents justifiant de sa participation à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien au titre du pouvoir discrétionnaire du préfet en se prévalant de l'intérêt supérieur de ses enfants.

4. Il ressort de la décision en litige qu'elle rappelle que M. B... a déclaré entretenir une relation avec une ressortissante russe résidant régulièrement sur le territoire avec laquelle il vit depuis février 2019 a eu deux enfants en octobre 2018 et décembre 2020. Pour refuser de délivrer le certificat de résidence prévu par les stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien à l'intéressé, le préfet de Meurthe-et-Moselle a retenu que le comportement de celui-ci représentait une menace pour l'ordre public et qu'il ne justifiait d'aucune insertion dans la société française. Le préfet a également précisé que les pièces de son dossier ne révélaient ni circonstances humanitaires ni motifs exceptionnels justifiant qu'il soit fait usage du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont il dispose. La motivation de la décision de refus de titre de séjour révèle qu'il a été procédé à l'examen de la demande formée par M. B... compte tenu des pièces qu'il avait produites. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour serait entaché d'insuffisance de motivation ni de défaut d'examen de sa demande.

5. En deuxième lieu, M. B..., qui a indiqué dans sa demande de titre de séjour qu'il vivait avec sa compagne depuis le 11 février 2019, n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige, qui reprend cette même date, serait entachée d'erreur de fait.

6. En troisième lieu, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. M. B... ayant produit une promesse d'embauche en réponse à l'invitation des services préfectoraux à produire des pièces complémentaires, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu le regarder comme ayant sollicité son admission au séjour au titre du travail. Il ressort de la décision en litige que le préfet a, tout d'abord, rejeté sa demande au regard des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien, en l'absence de présentation d'un contrat de travail visé et d'un visa long séjour, puis a examiné l'opportunité de le régulariser compte tenu de son pouvoir discrétionnaire, estimant que les pièces de son dossier ne relevaient ni de circonstances humanitaires, ni de motifs exceptionnels. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait omis d'examiner sa demande de titre de séjour " salarié ". Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

9. D'une part, s'il n'est pas contesté que M. B... a été interpelé et placé en garde à vue le 4 mai 2019 dans le cadre d'une enquête de flagrance pour trafic de stupéfiant, le procès-verbal du même jour, produit par le préfet, mentionne uniquement que l'intéressé était en présence d'un autre individu et que c'est cette autre personne qui a été vue en train de jeter au sol une substance brunâtre semblant être de la résine de cannabis. Par ailleurs, le requérant soutient, sans être contesté, qu'aucune condamnation n'a été prononcée à son encontre. D'autre part, si le préfet mentionne qu'il aurait été auteur d'une autre infraction le 16 mars 2017, l'intéressé soutient, également sans être contesté, qu'il n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale. Enfin, la seule circonstance qu'il a, lors de ces deux interpellations, déclaré une fausse identité ne saurait suffire à le regarder comme constituant une menace pour l'ordre public. Dans ces circonstances, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait pas, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, lui opposer le motif tiré de ce qu'il représente une menace pour l'ordre public.

10. D'autre part, toutefois, que, ainsi que le préfet de Meurthe-et-Moselle le faisait valoir devant le tribunal administratif de Nancy, M. B..., qui a indiqué vivre avec la mère de ses enfants depuis février 2019, ne justifie pas de la réalité ni de la durée de cette communauté de vie, en se bornant à produire une attestation de co-titularité d'un contrat EDF établie en mars 2019. Il ne justifie pas plus contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, alors au demeurant que les services de la préfecture lui avaient demandé de compléter son dossier sur ce point. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision à l'encontre de M. B... s'il s'était fondé initialement sur ces motifs pour refuser de lui délivrer le certificat de résidence prévu par les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors que le requérant, qui résiderait sur le territoire depuis un peu plus de cinq ans, sans toutefois établir sa date d'entrée, ne justifie, ainsi qu'il ressort par ailleurs de la décision en litige, d'aucune insertion dans la société française. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui délivrer un certificat de résidence est entaché d'erreur d'appréciation.

11. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 10 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. La décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. B... de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Coche-Mainente et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Martinez, président,

- M. Agnel, président-assesseur,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 22NC03157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03157
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22nc03157 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award