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26/03/2013 | FRANCE | N°11BX01637

France | France, Cour administrative d'appel de, 2ème chambre (formation à 3), 26 mars 2013, 11BX01637


Vu le requête enregistrée le 7 juillet 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 11 juillet 2011, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement nos 0700237,0702578 du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 20 000 euros au titre de la résiliation des contrats de location financière des 19 juin 2000 et 19 février 2004 portant sur

les lave-linges et les cuisinières équipant le centre de détention de Mauzac ...

Vu le requête enregistrée le 7 juillet 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 11 juillet 2011, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement nos 0700237,0702578 du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 20 000 euros au titre de la résiliation des contrats de location financière des 19 juin 2000 et 19 février 2004 portant sur les lave-linges et les cuisinières équipant le centre de détention de Mauzac ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement et de ramener la condamnation de l'Etat à la somme de 10 172,39 euros ;

3°) de condamner la société Serfi à le garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (loi MURCEF) ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2013 :

- le rapport de Mme De Paz, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que le directeur du centre de détention de Mauzac, établissement semi-ouvert accueillant 300 détenus, souhaitant mettre à la disposition des détenus des lave-linges ainsi que des cuisinières, a décidé de conclure un contrat avec la société Serfi International, fournisseur, le 18 avril 2000 pour une durée de six ans ayant pour objet la fourniture de 28 lave-linges et de 28 cuisinières, ainsi qu' un contrat d'entretien avec garantie totale des pièces, déplacements et main d'oeuvre pendant la durée du contrat, pour un montant total de 140 400 francs, soit 21 403,84 euros ; que pour le financement de cet équipement électroménager, un contrat de location financière, apparenté à un contrat de crédit-bail, a été signé le 29 juin 2000, d'un montant de 167 904 francs, soit 25 596,79 euros, avec la société Siemens Finance et la société BNP Paribas Lease Group ; que le 21 janvier 2004, le directeur du centre de détention de Mauzac a décidé de signer avec la société Serfi International un second contrat de fourniture de 15 lave-linges et 15 cuisinières, d'une durée de trois ans, avec la même garantie, pour un montant de 19 269,71 euros ; qu'un contrat de location financière avec option d'achat a été signé le 19 février 2004 avec la société BNP Paribas Lease Group pour une durée de trois ans, d'un montant de 21 528 euros TTC ; que le directeur du centre de détention de Mauzac, estimant que la société Serfi International ne satisfaisait pas à ses obligations d'entretien et de réparation du matériel fourni, lui a adressé le 11 octobre 2004, après l'avoir mise en demeure de satisfaire à ses obligations, sa décision de résilier les deux contrats qui les liaient ; que le directeur du centre de détention a également décidé le 11 octobre 2004 de résilier les deux contrats de location financière passés avec la société Siemens et avec la société BNP Paribas Lease Group et de cesser de payer les loyers ; que malgré des relances et en l'absence de paiement des loyers trimestriels échus qu'elle estimait lui être dus, la société BNP Paribas Lease Group a décidé le 8 novembre 2005 de résilier les contrats de financement du 29 juin 2000 et du 19 février 2004 ; que l'ensemble du matériel lui a été restitué par le centre de détention le 5 janvier 2006 ; qu'après avoir établi le 9 octobre 2006 le décompte de résiliation du contrat du 19 juin 2000 faisant apparaître une créance de 6 971,65 euros TTC au profit de la société BNP Paribas Lease Group et le décompte de résiliation du contrat du 19 février 2004 faisant apparaît une créance de 17 483,46 euros TTC au profit de la société BNP Paribas Lease Group, et en l'absence de paiement de ces deux créances par le ministère de la Justice, la société BNP Paribas Lease Group