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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL22262

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL22262


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, respectivement sous le n° 2200910 et le n° 2200909, d'annuler les arrêtés du 23 novembre 2021 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une duré

e d'un an.



Par un jugement n°s 2200909 - 2200910 du 6 mai 2022, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, respectivement sous le n° 2200910 et le n° 2200909, d'annuler les arrêtés du 23 novembre 2021 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°s 2200909 - 2200910 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2022 et le 12 septembre 2023, sous le n° 22TL22262, Mme D..., épouse C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par un courrier du 18 avril 2023.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 21 octobre 2022.

Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023, à 12 heures.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2022 et le 12 septembre 2023, sous le n° 22TL22272, M. C..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par un courrier du 18 avril 2023.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 21 octobre 2022.

Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- et les observations de Me Ruffel, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme D..., son épouse, ressortissants géorgiens respectivement nés en 1947 et en 1955, déclarent être entrés en France le 28 juillet 2014. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 janvier 2015, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 3 juillet 2015. M. et Mme C... ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 12 mai 2015. Autorisée à séjourner en France entre le mois septembre 2017 et le 4 octobre 2019 pour la poursuite de ses soins, Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, le 9 janvier 2020, en se prévalant de son état de santé. Le 4 février 2021, l'intéressée ainsi que son époux ont également sollicité leur admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 23 novembre 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme et M. C... relèvent appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 22TL22262 et 22TL22272 concernent la situation d'un même couple de ressortissants étrangers, présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Par son avis du 8 juin 2020, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes sans s'estimer en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier des certificats médicaux qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.

7. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier sur lesquelles l'intéressée a accepté de lever le secret médical, que Mme C... souffre d'un syndrome de Gougerot Sjögren primitif, maladie auto-immune à l'origine d'un tableau articulaire, musculaire et enthésitique invalidant et d'une pathologie urologique et néphrologique chronique à l'origine d'une insuffisance rénale chronique et de la destruction quasi-totale de l'un de ses deux reins, pathologie ayant donné lieu à une néoplasie vésicale en 2006 avec pose d'une néo-vessie et d'une prothèse vésicule. Elle est porteuse d'une stomie urinaire avec sonde après avoir développé un carcinome veineux en 2006 traité par chirurgie. Elle indique, en outre, avoir besoin en continu de traitements, que son état de santé s'est dégradé depuis l'année 2017 et qu'elle présente un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, le directeur de clinique qui la suivait en Géorgie lui ayant conseillé de se rendre à l'étranger pour bénéficier d'un traitement approprié. En se bornant à indiquer qu'elle a été contrainte de vendre sa maison en 2008 en Géorgie pour pouvoir bénéficier de traitements médicaux et que la prise en charge médicale que nécessite son état de santé n'est pas disponible dans son pays d'origine sans étayer ses allégations de justificatifs probants quant à la disponibilité de ce traitement, Mme C... ne démontre pas, ainsi que cela lui incombe, qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge appropriée en cas de renvoi en Géorgie, pays qu'elle indique avoir quitté en 2014 et dans lequel elle a bénéficié d'une prise en charge chirurgicale en 2006 dont seules les complications sont, à ce jour, prises en charge en France. Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de manière certaine qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, en Géorgie, d'un suivi médical adapté, sans qu'il soit exigé qu'il soit en tous points équivalent à celui dont elle dispose en France, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C....

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. et Mme C... soutiennent être entrés sur le territoire français en 2014 et totaliser une durée de présence de plus de sept ans à la date des décisions en litige dont deux ans en situation régulière pour l'épouse. Ils se prévalent, en outre, des relations amicales qu'ils ont nouées en France en produisant différentes attestations en ce sens et de l'engagement bénévole de l'épouse. Toutefois, par ces éléments, les appelants ne démontrent pas la présence de membres de leur famille en France pas plus qu'ils ne justifient de l'intensité et la stabilité des liens privés et familiaux développés en France alors qu'ils ont vécu en Géorgie la majeure partie de leur vie, respectivement jusqu'à l'âge de 67 et 59 ans, qu'ils sont entrés en France en vue d'y solliciter, en première intention, l'asile et s'y maintiennent de manière irrégulière depuis 2015 en dépit du rejet définitif de leur demande de protection internationale et d'une précédente mesure d'éloignement édictée à leur encontre en 2015 à laquelle ils n'ont pas déféré et dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils seraient totalement dépourvus d'attaches et isolés dans leur pays d'origine. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour des intéressés en France, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas, en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de M. et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

11. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 9 du présent arrêt, M. et Mme C... ne font pas état de liens personnels et familiaux particulièrement intenses anciens et stables en France de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, cette dernière étant, ainsi qu'il a été dit, en mesure de bénéficier d'un traitement approprié en cas de renvoi en Géorgie. D'autre part, ils ne se prévalent d'aucune insertion professionnelle avérée en dépit de leur présence en France depuis l'année 2014. Par suite, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour des appelants, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1 ° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Selon l'article L. 435-1 du même code : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.

13. M. et Mme C... déclarent être entrés en France en 2014 et se prévalent d'une présence de près de sept années à la date de l'arrêté attaqué. Dès lors que les appelants ne démontrent ni même n'allèguent totaliser dix ans de résidence habituelle en France et qu'ils ne remplissent pas, ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 11, les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Pyrénées-Orientales n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de leur refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le vice de procédure allégué.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les décisions par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales à fait obligation aux appelants de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elles emportent sur leur situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 9.

15. En second lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Dès lors que, ainsi qu'il a dit, Mme C... peut bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée en cas de renvoi en Géorgie, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : Les requêtes de Mme et M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C..., à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22TL22262 - 22TL22272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22262
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl22262 ?
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