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29/12/2023 | FRANCE | N°23TL02114

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 23TL02114


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2303191 du 14 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er juin 2023 et a enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. A... C... dans u

n délai de deux mois à compter de la notification du jugement.



Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2303191 du 14 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er juin 2023 et a enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. A... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 18 août 2023 sous le n° 23TL02115, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... C....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le relevé des empreintes de l'intéressé en France n'est pas intervenu avant le dépôt de sa demande d'asile, mais après celle-ci ;

- aucun doute ne saurait exister quant au fait que les empreintes relevées en Italie sont celles de M. C... ; en effet, la fiabilité de la comparaison des empreintes est garantie par le système D..., lequel en l'espèce a conclu dans son rapport à l'identité des empreintes relevées en Italie et en France.

Par un mémoire en défense du 23 novembre 2023, M. A... C..., représenté par Me Mercier, conclut à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 , et directement à son profit dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que la requête du 18 août 2023, est irrecevable dès lors qu'elle est signée par Mme B... E..., pour laquelle il n'est pas justifié de l'existence d'une délégation de signature. A titre subsidiaire, la requête du préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondée.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 20 décembre 2023 rendue par le bureau d'aide juridictionnelle de Toulouse.

II. Par une requête, enregistrée le 18 août 2023 sous le n° 23TL02114, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 14 juin 2023 précité.

Il soutient que :

- les conditions d'octroi du sursis à exécution de ce jugement sont remplies dès lors qu'il justifie, dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation du jugement ;

- par ailleurs, en l'absence de prononcé d'un sursis à exécution, l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables, compte tenu du délai de six mois dont il dispose en vertu de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013, pour procéder à l'exécution du transfert d'un demandeur d'asile dans le cadre de la procédure Dublin.

Par un mémoire en défense du 23 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Mercier, conclut à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête à fins de sursis à exécution présentée par le préfet de la Haute-Garonne, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 , et directement à son profit dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que la requête du 18 août 2023, est irrecevable dès lors qu'elle est signée par Mme B... E..., pour laquelle il n'est pas justifié de l'existence d'une délégation de signature. A titre subsidiaire, la requête du préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondée.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 20 décembre 2023 rendue par le bureau d'aide juridictionnelle de Toulouse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 14 janvier 1999 et de nationalité bangladaise, a déclaré être entré en France le 26 janvier 2023. Par un arrêté du 1er juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes.

2. Par les présentes requêtes, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 14 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté précité et en demande le sursis à exécution.

3. Les requêtes n°23TL02114 et n°23TL02115 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir opposée aux requêtes d'appel :

4. Il ressort de l'article 4 f) 1) de la délégation de signature du 13 mars 2023, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, que Mme B... E..., adjointe au chef de bureau de l'asile, bénéficie en cas d'absence ou d'empêchement du chef du bureau, d'une délégation pour signer notamment les " requêtes en appel ". Faute pour M.Naiem d'établir que le chef de bureau n'aurait pas été absent ou empêché, Mme B... E... était habilitée à signer , au nom du préfet de la Haute-Garonne, la requête d'appel ainsi que la requête à fins de sursis à exécution. Les fins de non-recevoir opposées aux requêtes d'appel par M. C..., doivent donc être rejetées.

Sur la requête au fond n° 23TL02115 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

5. Aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant .... 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif D... ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système D..., elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. (...) ". En vertu de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, constitue une preuve pour la détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le " résultat positif fourni par D... par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement D... (...) ". Il résulte en outre des dispositions de l'article 11 du règlement n° 603/2013 dit " D... " qu'une personne y est identifiée non par son identité mais par le numéro de référence attribué par l'État membre dans lequel ses empreintes ont été prélevées initialement. L'article 24 de ce règlement précise que ce numéro de référence " permet de rattacher sans équivoque des données à une personne spécifique ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la consultation, le 31 janvier 2023, du fichier D... par les services de la préfecture de la Haute-Garonne a révélé que les empreintes décadactylaires de M. C... avaient été enregistrées dans ce fichier en Italie le 27 octobre 2022 sous le n° IT 2 RG032F5 .Dans ces conditions, alors même que lors de son entretien mené le 1er février 2023, l'intéressé n'a pas expressément reconnu avoir présenté une demande d'asile en Italie, et compte tenu par ailleurs de l'accord implicite par l'Italie de reprise en charge de M. C..., doivent, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, être regardés comme établis tant le fait que les identités relevées en Italie et en France concernent bien M. C..., que la réalité de la présentation par ce dernier d'une demande d'asile en Italie.

7. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en litige au motif de la méconnaissance de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

10. L'arrêté de transfert en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. C..., déclarant être entré irrégulièrement sur le territoire français le 26 janvier 2023, s'est présenté à la préfecture de police de Paris le 1er février 2023 pour y présenter une demande d'asile. Il précise également que, lors de l'enregistrement de son dossier, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé le fait qu'il avait l'objet d'un relevé de ses empreintes par les autorités italiennes le 27 octobre 2022, qui ont été saisies, le 14 février 2023, d'une demande de prise en charge de l'intéressé et qu'elles ont été destinataires, le 27 avril 2023, d'un constat d'accord implicite en date du 15 avril 2023 sur le fondement de l'article 22-7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il précise en outre que, lors de l'entretien individuel du 1er février 2023, M. C... ne s'est pas prévalu d'éléments particuliers quant à l'existence d'une vie privée et familiale en France. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne pour déterminer que l'Italie était responsable de l'examen de sa demande d'asile et prendre la décision de transfert. Par suite, cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé et ne se trouve pas par ailleurs entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans D.... La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement ".

12.Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide la réadmission de l'intéressé dans l'État membre responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre par les services préfectoraux, le 1er février 2023, à l'occasion de son entretien individuel, le guide du demandeur d'asile, les brochures A et B exigées par les dispositions précitées, ces documents rédigés en langue bengali ayant été contresignés par l'intéressé.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est

mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

14. Si M. C... fait valoir que l'arrêté de transfert aux autorités italiennes méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée alors, en tout état de cause, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié, comme il a été déjà dit, le 1er février 2023, d'un entretien individuel en préfecture en langue bengali et qu'il a contresigné le compte-rendu d'entretien.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III (...), l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'État considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. " . Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les États membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un État membre autre que la France, que cet État a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet État doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

16. M. C... fait valoir qu'il existerait, au sens des dispositions précitées, des défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, les allégations de M. C... pas plus que les documents qu'il produit, constitués par des articles de presse et de rapports d'organisations internationales, ne suffisent à caractériser l'existence dans ce pays de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. L'Italie est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, complétée par le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'Italie aurait effectivement et depuis le 5 décembre 2022, date d'une circulaire du ministre de l'intérieur italien, refusé les réadmissions de demandeurs d'asile . De plus, cette circulaire précise que l'obstacle à l'exécution du transfert de tels demandeurs vers l'Italie est limité dans le temps et uniquement motivé par des raisons techniques liées au fait que les structures d'accueil sont sous pression. Ces éléments ne permettent donc pas d'établir que la demande d'asile de l'intéressé ne serait pas examinée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et à caractériser des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil et d'examen des demandes d'asile alors que les autorités italiennes ont implicitement accepté la prise en charge de l'intéressé postérieurement à cette circulaire ou qu'elle serait susceptible de subir personnellement des traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doivent être écartés.

17. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre État qu'elle entend requérir, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, il est procédé à l'enregistrement de la demande selon les modalités prévues au chapitre I du titre II. Une attestation de demande d'asile est délivrée au demandeur selon les modalités prévues à l'article L. 521-7. Elle mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'État responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet État. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre et que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en œuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Cette faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

18. En l'espèce, il ressort des termes de l'arrêté du 1er juin 2023, que le préfet de la Haute-Garonne a examiné, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, la situation de M. C... au regard des dispositions précitées et a estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de ces dispositions dérogatoires dès lors, notamment, que l'intéressé ne pouvait se prévaloir de l'existence d'une vie privée et familiale en France ni du fait qu'il souffrirait d'une pathologie d'une particulière gravité et que l'exécution de son transfert emporterait une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé alors que n'était par ailleurs pas établie l'impossibilité d'accéder aux soins en Italie.

19.Le moyen selon lequel le préfet se serait estimé lié par la circonstance que la demande d'asile de M. C... relevait de la compétence des autorités italiennes selon les critères du règlement (UE) n° 604/2013 et aurait écarté sans l'examiner la possibilité de lui faire bénéficier des dispositions de cet article 17 doit donc être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... serait dans un état de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 17, 17.1 et 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er juin 2023 décidant le transfert aux autorités italiennes de M. C..., lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, dans l'attente, d'une attestation de demande d'asile et a mis à la charge de l'État la somme de 1 250 euros au titre des frais liés au litige.

Sur la requête n° 23TL02114 :

21. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 1er juin 2023. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M.Naiem au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2303191 du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL02114.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne et à Me Mercier.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 23TL02114, 23TL02115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02114
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23tl02114 ?
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