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21/05/2013 | FRANCE | N°10BX01152

France | France, Cour administrative d'appel de, 5ème chambre (formation à 3), 21 mai 2013, 10BX01152


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2010 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 14 mai 2010, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron, dont le siège est situé 38 boulevard de l'Ayrolle à Millau (12101), par Me Lacan, avocat au barreau de Paris ;

La chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503153-0503803 en date du 5 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la société Allianz Marine et Aviation la som

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Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2010 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 14 mai 2010, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron, dont le siège est situé 38 boulevard de l'Ayrolle à Millau (12101), par Me Lacan, avocat au barreau de Paris ;

La chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503153-0503803 en date du 5 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la société Allianz Marine et Aviation la somme de 14 487,50 euros TTC en réparation des préjudices subis par cette dernière ;

2°) de rejeter la demande d'indemnisation présentée par la société Allianz Marine et Aviation et, à titre subsidiaire, de dire que la classification de l'aérodrome incombe, avec sa mise en oeuvre, exclusivement à l'Etat, et, dans le cas où il serait fait droit à la demande de la société Allianz Marine et Aviation, de condamner l'Etat à la relever et la garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 23 avril 2013 :

- le rapport de Mme Florence Demurger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;

1. Considérant que lors de son atterrissage à l'issue d'un vol local le 16 mai 2004, un avion de type " Robin ", propriété de l'aérodrome Millau Larzac, a quitté brutalement la piste de l'aérodrome, cent mètres après le toucher des roues sur celle-ci, puis a heurté une clôture grillagée située à 35 mètres à droite du bord de piste ; que la société Allianz Marine et Aviation, partiellement subrogée dans les droits de l'aéroclub de Millau Larzac, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron à l'indemniser des conséquences dommageables de cet accident pour un montant de 28 975 euros TTC correspondant à la partie des frais de réparation de l'avion restée à sa charge, en faisant valoir que leur responsabilité était engagée du fait d'un défaut d'entretien normal de la piste de l'aérodrome ; que, par la présente requête, la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron interjette appel du jugement, en date du 5 février 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la société Allianz Marine et Aviation (SM3A), désormais dénommée Allianz Global Corporate et Specialty, la somme de 14 487,50 euros TTC en réparation des préjudices subis par cette dernière ; que, par la voie du recours incident, la société Allianz Global Corporate et Specialty, venant aux droits de la Société mutuelle d'assurances aériennes et des associations, demande à la cour de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron ou l'Etat, voire l'un et l'autre, à verser à la SM3A, aujourd'hui Allianz Global Corporate et Specialty, la somme de 28 975 euros ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des stipulations des articles 2 et 5 de la convention du 3 août 1981, passée entre l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron, cette dernière était chargée de l'aménagement et de l'entretien des pistes et bandes d'envol de l'aérodrome de Millau Larzac, ainsi que des voies de circulation y compris leurs accotements ; que, dès lors, la société Allianz Global Corporate et Specialty n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le terrain du défaut d'entretien normal de la piste dudit aérodrome ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 222 -1 du code de l'aviation civile : " Les aérodromes destinés à la circulation aérienne publique font l'objet d'une classification établie en tenant compte des caractères et de l'importance du trafic qu'ils doivent assumer ( ...) " ; qu'aux termes de l'article R. 222.5 du même code : " Les aérodromes terrestres destinés à la circulation aérienne publique sont classés dans les cinq catégories suivantes : (...) / Catégorie D - Aérodromes destinés à la formation aéronautique, aux sports aériens et au tourisme et à certains services à courte distance (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 241-1 dudit code : " Afin d'assurer la sécurité de la circulation des aéronefs, il est institué des servitudes spéciales dites servitudes aéronautiques. Ces servitudes comprennent : 1° Des servitudes aéronautiques de dégagement comportant l'interdiction de créer ou l'obligation de supprimer les obstacles susceptibles de constituer un danger pour la circulation aérienne ou nuisibles au fonctionnement des dispositifs de sécurité établis dans l'intérêt de la navigation aérienne (...) " ; que l'article R. 241-3 dispose : " Les servitudes prévues à l'article R. 241-1 assureront à la navigation aérienne, conformément à l'annexe 14 de la convention relative à l'aviation civile internationale en date du 7 décembre 1944 ou aux conventions internationales civiles et militaires, des conditions de sécurité au moins équivalentes à celles qui résultent des standards et des recommandations de l'organisation de l'aviation civile internationale " ; qu'en vertu de l'annexe à l'article D. 222-1 du même code, l'aérodrome de Millau-Larzac est classé dans la catégorie D au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-5 ; qu'aux termes de l'arrêté du 31 décembre 1984 fixant les spécifications techniques destinées à servir de base à l'établissement des servitudes aéronautiques à l'exclusion des servitudes radioélectriques, les surfaces de dégagement des aérodromes classés en catégorie D ont une largeur de 150 mètres ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la clôture grillagée, heurtée par l'avion appartenant à l'aérodrome de Millau-Larzac le 16 mai 2004, était située à 35,3 m du bord de piste, soit à une distance de 50,3 m du milieu de la piste d'atterrissage ; qu'en vertu des dispositions précitées, les servitudes aéronautiques de dégagement applicables en l'espèce imposaient une bande de piste aménagée, dénuée de tout obstacle susceptible de constituer un danger pour la circulation aérienne, d'une largeur de 150 mètres soit 75 mètres de part et d'autre de l'axe de la piste ; que, si la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron soutient que l'aérodrome de Millau-Larzac bénéficie depuis l'année 2000 d'un code de référence 2B, en vertu de la codification de l'organisation de l'aviation civile internationale, cette circonstance est sans incidence sur la classification susvisée, dès lors qu'il résulte de l'instruction que seule la classification précitée de l'article R. 222-5 du code de l'aviation civile était régulièrement applicable à la date de l'accident et que la classification en 2B n'a été mise en place que par arrêté du 10 juillet 2006, soit postérieurement aux faits en litige ; que la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron ne saurait, en outre, se prévaloir utilement des stipulations de l'annexe 14 de la convention relative à l'aviation civile internationale en date du 7 décembre 1944, dès lors que les normes adoptées par l'organisation de l'aviation civile internationale, compte tenu de leur nature et des possibilités de dérogations qu'elles comportent, ne constituent que des recommandations s'adressant aux Etats parties à ladite convention et ne sont, par suite, pas directement applicables en droit interne ; qu'enfin, l'absence de plan de servitude opérationnelle applicable à l'aérodrome de Millau-Larzac à la date de l'accident en litige ne pouvait, en tout état de cause, exonérer la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron de s'assurer de l'application effective des dispositions réglementaires susvisées s'agissant des servitudes aériennes de dégagement applicables à l'aérodrome au regard de sa classification ; qu'il suit de là que la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron est engagée à raison des conséquences dommageables de l'accident survenu le 16 mai 2004 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'accident établi par le bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile, que lors de l'atterrissage, le pilote n'a pas suffisamment pris en compte les effets du vent traversier, qui atteignait environ 20 noeuds ; que si la société Allianz Global Corporate et Specialty soutient que les conditions météorologiques permettaient le vol, il ressort toutefois du relevé des conditions météorologiques, établi le 23 juin 2004, que l'aérodrome de Millau était soumis, le jour de l'accident, à des bourrasques de vent supérieures à 22 noeuds, vitesse qui constitue la limite supérieure de vent de travers démontrée pour le type d'avion en litige ; qu'il résulte en outre de l'instruction que l'appareil, qui transportait le pilote et trois passagers, était proche de la masse maximale ; que, dans ces conditions et compte tenu de la faible expérience du pilote, le rapport a pu conclure qu'il devenait difficile pour ce pilote d'assurer le contrôle de l'avion à l'atterrissage ; que, dès lors, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la faute de pilotage susmentionnée, de mettre à la charge la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron la moitié des conséquences dommageables de l'accident ;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages occasionnés à l'avion accidenté ont été chiffrés par la société Allianz Global Corporate et Specialty à un montant non contesté de 28 975 euros TTC resté à sa charge ; que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus établi, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi par la société requérante en fixant à 14 487,50 euros l'indemnité due par la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron en réparation des dommages occasionnés à l'avion ;