a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme totale de 24 355,11 euros TTC ; que par un jugement du 10 mai 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 20 000 euros TTC au titre des loyers restant à payer en exécution des contrats de financement et a rejeté les conclusions d'appel en garantie qu'il avait présentées à l'encontre de la société Serfi International ; que le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement et en demande l'annulation ; que la société BNP Paribas Lease Group demande par voie d'appel incident la majoration de l'indemnité fixée par le tribunal ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l 'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les contrats de location financière conclus les 19 juin 2000 et 19 février 2004, qui avaient pour objet une prestation de services bancaires, étaient soumis au code des marchés publics ; que le montant prévisible du contrat du 19 juin 2000 à la date de sa signature n'excédait pas le seuil des 300 000 francs autorisant qu'il soit passé sans formalités ; que le montant du premier contrat additionné à celui du second contrat signé le 19 février 2004 n'excédait pas non plus le seuil des 90 000 euros en deçà duquel le code des marchés publics alors en vigueur autorisait la passation d'un marché public sans formalités ; que toutefois, même si comme le soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, les conditions de passation des marchés publics auraient dû respecter une procédure de publicité et de mise en concurrence adaptée, en vertu des principes généraux de la commande publique, il ne résulte pas de l'instruction que ces irrégularités révèleraient une manoeuvre de l'Etat destinée à vicier le consentement de l'autre partie ; qu'ainsi, de telles irrégularités ne constituent pas des vices d'une particulière gravité relatifs notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que, dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que le présent litige ne peut pas être réglé sur le terrain contractuel ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si le garde des sceaux, ministre de la justice soutient que l'article 5 des conventions de location financière en tant qu'il prévoit que le locataire renonce à tout recours contre le bailleur en ce qui concerne le matériel loué constituerait une clause illicite, il résulte des termes de cet article que celui-ci concerne la garantie du matériel loué et a seulement pour objet de rendre inopposable à la société BNP Paribas Lease Group les défaillances ou vices cachés des appareils loués pour lesquels le locataire, en l'espèce le centre de détention de Mauzac, devait en premier lieu se retourner contre le fournisseur, c'est-à-dire, la société Serfi International ; que cette clause qui est usuelle dans les contrats de type crédit-bail, ne comporte aucune renonciation de l'administration à son pouvoir de résiliation unilatérale à l'égard de la société BNP Paribas Lease Group, pouvoir qui existe même sans texte lorsque la résiliation est justifiée pour un motif d'intérêt général ou en cas de faute de son cocontractant ; que dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que cette clause serait illicite pour écarter ainsi son application et ne pas soumettre l'Etat de son obligation de prendre en charge les conséquences financières de la résiliation des contrats en litige par la société BNP Paribas Lease Group ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les stipulations de l'article 8 des contrats de location financière prévoient qu'en cas de résiliation, le bailleur a droit, en réparation du préjudice subi, au paiement des loyers impayés et à une indemnité égale au montant des loyers à échoir au jour de la résiliation, majorée d'une clause pénale de 10% ; que l'indemnité et les pénalités prévues par cet article ne constituent pas des libéralités et ne présentent pas, eu égard au montant de l'indemnité limitée aux loyers restant à échoir, ainsi qu'au pourcentage retenu pour le calcul de la clause pénale, un caractère excessif ; qu'en tout état de cause, toute clause pénale peut être modulée par le juge lorsque, saisi de conclusions en ce sens, son montant lui paraît manifestement dérisoire ou excessif ;

