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22/12/2023 | FRANCE | N°22VE02844

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 22VE02844


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2208237 du 13 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, Mme A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208237 du 13 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Conroy, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué et l'arrêté du 18 octobre 2022 du préfet de l'Essonne ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil Me Conroy, au titre des articles L. 761-1 et R. 776-20 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement a été pris au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, dès lors que ni son conseil ni elle-même n'ont été régulièrement avertis de l'audience du 7 décembre 2022, le greffe du tribunal n'ayant pas rectifié l'erreur commise lors de l'enregistrement de son nom sur Télérecours ni répondu à sa demande de renvoi de l'audience du 7 décembre 2022 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait concernant la situation de ses enfants ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, et les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève, en cas de refoulement vers le Libéria ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait des risques encourus en cas de retour au Libéria.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé en se référant à ses écritures présentées en première instance.

Par ordonnance du 31 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2023 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Versol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante libérienne, née le 6 septembre 1975, entrée en France le 19 juillet 2019, a sollicité, le 14 août suivant, son admission au séjour au titre de l'asile et sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sa demande a été rejetée par une décision du 30 juillet 2021 du directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 5 novembre 2021 de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Sa demande de réexamen a été rejetée par une nouvelle décision du directeur général de l'OFPRA, le 29 avril 2022, qu'elle conteste devant la CNDA. Mme A... relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme A..., déjà représentée par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle et n'a pas joint à son appel une telle demande. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience (...) ". Aux termes de l'article R. 711-2-1 du même code : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application. (...) ".

4. L'absence de réception de l'avis d'audience ou le caractère erroné des mentions portées sur l'avis d'audience reçu n'est susceptible d'entraîner l'irrégularité de la procédure contentieuse que si ce défaut de réception de l'avis ou ses mentions erronées ont privé une partie des garanties que cet avis vise à mettre en œuvre. Un jugement qui mentionne que les parties ont été convoquées à l'audience doit être regardé, lorsque l'une des parties soutient que tel n'a pas été le cas en ce qui la concerne et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'elle ait été convoquée dans les conditions prévues par les dispositions des articles R. 711-2 et R. 711-2-1 du code de justice administrative, ni qu'elle ait été présente ou représentée à l'audience, comme rendu à la suite d'une procédure irrégulière.

5. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier de première instance ni d'aucune mention portée dans l'application Télérecours qu'un avis d'audience, en dépit des mentions du jugement en ce sens, aurait été adressé, selon l'une des modalités prévues par les dispositions citées au point 3 ci-dessus, au conseil de Mme A..., ni que l'intéressée aurait été présente ou représentée à l'audience.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

8. En l'espèce, l'arrêté contesté, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme A..., mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Essonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante. Enfin, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, la circonstance, au demeurant non établie, que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de fait s'agissant du lieu de résidence des enfants de Mme A.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressée et de l'erreur de fait doivent être écartés.

9. En second lieu, Mme A... ne peut utilement, pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe pas le pays de destination, se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève sur le statut des réfugiés. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, aurait été méconnu.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français étant écartés, Mme A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les termes de l'ancien article L. 513-2 : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. (...) ".

12. Mme A... ne justifie pas des persécutions auxquelles elle serait exposée en cas de retour au Libéria alors qu'il est constant que sa demande d'asile a été rejetée par décision du directeur général de l'OFPRA le 30 juillet 2021, décision confirmée le 5 novembre 2021 par la Cour nationale du droit d'asile, et que sa demande de réexamen a été rejetée par une nouvelle décision du directeur général de l'OFPRA le 29 avril 2022. Si elle indique craindre les persécutions d'anciens paramilitaires ainsi que l'attitude de la société libérienne à l'égard des victimes de violence sexuelle en lien avec la guerre civile, en raison de l'inaction des pouvoirs publics libériens, elle ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations et se borne à citer des articles à caractère général sur la situation au Libéria. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2022 du préfet de l'Essonne. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles à fin d'astreinte doivent par suite être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2208237 du 13 décembre 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

L'assesseure la plus ancienne,

O. DORION La présidente-rapporteure,

F. VERSOLLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 22VE02844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02844
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CONROY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;22ve02844 ?
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