Sur l'appel en garantie :

7. Considérant qu'en vertu des stipulations de la convention précitée du 3 août 1981, la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron était seule chargée de l'aménagement et de l'entretien de la piste de l'aérodrome de Millau-Larzac sur laquelle l'accident en litige s'est produit ; que, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la chambre de commerce et d'industrie n'est par suite pas fondée à appeler l'Etat en garantie des condamnations prononcées contre elle du fait du défaut d'entretien des équipements en cause ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de Millau Sud Aveyron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la société Allianz Marine et Aviation la somme de 14 487,50 euros TTC en réparation des préjudices subis par cette dernière ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Allianz Global Corporate et Specialty, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la chambre de commerce et de l'industrie de Millau Sud Aveyron demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, les conclusions de la société Allianz Global Corporate et Specialty dirigées contre l'Etat doivent être rejetées pour le même motif ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la chambre de commerce et de l'industrie de Millau Sud Aveyron une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Allianz Global Corporate et Specialty et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la chambre de commerce et de l'industrie de Millau Sud Aveyron et les conclusions incidentes de la société Allianz Global Corporate et Specialty sont rejetées.

Article 2 : La chambre de commerce et de l'industrie de Millau Sud Aveyron versera à la société Allianz Global Corporate et Specialty une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10BX01152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01152
Date de la décision : 21/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-03-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de police. Police des aérodromes.


Composition du Tribunal
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : LACAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-05-21;10bx01152 ?
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