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10/01/2024 | FRANCE | N°22LY02320

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 10 janvier 2024, 22LY02320


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2203236 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la co

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Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 et des mémoires enregistrés les 6 septembre, 15 déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203236 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 et des mémoires enregistrés les 6 septembre, 15 décembre et 22 décembre 2022, M. A..., représenté par la SCP d'avocats Robin Vernet, agissant par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ain du 22 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement contesté :

- son mémoire enregistré le 1er juin 2022 au greffe du tribunal n'a ni été communiqué, ni pris en compte et le tribunal a omis de statuer sur un moyen développé dans celui-ci ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il peut se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 sur le fondement des articles L. 312-3 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité entachant le refus de séjour qui lui a été opposé ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité entachant les deux précédentes décisions.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller,

- et les observations de Me Lulé, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en 1985, est entré en France le 25 septembre 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type D. Une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", valable jusqu'au 20 novembre 2021, lui a été délivrée. Il en a sollicité le renouvellement le 15 novembre 2021. Par un arrêté du 22 février 2022, la préfète de l'Ain lui a opposé un refus de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal administratif a communiqué à la préfète de l'Ain le mémoire présenté pour M. A..., enregistré le 1er juin 2022, et l'a visé dans le jugement.

3. D'autre part, si le mémoire précité mentionnait que l'arrêté attaqué avait été confirmé malgré le recours gracieux du 1er avril 2022, il ne formulait pas clairement de conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite portant rejet de ce recours. En outre, compte tenu de la formulation confuse du passage de ce mémoire concernant la naissance de cette décision implicite, M. A... ne pouvait être regardé comme invoquant un moyen nouveau auquel le jugement aurait omis de répondre.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'article L. 423-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "travailleur saisonnier" d'une durée maximale de trois ans. / Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. / Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". Ces dispositions étant les seules applicables en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, qui ne traite pas des titres portant la mention " travailleur saisonnier ", il n'avait pas à viser cet accord. Cet arrêté relève ensuite que M. A... n'exerce pas un emploi saisonnier, a dépassé la durée cumulée de six mois par an de travail en France et ne justifie pas avoir sa résidence habituelle hors de France. Cet arrêté expose ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles est fondé le refus de renouvellement du titre de séjour du requérant. Il est dès lors suffisamment motivé, conformément aux articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, d'une part, le récépissé qui a été délivré à M. A... indique qu'il avait sollicité le renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, laquelle portait la mention " travailleur saisonnier ". Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait également sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par ailleurs, la circonstance qu'à l'appui de sa demande, le requérant a produit des contrats de travail conclus avec la société Valserine Rhône puis avec la société OZGAN, pour des emplois qui n'avaient pas un caractère saisonnier, n'imposait pas à l'administration de le regarder comme ayant sollicité également la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 du même accord, ou son admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ", sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit la délivrance des titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le territoire national en qualité de salarié ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir de sa demande tendant à la délivrance d'un titre " salarié " formulée à l'occasion de son recours gracieux, présenté postérieurement à l'arrêté attaqué, lequel recours a d'ailleurs été rejeté par un arrêté du 7 juillet 2022, intervenu au cours de l'instance introduite devant le tribunal, qu'il ne soutient pas avoir contesté.

7. D'autre part, aucune disposition ni aucun principe n'imposait à la préfète de l'Ain d'examiner d'office si un titre de séjour autre que celui sollicité pouvait être délivré à l'intéressé, fût-ce de plein droit, notamment une carte de résident ou une carte de séjour portant la mention " salarié ". Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour n'aurait pas été précédée d'un examen de la situation personnelle de M. A... et serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

8. En quatrième et dernier lieu, un étranger ne détenant aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. A... fait valoir qu'il a construit en France des liens privés de nature telle que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français viole son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, le requérant, qui s'était engagé lors de la délivrance de sa carte de séjour pluriannuelle à maintenir sa résidence habituelle hors de France, ne conteste pas que son épouse et son enfant mineur résident au Maroc, et n'invoque pas d'autres attaches en France que les relations nouées dans le cadre du travail. Dans ces circonstances, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ne viole pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la légalité de la décision désignant le pays de destination :

12. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés précédemment, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02320
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-10;22ly02320 ?
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