6. Considérant, enfin, que les stipulations de l'article 10 en tant qu'elles prévoient que " Toute la période de location commencée est intégralement due " et en tant qu'elles interdisent au locataire de suspendre ou refuser le paiement des loyers du fait d'un quelconque litige relatif aux assurances ou prestations de son fournisseur, traduisent l'engagement du crédit-preneur de jouir de la chose et de payer les loyers pendant une période " irrévocable ", en contrepartie de l'engagement de la société BNP Paribas Lease Group d'acquérir les appareils électroménagers pour les louer au centre de détention de Mauzac, qui ne disposait pas du financement pour acquérir directement ce matériel ; que par ailleurs, l'engagement repose sur une cause légale ; que par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que l'article 10 serait illicite ; qu'il résulte de ce qui précède que le litige peut être réglé dans le cadre contractuel, en appliquant l'article 8 des conventions de location financière ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décompte arrêté au 9 octobre 2006 produit en appel au titre du contrat conclu le 19 juin 2000 mentionne le montant des loyers impayés sur la période du 26 mars 2005 au 26 septembre 2005, assortis d'une pénalité de 10 %, et une indemnité contractuelle de résiliation calculée à partir des loyers de la période du 26 mars 2005 au 26 juin 2006, assortie d'une pénalité de 10 %, pour un montant total de 6 871,65 euros ; que le décompte arrêté au 9 octobre 2006 produit au titre du contrat conclu le 17 mars 2004 mentionne les loyers impayés sur la période du 17 décembre 2005 au 17 décembre 2006, assortis d'une pénalité de 10 %, et une indemnité de résiliation calculée à partir des loyers de la même période, assortie d'une pénalité de 10 %, soit le montant total de 17 483,46 euros ; que ces décomptes ne déterminent pas de façon explicite le montant des loyers échus et impayés et le montant de l'indemnité due au titre de ceux à échoir ; que, dans ces conditions, le montant des loyers dus en application de ces deux contrats, après prise en compte de la pénalité de 10%, calculé en fonction de la durée d'exécution contractuelle restante, soit pour la période du 26 mars 2005 au 26 juin 2006 pour le contrat conclu le l9 juin 2000 et pour la période du 17 décembre 2005 au 17 décembre 2006 pour le contrat conclu le 19 février 2004, doit être fixé aux sommes respectives de 3 519,85 euros TTC et de 7 893,60 euros TTC ; que les charges liées à la résiliation pour faute devant être mises à la charge de son cocontractant, la société BNP Paribas Lease Group est également fondée à demander la somme de 743,90 euros au titre des frais de transport qu'elle a engagés pour récupérer le matériel postérieurement aux résiliations des deux contrats en litige et dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils n' auraient pas été réellement exposés ; qu'ainsi, après déduction des sommes de 540 euros TTC, et 1 073,02 euros TTC au titre des produits de la revente des matériels restitués le 5 janvier 2006, la société BNP Paribas Lease Group a droit au paiement de la somme de 10 544,33 euros au titre des contrats résiliés ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 20 000 euros ; que par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de la société BNP Paribas Lease Group tendant à la majoration de son indemnisation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice à l'encontre de la société Serfi International :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les machines à laver et les cuisinières fournies par la société Serfi International au centre de détention de Mauzac étaient destinées à un usage domestique ; que l'utilisation de ces équipements électroménagers par les détenus du centre de détention a été intensive et a entraîné de nombreuses pannes nécessitant l'intervention de la société Serfi International dans le cadre des contrats d'entretien ; qu'ainsi, et dès lors qu'il n'a pas été fait une utilisation normale du matériel, l'Etat ne peut reprocher à la société Serfi International qui avait, avant la passation des contrats, attiré l'attention du directeur du centre de détention de Mauzac sur la nécessité de louer un matériel professionnel, d'avoir commis des fautes dans l'exécution du contrat de maintenance du matériel ; que par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société Serfi International à le garantir des condamnations prononcées à son encontre au titre des décomptes des contrats résiliés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société BNP Paribas Lease Group et la même somme à verser à la société Serfi International au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'Etat est condamné à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 10 544,33 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 mai 2011 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1.

Article 3 : L'Etat versera à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 1 500 euros et la même somme à la société Serfi International au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du garde des sceaux, ministre de la justice et les conclusions d'appel incident présentées par la société BNP Paribas Lease Group sont rejetées.

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No 11BX01637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX01637
Date de la décision : 26/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL CABINET NEUER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-03-26;11bx01637 ?
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