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09/01/2024 | FRANCE | N°23BX01008

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 janvier 2024, 23BX01008


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2201196 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Par une requête enregistrée le 11 avril 2023, et des pièces enregistrées le 11 décembre 2023, Mme A... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201196 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2023, et des pièces enregistrées le 11 décembre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Malabre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer un titre de séjour et de travail, ou à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois, et de l'admettre provisoirement au séjour et au travail dans un délai de dix jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de deux indemnités de 1 920 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991

Mme B... soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne dans un délai raisonnable avant l'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué méconnait l'article L. 436-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- il méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète de la Corrèze s'est crue à tort en situation de compétence liée ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

- elles sont entachées d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pauline Reynaud, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante turque née le 3 juin 1966, déclare être entrée en France en février 2012. L'intéressée a sollicité, le 20 janvier 2022, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 1er juin 2022, la préfète de la Corrèze a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 2201196 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance de clôture d'instruction dès l'enregistrement du 19 août 2022, dont il a été accusé réception le jour même, le tribunal a informé le conseil de la requérante de la date de l'audience, et de ce qu'il pouvait, s'il le souhaitait, prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public sur l'application " Sagace " dans un délai de l'ordre de deux jours avant l'audience initialement prévue le 5 janvier 2022 à 11 heures, en application des dispositions de l'article L. 711-3 du code de justice administrative. Cette ordonnance précisait par ailleurs que le conseil de la requérante pouvait solliciter le greffe du tribunal s'il n'était pas en mesure de consulter l'application en ligne. Ces mêmes informations lui ont été données par l'avis de renvoi d'audience en date du 22 septembre 2022. Il ressort également des pièces du dossier que la dispense du rapporteur public de présenter des conclusions a été versée sur l'application " Sagace " le 3 novembre 2022 veille de l'audience publique qui a eu lieu le 4 novembre 2022. Le conseil de la requérante ne fait état d'aucune difficulté à accéder à l'application " Sagace " et n'établit ni même n'allègue avoir vainement saisi le greffe du tribunal pour obtenir le sens des conclusions. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en raison de l'absence de communication, deux jours avant l'audience, du sens des conclusions du rapporteur public.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, Mme B... reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement attaqué, le moyen invoqué en première instance tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué. Elle n'apporte ainsi aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ce moyen, auquel les premiers juges ont suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Limoges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis février 2012, il ressort des pièces du dossier que les nombreux documents médicaux produits portent sur les années 2018 à 2022. Si la requérante produit tout de même une attestation établie le 13 septembre 2022 par un médecin généraliste, lequel indique suivre Mme B... depuis 2012, une attestation du même médecin établie le 9 décembre 2019, lequel indique avoir reçu Mme B... en consultation le 25 janvier 2012, ainsi qu'une attestation sur l'honneur de sa fille, ces éléments ne suffisent toutefois pas à établir sa présence en France depuis février 2012. La circonstance que deux de ses enfants, ses petits-enfants ainsi que son ex-époux, résident sur le territoire, ne lui confère pas un droit au séjour. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme B..., qui ne produit aucun élément relatif à son intégration sur le territoire français, et qui n'apporte pas d'éléments établissant qu'elle s'occupe au quotidien de ses petits-enfants, n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident notamment trois de ses cinq enfants. Dans ces conditions, la préfète de la Corrèze n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Corrèze se serait crue en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour formée par Mme B.... D'autre part, il est constant que Mme B... n'a pas formé de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que, dès lors que l'intéressée n'établit pas résider en France depuis plus de dix ans, la préfète de la Corrèze n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 précitées doit être écarté.

9. En quatrième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 436-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne s'appliquent pas à sa situation.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

11. Eu égard à ce qui a été dit au point 6, Mme B... ne remplissait pas effectivement les conditions de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la préfète de la Corrèze n'était pas tenue de saisi la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 précitées doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, fondées sur cette décision, seraient illégales par voie de conséquence.

13. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

Pauline Reynaud La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01008
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23bx01008 ?
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