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21/12/2023 | FRANCE | N°23LY00821

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 23LY00821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 29 avril 2022 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.



Par un jugement nos 2206554 - 2206555 du 8 décembre 2022, le tribunal a

dministratif de Lyon a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour



Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 29 avril 2022 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement nos 2206554 - 2206555 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023, M. et Mme A... et B... C..., représentés par Me Vernet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à exercer une activité professionnelle dans le cadre du réexamen de leur situation administrative ;

4°) d'enjoindre l'effacement de leur signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour :

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle ;

- elles méconnaissent les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de M. C... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle oppose l'absence d'autorisation de travail ;

- les décisions en litige méconnaissent l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

- elles ne sont pas motivées au regard de l'absence de menace pour l'ordre public ;

- elles sont illégales, par voie d'exception, du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

- elles ne sont pas motivées au regard de l'absence de menace pour l'ordre public ;

- elles sont illégales, par voie d'exception, du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois mois :

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont illégales, par voie d'exception, du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

- elles méconnaissent les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de la Loire, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les observations de Me Lulé, représentant M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., de nationalité arménienne et nés respectivement les 6 janvier 1982 et 9 août 1987, sont entrés sur le territoire français le 11 avril 2011 selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. M. et Mme C... ont fait l'objet de décisions de refus de titre de séjour et de mesures d'éloignement les 8 avril 2013, 11 mai 2015 et 17 décembre 2018. Ils ont déposé le 9 décembre 2020 des demandes de titres de séjour sur le fondement des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a émis, le 8 février 2022, deux avis défavorables aux propositions de l'administration de leur refuser la délivrance de titres de séjour en assortissant ces décisions d'obligations de quitter le territoire français. Par des arrêtés en date du 29 avril 2022, la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois mois. Ils relèvent appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. M. et Mme C... séjournent depuis onze ans sur le territoire français à la date des décisions en litige et y ont créé de nombreux liens personnels, ainsi que cela ressort, notamment, de la pétition signée en leur faveur, qui met en avant leur intégration dans la vie locale roannaise. Le préfet de la Loire a délivré à M. C... des récépissés de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler valables du 20 août 2018 au 9 mars 2019, période pendant laquelle l'intéressé a suivi une formation professionnelle dans le domaine de l'entretien des espaces verts, a travaillé dans ce secteur du 8 octobre 2018 au 31 mars 2019, en vertu d'un contrat à durée déterminée qui a pris fin du fait de la perte de la mission dont était en charge son employeur, ainsi que pendant le mois d'avril 2019, en tant qu'agent de service intérieur auprès d'un employeur qui atteste avoir été satisfait de son travail. M. C... produit par ailleurs une promesse d'embauche du 14 octobre 2021 en contrat à durée indéterminée en tant qu'électricien accompagnée d'une demande d'autorisation de travail renseignée par l'employeur et justifie, par la production de relevés bancaires faisant apparaitre quatre virements effectués à son profit entre les 13 décembre 2021 et 28 mars 2022, que la société ESS Fibre l'emploie en tant qu'ouvrier en fibre optique. Mme C..., quant à elle, intervient comme bénévole auprès de l'association Secours Catholique, qui atteste de son implication, pour laquelle elle est appréciée, depuis mai 2015. De plus, les trois enfants du couple sont nés sur le territoire français en 2011, 2013 et 2018, n'ont jamais vécu en Arménie et sont scolarisés depuis de nombreuses années en France, les deux aînés étant, à la date des décisions en litige, respectivement en classe de CE2 et CM2. La commission du titre de séjour, devant laquelle M. et Mme C... se sont présentés, a émis le 8 février 2022 deux avis favorables à la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, la mère de M. C... bénéficie de la protection subsidiaire en France. Dès lors, eu égard à l'ensemble de ces éléments, la préfète de la Loire, en leur refusant les titres de séjour sollicités, a, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle et familiale des intéressés.

3. L'annulation des refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur leur fondement. Dès lors, les obligations de quitter le territoire français dans le délai de trente jours doivent être annulées. Il en va de même des décisions fixant le pays de renvoi et prononçant à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de la Loire du 29 avril 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

6. En premier lieu, eu égard aux motifs qui fondent les annulations prononcées par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire de délivrer à M. et Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de leur délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. En second lieu, l'exécution du présent arrêt implique également que le préfet de la Loire fasse supprimer le signalement de M. et Mme C... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant des interdictions de retour prononcées à leur encontre. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de faire procéder à cette suppression sans délai.

Sur les frais liés au litige :

8. M. et Mme C... étant bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale, leur avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Me Vernet, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2022 et les arrêtés de la préfète de la Loire du 29 avril 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer à M. et Mme C... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de leur délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de prendre, sans délai, toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement du signalement de M. et Mme C... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'État versera à Me Vernet, avocate de M. et Mme C..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

A. Porée

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00821
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ly00821 ?
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