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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL22598

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL22598


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2201416 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cou

r :



Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 21 décembre 2022 et les 9 février et 15 juin 2023,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201416 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 21 décembre 2022 et les 9 février et 15 juin 2023, et des pièces, enregistrées le 5 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige pris dans son ensemble est entaché d'incompétence de son auteur en ce que la délégation du signataire présente un caractère trop général ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 23 novembre 2022.

Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- et les observations de Me Ruffel, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise, née le 28 décembre 1971, est entrée en France le 13 mars 2007, sous couvert d'un visa de court séjour, valable du 3 mars au 16 avril 2007. Par un arrêté préfectoral du 12 juin 2014, l'intéressée a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Le 20 avril 2017, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé mais n'a pas donné de suite à sa demande. Le 19 août 2021, Mme A... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa présence en France depuis dix ans, de ses liens privés et familiaux et de son état de santé. Mme A... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Sur le moyen commun à l'arrêté en litige :

2. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". L'article R. 425-11 du même code prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Par son avis du 6 décembre 2021, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes sans s'estimer en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier des certificats médicaux qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.

7. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier sur lesquelles l'intéressée a accepté de lever le secret médical, que Mme A... souffre d'une hépatite chronique virale B pour laquelle elle bénéficie d'un suivi spécialisé tous les quatre mois comportant une prise de sang et une analyse de la fibrose hépatique afin d'envisager un traitement antiviral si cela est nécessaire. En se bornant à soutenir que le prix d'un traitement contre l'hépatite B est très élevé au Sénégal, l'appelante ne démontre pas, ainsi que cela lui incombe, qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un suivi médical, son état de santé ne nécessitant pas, à la date de l'arrêté en litige, un traitement thérapeutique, ainsi que cela résulte du certificat médical du 14 décembre 2020 mentionnant la nécessité d'un suivi continu et de l'abandon de la demande de titre de séjour qu'elle a présentée en 2017 en se prévalant de son état de santé. Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas de manière certaine des pièces du dossier qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, au Sénégal, d'un suivi médical adapté, sans qu'il soit exigé qu'il soit en tous points équivalent à celui dont elle dispose en France, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A....

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme A..., dont le mari est décédé en 1996, se prévaut de la présence en France de sa fille unique majeure qui l'a rejointe en 2015 pour poursuivre ses études et dispose d'un titre de séjour pluriannuel en qualité d'étudiante valable du 15 octobre 2010 au 14 janvier 2023. Elle indique, en outre, disposer d'une sœur et d'un frère de nationalité française, ce dernier résidant en Suisse, d'une nièce dont elle s'est beaucoup occupée et d'une sœur résidant au Canada. Elle se prévaut, enfin, de sa bonne intégration sur le territoire français à travers les liens amicaux qu'elle y a noués, son engagement en qualité de bénévole auprès de plusieurs associations et du suivi médical dont elle bénéficie. Toutefois, par ces éléments, Mme A... ne démontre pas, en dehors de la seule présence de certains membres de sa famille en France, l'intensité et la stabilité de ses liens privés et familiaux développés en France alors qu'elle a vécu au Sénégal la majeure partie de sa vie, jusqu'à l'âge de 36 ans, que sa fille réside en France sous couvert d'un titre de séjour temporaire portant la mention " salariée ", qui ne lui donne pas vocation à s'y établir, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait totalement dépourvue d'attaches et isolée dans son pays d'origine, l'intéressée ayant déclaré que ses parents, un frère et une sœur résidaient au Sénégal dans le cadre de la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée le 23 mai 2014. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui se déclare veuve, se maintient en France de manière irrégulière depuis l'expiration de son visa et n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement édictée par un arrêté préfectoral du 12 juin 2014 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 octobre 2014 et une décision de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 février 2015. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1 ° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Selon l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".

11. D'une part, il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.

12. D'autre part, les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Mme A..., qui est être entrée sur le territoire français le 31 mars 2007 sous couvert d'un visa de court séjour, se prévaut d'une présence en France depuis plus de dix ans. S'il est constant qu'elle produit la copie intégrale de ses passeports, lesquels permettent d'établir qu'elle n'a pas quitté l'espace Schengen, elle ne produit toutefois aucun justificatif probant, à l'exception de son admission à l'aide médicale d'État, de nature à établir sa résidence habituelle en France, notamment, au cours des mois de janvier, février et août 2012, juin 2014, février, mars et juin 2015, avril et juin 2017, ainsi que sur les périodes comprises entre août 2017 et avril 2018, août 2018 et mars 2019. En outre, les factures de téléphonie mobile ainsi que l'attestation d'hébergement qu'elle se borne à produire sur l'intégralité de l'année 2021 ne permettent pas d'établir de manière certaine sa présence continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Enfin, les autres justificatifs qu'elle produit, qui sont majoritairement en lien avec son suivi médical, ne sont pas, en raison de leur manque de diversité, de nature à attester de manière probante de sa présence continue en France depuis plus de dix ans. Par suite, dès lors que Mme A... ne démontre pas totaliser dix ans de résidence habituelle en France et qu'elle ne remplissait pas, ainsi qu'il a été dit au point 9, les conditions de délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le vice de procédure allégué.

14. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 9, le préfet de l'Hérault n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault à fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 9.

16. En second lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22598
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl22598 ?
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